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Évolution du mode de rémunération : enquête sur les attentes des officinaux

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Publié le 17/12/2025
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L’évolution du mode de rémunération des officinaux est au cœur des travaux engagés par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF), qui doivent rendre leurs conclusions début 2026. Dans le cadre de ces débats, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a consulté les officinaux pour connaître leurs attentes et les solutions qu’ils préconisent pour améliorer la situation économique d’une profession qui en a aujourd’hui grandement besoin. Les résultats de cette enquête ont été dévoilés ce 16 décembre.

Des fermetures d’officines qui se succèdent, de nouvelles baisses de prix sur les génériques, une rémunération en baisse de 25 % depuis 2015 si l’on tient compte de l’inflation, une marge dégressive lissée (MDL) qui représente déjà moins de 30 % de la marge administrée sur les médicaments et la LPP, sans compter d’autres mesures d’économies envisagées… le mode de rémunération des pharmaciens doit évoluer pour permettre à la profession d’affronter l’avenir. Trouver des solutions pour le futur : c’est tout l’enjeu des missions confiées à l’IGF et à l’IGAS, travaux lancés en contrepartie de la suspension de la baisse du plafond de remise sur les médicaments génériques. Si le plafond à 40 % pour ces médicaments va être inscrit dans la loi (sous couvert de la validation de l’article par le Conseil constitutionnel) suite à l’adoption du PLFSS pour 2026, le débat de fond sur le mode de rémunération des pharmaciens, lui, est plus que jamais d’actualité. Des solutions sont impératives, car « la plupart des pharmaciens interrogés estiment que leur officine n’est plus viable avec le système actuel », alerte la FSPF en conclusion de son enquête.

Le modèle de l’honoraire plaît aux pharmaciens

Quelles orientations souhaitent aujourd’hui prendre les pharmaciens d’officine, qui jugent globalement leur modèle économique « en danger » ? La consultation menée par la FSPF a permis d’interroger 5 000 d’entre eux dans la France entière pendant plus d’un mois. Premier élément à retenir : les officinaux sont attachés à la rémunération à l’honoraire, notamment car elle offre « une sécurité face aux baisses de prix des médicaments ». Un maintien des honoraires existants, un rééquilibrage « en faveur de l’honoraire à l’ordonnance » pour valoriser le cœur du métier, la création de nouveaux honoraires et bien sûr une revalorisation de leur montant actuel sont plébiscités par la profession. Les pharmaciens souhaitent notamment que de nouveaux honoraires soient mis en place pour mieux valoriser la diversité des missions qu’ils assument aujourd’hui, que ce soit les dépistages (notamment les TROD), les interventions pharmaceutiques, l’orientation du patient dans le parcours de soins, mais aussi les interventions administratives (alimentation du dossier pharmaceutique, ASAFO, formulaires pour les analogues du GLP-1…), la gestion des ruptures, la substitution générique ou encore la livraison à domicile. Une longue, mais non exhaustive, liste d’actes sur lesquels les pharmaciens estiment ne pas être suffisamment bien rémunérés aujourd’hui. De nouveaux honoraires leur semblent donc indispensables pour mieux valoriser la diversification de leurs missions, processus en cours et qui a vocation à se poursuivre, comme l’illustre la mise en place des entretiens pharmaceutiques sur le diabète de type 2, début 2027 avant peut-être d’autres, cette fois dans le champ des maladies cardio-vasculaires. Les pharmaciens n’oublient cependant pas de citer l’ensemble des prestations qu’ils réalisent aujourd’hui quotidiennement sans percevoir de rémunération en retour et demandent que celles-ci soient rémunérées « avant d’en créer de nouvelles ».

Les officinaux interrogés formulent par ailleurs d’autres propositions d’évolutions du modèle de rémunération : en particulier la « création de forfaits “structure“ en fonction de la localisation de l’officine et de son environnement médico-social » ; « une rémunération à la capitation, par exemple en fonction du nombre de patients chroniques suivis » ; « le financement d’un assistant pharmaceutique par l’assurance-maladie » et prennent sans surprise position pour une sacralisation des remises commerciales, que ce soit « dans leur principe ou dans leur montant ».

