La musique dans la peau

Rendre aux personnes handicapées un peu de mobilité, faciliter leurs gestes et restaurer les fonctions du quotidien, telles sont les grandes priorités de la prise en charge du handicap. Voilà pour l’utile. Mais désormais, joindre l’utile à l’agréable n’est plus superflu. Côté loisirs et culture, le progrès est aussi en marche. Ainsi en témoigne l’expérience menée avec succès par Junia (Grande école d’ingénieurs, Lille – Châteauroux – Bordeaux). Son projet, baptisé TOTEM (TOuch ThE Music), ne vise pas moins que de faire profiter les personnes sourdes des plaisirs d’un concert de musique. Le dispositif pourrait en séduire plus d’un. Car la France compte 7 millions de personnes sourdes ou malentendantes dont 500 000 vivraient avec une surdité profonde ou sévère (source : enquête DREES 2014). Et surtout, « 71 % de ces dernières déclarent que la musique tient une place importante dans leur vie, et 70 % affirment en écouter régulièrement », soulignent les concepteurs de TOTEM. Leur dispositif, compact et léger, se présente sous la forme d’un boîtier équipé de vibreurs, tenus dans les mains ou posés librement sur le corps. Le son du concert, traité en temps réel, restitue, par l’intermédiaire des vibreurs, des informations fines sur la structure musicale qui vont bien au-delà des seules basses fréquences perceptibles naturellement. L’idée est bien de traduire la richesse d’un signal sonore complet – rythme, timbre, intensité - (autrement dit, de la musique), en langage tactile. Soit « transformer toute la richesse d’un concert, pas seulement les basses, en sensations tactiles. On veut que les personnes puissent ressentir la guitare, la mélodie, la nuance d’un timbre, presque comme si elles écoutaient avec leur peau » résume Arthur Paté, enseignant-chercheur à Junia et porteur du projet. Bref, quasiment permettre aux personnes sourdes d’entendre, sans leurs oreilles, en les faisant profiter des subtilités sensibles de l’écoute musicale.