Humeur

SOS chagrin d'amour

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Publié le 14/06/2018
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On n'arrête pas le progrès. Le chagrin d'amour, pièce maîtresse de la littérature romantique, est devenu un business : c'est le magazine « Elle » qui l'annonce, dans un bon reportage qui recense les mille et une manières contemporaines de soigner la mélancolie amoureuse, depuis le psy classique jusqu'au coach qui vous promet une « détox de l'ex » en 28 jours. Gérard de Nerval doit se retourner dans sa tombe. Bien que les thérapies proposées soient variées et parfois drôles, je me permettrai d'opposer à cette nouvelle tendance, pardon, ce trend, mon scepticisme. Car qu'est-ce qu'un chagrin d'amour sinon une dérive masochiste dans laquelle se complaît la victime ? C'est le trait de la modernité d'avoir la mémoire courte et d'ignorer le merveilleux abandon à la souffrance qu'inspire la séparation. Il y a comme un vertige d'être jeune et en bonne santé, et de croire dur comme fer que tout est perdu parce que l'être aimé s'est envolé. Il ne faudrait être ni homme ni femme pour ne pas le savoir. Alors, à quoi bon soigner le chagrin d'amour ? La vérité est consternante : on ne souffre plus autant qu'auparavant de ne plus être aimé. C'est un rhume ou une grippe, à traiter comme la prise de poids ou les rides. Un inconvénient du type fuite d'eau. A réparer au plus vite, en appelant le plombier.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3444