Marge dégressive lissée : des modifications espérées

Interrogés sur la pertinence de maintenir ou non la marge dégressive lissée (MDL) et ses paliers, les pharmaciens disent oui… mais à condition d’y apporter des changements. S’ils sont peu nombreux à vouloir la supprimer, une majorité d’officinaux estime que les paramètres actuels qui permettent de calculer la MDL doivent être revus grâce notamment à « la création de tranches supplémentaires avec un relèvement des seuils ». La MDL représente une part « trop importante dans le total de la rémunération », jugent par ailleurs les répondants. Enfin, sur ce volet, une « revalorisation de la rémunération des médicaments onéreux » est préconisée par le panel.

ROSP : utiles mais trop complexes

Les officinaux apportent un avis nuancé concernant les rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP). Jugé « utile », mais aussi « trop complexe », le système des ROSP « doit évoluer pour rémunérer de nouveaux objectifs cohérents avec les missions des pharmaciens », synthétise l’enquête de la FSPF. Deux griefs sont aujourd’hui portés à ce mode de rémunération : « des objectifs jugés inatteignables » et « une finalité qui s’éloigne de l’objectif initial de santé publique ». Les officinaux demandent donc que soient fixés des objectifs plus réalistes et plus cohérents avec les missions actuelles des pharmaciens. La création de nouvelles ROSP est encouragée dans plusieurs domaines : substitution des biosimilaires, action contre l’antibiorésistance, observance des traitements… Les officinaux souhaitent aussi que des ROSP soient accordées pour les récompenser si des objectifs sont atteints sur le dépistage par exemple ou en contrepartie d’actes chronophages et peu rémunérateurs, voire pénalisants financièrement (gestion des ruptures d’approvisionnement, PDA en EHPAD, collecte des DASRI et MNU…). Alors qu’une aide financière va être accordée à certaines d’entre elles, conformément à une mesure prévue dans le dernier avenant à la convention pharmaceutique et récemment renforcée dans le PLFSS, les pharmacies situées dans des zones à faible densité médicale devraient elles aussi bénéficier d’une ROSP spécifique, soulignent enfin les pharmaciens.

« Transformer » le mode de rémunération du pharmacien sans tout remettre en cause

Comme le résume la FSPF à la lecture de ces résultats, les officinaux prônent donc « une adaptation et une transformation du modèle actuel plutôt qu’un big bang ». Ils sont favorables à l’idée de conserver la plupart des modalités de rémunération actuelles mais en y apportant des évolutions, à même de mieux valoriser le « cœur de métier, la dispensation du médicament et leur rôle dans le parcours de soins ».

Globalement, les officinaux observent que « le modèle centré sur la marge réglementée du médicament est arrivé à bout de souffle, et (qu’il faut) un basculement progressif vers une rémunération par actes et missions, tout en sécurisant la marge commerciale existante ». Soit « un modèle mixte » (marge sécurisée + rémunération équitable des actes + ROSP orientées vers la santé publique), susceptible de compenser la diminution des volumes de boîtes de médicaments et les baisses de prix sur ces derniers. Les pharmaciens sont favorables à l’évolution de leur métier et sont prêts à accepter la poursuite de la mise en place d’un nouveau modèle mais à plusieurs conditions : « Que le financement par actes ne vienne pas remplacer les marges du médicament », « qu’une viabilité économique soit garantie sur les médicaments indispensables », mais surtout, que le gouvernement « donne les moyens » nécessaires aux pharmaciens s’il souhaite leur confier de nouvelles missions. « À travers les résultats de cette enquête, les pharmaciens donnent une direction claire et proposent des pistes qui sont plutôt prudentes et conservatrices, commente Philippe Besset, président de la FSPF. Ils veulent des évolutions, mais à condition que cela soit bien maîtrisé. Ils veulent aussi que l’on s’appuie sur le système des honoraires, auquel ils sont désormais habitués, et que l’on garde aussi une base autour du médicament », souligne-t-il. Autant d’éléments qui devront désormais servir à alimenter les discussions en cours et surtout le rapport final qui sera transmis par l’IGF et l’IGAS au ministère de la Santé à la fin du mois de janvier 2026.


Source : lequotidiendupharmacien.fr