Au supermarché

J'aimerais me rendre au supermarché s'il était vide. Il est peuplé en réalité d'une espèce humaine spécifique, différente de celle que l'on croise dans les rues. Ce sont des gens dont le regard fixe se dirige vers l'horizon, le bout d'une gondole ou un produit lointain et peut-être inaccessible et qui, fascinés par l'objet du désir, ignorent le reste de l'humanité. J'en ai vu qui m'ont heurté avec leur chariot, qui passeraient presque sur mon corps, qui me bousculent dans les allées, ou qui, au contraire, se plantent devant une glace à la vanille avec perplexité, l'observant comme si elle allait leur parler, la soupesant, la reniflant et sombrant ainsi dans une interminable réflexion existentielle qui bloque le passage. J'ai remarqué que les femmes, au supermarché, ont l'autorité que les hommes, n'étant pas maîtresses de maison, ne peuvent pas avoir et qu'elles s'estiment donc, en toute occasion, prioritaires, dans l'acquisition de la nourriture et dans les files d'attente. Ce n'est pas du sexisme de ma part. J'ai la galanterie de les laisser passer devant moi. Quant aux hommes, je préfère éviter l'altercation.