Entre janvier et mars 2025, la Société d’Histoire de la Pharmacie (SHP) a mené une enquête au niveau national auprès d’un panel de pharmaciens étudiants, actifs et retraités ainsi qu’auprès de professionnels « péri-pharmaceutiques », résidant en France, afin d’évaluer leur intérêt pour l’histoire de leur profession.
Dans de nombreux autres pays, l’histoire de la pharmacie est pleinement intégrée aux trajectoires des cursus universitaires et des vies professionnelles
Cette initiative, inédite depuis la création de la SHP en 1913, est apparue cruciale à Marie Tanneau, pharmacienne basée à Arles et membre de la SHP en charge du programme Jeune’SHP. Lors du congrès international de l’histoire de la pharmacie qui s’est tenu à Belgrade en septembre 2024, elle observe l’âge avancé de la majorité des participants, reflétant la constitution des membres de la SHP âgés de plus de cinquante ans pour 85 % d’entre eux, tandis que les moins de 35 ans, dont elle fait partie, ne sont que 6,4%... Un ratio qui interpelle, au regard de la transmission générationnelle du savoir et de la suite à donner, dans l’avenir, à cette société savante, même si ces deux dernières années, une trentaine d’étudiants et de pharmaciens fraîchement diplômés l’ont rejointe.
D’anciennes apothicaireries invisibles
Une prise de conscience d’autant plus vive que cette situation est purement franco-française. En effet, sous nos tropiques, la catégorisation science dure versus science molle a la dent dure. « On a un profil scientifique donc on n’est pas considérés comme des historiens », regrette Marie Tanneau. Et inversement. Il faut donc que les mentalités changent. En effet, dans de nombreux autres pays, l’histoire de la pharmacie est pleinement intégrée aux trajectoires des cursus universitaires et des vies professionnelles. « En Espagne, au Portugal…des chaires existent, les cursus étudiants l’ont pleinement et naturellement intégrée, et les anciennes apothicaireries sont aussi beaucoup mieux mises en valeur », développe-t-elle, se référant aux nombreuses anciennes apothicaireries qui émaillent le territoire français mais qui souffrent d’une grande méconnaissance et invisibilité, malgré le dévouement d’une poignée de bénévoles, trop insuffisant.
Culture, réflexion, plaisir
Alors, comment redonner un coup de jeune à la SHP et à la matière « Histoire de la Pharmacie », ce qui pourrait conduire, à terme, à une revalorisation nécessaire du patrimoine pharmaceutique français et à une reconnexion des jeunes pharmaciens au récit de leur histoire ? Un véritable enjeu donc.
À la question, « Connaissez-vous l’histoire de la pharmacie ? », 59% des sondés ont répondu oui, 41% ont répondu non. Et parmi les étudiants (correspondant aux deux-tiers des 311 réponses recueillies), 91% ont répondu oui à la question de savoir si l’histoire de la pharmacie les intéresse ou pourrait les intéresser. Un quasi-plébiscite. « Contrairement aux idées reçues », souligne l’enquête, poursuivant, « or près de 40% des étudiants estiment ne pas connaître cette discipline et à peine plus de la moitié a pu bénéficier d’une approche en UFR. » Par conséquent, plus d’un 1 étudiant sur 5 recherche des informations en autonomie. Plus intéressant encore, près de 80% d’entre eux seraient favorables à un enseignement plutôt de type culture générale (sans examen formel) pour développer leur « culture » et leur « réflexion », pour « le plaisir » ou parce qu’ils la trouvent « utile ».
Nous voulons être fédérateurs, la connaissance de cette discipline pouvant renforcer le sentiment de fierté et de cohésion
Marie Tanneau, pharmacienne à Arles et membre de la SHP
Un chantier immense
Créé en 2016 par le professeur Olivier Lafont, membre de la SHP, le DU Histoire de la Pharmacie de l’université Paris Cité répond à ce désir, mais reste toutefois trop peu connu et fréquenté – à peine une dizaine d’étudiants, voire moins, selon les promotions… « Les étudiants nous ont fait des retours trouvant injuste qu’un tel enseignement n’existe pas dans leur université, comme celle de Marseille par exemple », commente Marie Tanneau, alors que l’enquête révèle qu’ils estiment que connaître l’histoire de leur future profession permettrait « de mieux la comprendre et la valoriser » mais aussi « de mieux l’exercer ». Absolument fondamental donc…
Cependant, le chantier est immense et manque cruellement de moyens. La refonte devra se faire étape par étape, le plus important étant que cette enquête puisse conduire à une prise de conscience collective. Ainsi, une collaboration entre la SHP et 13 UFR de Pharmacie est en train de se mettre en place. « Nous voulons être fédérateurs », appuie Marie Tanneau, en écho aux sondés qui indiquent que la connaissance de cette discipline peut « renforcer le sentiment de fierté et de cohésion » et « imaginer son avenir ». À l’étude notamment, le développement du D.U d’Histoire de la Pharmacie de Paris Cité en distanciel et non plus uniquement en présentiel, l’organisation d’interventions pédagogiques bénévoles, l’encadrement de thèses d’exercice en Histoire de la pharmacie, la diffusion des expositions itinérantes de la SHP ou encore la mise en place d’un membre de la SHP correspondant par UFR de Pharmacie.
S’inscrire dans l’Histoire
Pour les musées de santé, les bibliothèques universitaires et les centres d’archives, cette nouvelle dynamique pourrait aussi représenter une opportunité : celle de s’inscrire dans la formation des futurs professionnels. L’accès à la Revue d’histoire de la pharmacie, les expositions prêtes à l’emploi, les ressources iconographiques et les objets patrimoniaux pourraient ainsi nourrir les cours d’histoire de la pharmacie. Plus largement, l’histoire de la pharmacie devrait être envisagée comme un outil utile à la compréhension des enjeux contemporains de la profession, s’inscrivant dans les réflexions actuelles sur les humanités en santé, qui réintroduisent la narration, l’éthique et la mémoire dans les cursus médicaux.
Impossible ici, dans cette rubrique où nous traitons une fois par mois de la passionnante, fascinante et rocambolesque histoire de la pharmacie, de ne pas être en accord avec les questions que soulève ce sondage.
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