Ceux qui travaillent en pharmacie savent que l'espace client se transforme très souvent en place publique. C'est particulièrement vrai dans les pharmacies de quartier ou de village, où tout le monde se connaît plus ou moins. À la pharmacie, on croise des amis, des voisins, des parents d'élèves ou des personnes qu'on n'apprécie moins. La pharmacie est un lieu d'échange et de rencontre, comme le marché ou la boulangerie, et c'est ce qui la rend incontournable.
- Tiens, t'es là toi. Comment va ?, demande le client en se tournant vers le comptoir de droite.
- Oh, si je viens à la pharmacie, c'est que tout ne va pas bien…, plaisante l'interlocuteur en lui tendant la main. Et toi alors, j'ai appris que tu jetais l'éponge à la mairie ?
- Hé ! Deux mandats de conseiller tout de même. Je vais laisser la place aux jeunes, répond le client en regardant Julien qui lui rapporte ses médicaments. Et puis ma femme commence à ne plus trop apprécier toutes ces réunions. Ça prend du temps, et le temps, je veux le consacrer aux petits-enfants maintenant.
- Mais d'ailleurs, la pharmacienne se présente sur la liste de Gaëtan Jacques ! Je sais pas comment le maire sortant envisage ces élections, mais je ne suis pas sûr qu'il repasse cette fois-ci. Pas aussi facilement que la dernière fois.
- C'est pas faute de lui avoir répété : il faut une maison de santé dans notre commune. Il faut donner envie aux jeunes docteurs de venir s'installer. Mais le maire a préféré s'investir sur d'autres dossiers, comme le festival d'été… ça va peut-être lui coûter sa place, tu as raison. En tout cas, moi, j'arrête.
Puis, regardant Julien :
- Elle n'est pas là la pharmacienne ?
- Vous voulez dire Mme Dupré ? Non, pas ce matin, répond le jeune diplômé.
- Dommage, je voulais la voir justement pour l'encourager. C'est bien qu'elle se présente. On a besoin de gens dynamiques et réactifs. Bon, je repasserai de toute façon, ou bien je la verrai au marché, samedi matin. Au revoir !
En retournant vers le back-office, Julien passe devant le fax. Un document signé de la FSPF vient d'arriver, fustigeant le nouvel avenant signé entre l'USPO et la CNAM. Le papier à la main, le pharmacien s'approche de Juliette :
- Toi qui es élue ordinale, tu en penses quoi de cette dispensation adaptée ?
Juliette le regarde, et lui sourit :
- L'Ordre ne s'occupe pas des considérations économiques. Mais si tu veux mon point de vue, puisque nous sommes entre nous, c'est une façon de reconnaître quelque chose que l'on fait déjà. Tu délivres la totalité des boîtes de macrogol ou de paracétamol toi ?
- Non, bien sûr. Tu as raison. Mais je pensais que cet avenant permettrait d'adapter les traitements anticoagulants par exemple, en fonction de l'INR…
- C'est bien ce que reproche la Fédé : cet avenant n'a qu'un objectif comptable, pour faire des économies à la Sécu. La prescription et la posologie restent un temple sacré. Pas touche, du moins pour le moment !
- Au fait, ça fait longtemps qu'on n'a pas pris un verre tous ensemble, avec Dam's.
- Et tu veux qu'on invite Jean-Paul aussi ?, plaisante l'adjointe avant de baisser les yeux, embarrassée. Je…, il faudra qu'on prenne un verre oui. Mais tous les deux si tu le veux bien. On n'a jamais reparlé depuis la soirée de Noël. Ce serait bien qu'on le fasse.
(À suivre…)
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