Les adjoints au quotidien

Nouvelle grille de classification : ça change quoi pour les adjoints ?

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Publié le 30/10/2025
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Plus un signal adressé aux futurs officinaux qu’une avancée des conditions réelles de rémunération, la nouvelle grille des salaires est sans conteste un pas dans la bonne direction, celle qui valorise la fonction d’adjoint et reconnaît l’évolution de sa pratique.

Crédit photo : FO

Au 1er novembre prochain entrera en vigueur la nouvelle grille de classification* des adjoints (et des préparateurs) en pharmacie avec les coefficients de rémunération qui en résultent. Une révision jugée importante par les représentants de la profession, notamment la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Pour elle, l’évolution des seuils minimum de salaire n’est pas qu’une question d’attractivité de la branche, nécessaire par ailleurs pour continuer à recruter et faire évoluer les équipes, mais elle permet aussi de mieux refléter la réalité des conditions de rémunérations. Désormais, le pharmacien adjoint débutera au coefficient 470 (3 676,88 euros bruts ), fixé à 400 dans l’ancienne version de la grille, et passera à 500 dès la deuxième année d’embauche. Quatre ans plus tard, il sera rehaussé de 20 points puis progressera tous les cinq ans de 10 points jusqu’à atteindre le coefficient 550. Plus élevée, la rémunération minimum est également plus évolutive dans le temps puisqu’elle continue de progresser durant les 20 premières années d’exercice du salarié, réduites à 6 dans l’ancienne grille.

Rien, strictement rien

Heureuse perspective, donc, que ces nouvelles conditions de rémunération qui s’appliqueront autant aux candidats à l’embauche qu’aux pharmaciens en place. Pourtant, Jean-Christophe Sollier, adjoint depuis seize ans dans la même officine, n’en avait pas été informé. « Je ne savais pas qu’une nouvelle grille allait s’appliquer et je n’étais pas le seul parmi les collègues », précise-t-il. Une ignorance qui n’a rien d’étonnant si l’on considère que l’adjoint ne sera pas concerné par la révision des coefficients. « À titre personnel, cela ne va rien changer à mon salaire qui dépasse déjà le seuil le plus élevé. C’est sans doute le cas pour les pharmaciens déjà en place », ajoute Jean-Christophe Sollier, indiquant qu’il travaille pour une grosse officine où tous les assistants sont embauchés au coefficient 500. « La seule évolution qui pourrait nous toucher directement est celle qui porte sur la valeur du point. » Pour les jeunes en début de parcours, en revanche, l’enjeu n’est pas le même. « La nouvelle grille pourrait agir comme un levier et inciter les étudiants qui n’ont pas encore choisi la filière officine à s’y engager », ajoute-t-il en soulignant que la section constitue le dernier choix des étudiants inscrits en PASS.

La révision des coefficients ne suscite pas plus d’attente chez Cécile Detuncq, vice-présidente de la section D (adjoints) de l’Ordre des pharmaciens. « En ce qui me concerne, rien, strictement rien ne va changer sous l’effet de la nouvelle grille des salaires », constate l’adjointe en exercice depuis vingt-quatre ans. « La revalorisation n’aurait d’ailleurs pas eu plus d’effet sur ma situation si elle avait été décidée il y a des années. Quand j’ai commencé, mon coefficient était déjà supérieur à 470. C’est, je pense, le cas de nombreux adjoints dont le salaire dépasse les seuils minimaux depuis longtemps. » Des niveaux élevés qui s’expliquent aussi par les tensions ressenties dans l’emploi pendant la crise sanitaire. « Dans tous les cas, je pense qu’une majorité d’adjoints commence à travailler au coefficient 500. »

En revanche, la situation économique de l’officine et ses perspectives d’avenir incertaines pourraient avoir des conséquences sur les conditions de rémunération des nouvelles recrues. « La future grille permettra peut-être aux titulaires de contenir les salaires et les dépenses de l’officine dans la première année d’embauche des jeunes diplômés et donnera à ces derniers une base claire de rémunération. »

Saine pour le système ?

L’avenir de la filière, sa capacité d’adaptation et son attractivité sont des sujets très présents à l’esprit de certains jeunes officinaux. C’est le cas de Pierre Mangiardi, fraîchement diplômé mais pas encore thésé, qui accueille avec enthousiasme l’entrée en vigueur de la nouvelle grille des salaires. « C’est une avancée très positive, une annonce très attendue qui va permettre de revaloriser le métier d’adjoint et les autres postes de l’officine. » Une évolution logique, en même temps, qui répond à la montée en puissance et à la diversification des missions du pharmacien (TROD, dépistage, entretiens…). Si la perspective de commencer son parcours professionnel avec un coefficient rehausse son enthousiasme, elle ne l’empêche pas de s’interroger sur les conséquences d’une telle revalorisation pour la santé de la pharmacie. « On sait que le contexte économique est difficile pour l’officine, les marges sont attaquées, le modèle est menacé. Si la dépense en salaire se fait plus lourde, les structures pourront-elles continuer d’embaucher comme elles le souhaitent ? Cette nouvelle grille des salaires est-elle saine pour le système ? » Toutes ces questions restent en suspens pour Pierre Mangiardi, qui préfère observer l’évolution de la situation avant de se décider pour une éventuelle installation. « Je vais rester un peu du côté salarié avant de m’engager », conclut-il tout en rappelant l’importance de faire front commun pour tous ceux qui travaillent sous l’emblème de la croix verte. Rachel Valentin, en tout début de carrière également, soulève une autre question. « À coefficient élevé, attentes élevées, c’est légitime. Le titulaire pourrait être plus exigeant quant au niveau de compétences des jeunes diplômés. » La nouvelle grille pourrait-elle alors impacter les relations professionnelles au sein de l’équipe ? Une inquiétude qu’elle balaie rapidement en considérant que la pratique a évolué pour tous en pharmacie et que la revalorisation des salaires ne changera pas la façon de travailler. « En revanche, elle était attendue car les minima étaient trop bas. » Dès l’embauche, ses amis de promotion ont comparé leurs coefficients, étagés entre 430 et 600. « La nouvelle grille ne va pas révolutionner les seuils qui restent peu attractifs. Des études longues appellent un meilleur salaire au démarrage. L’écart entre les rémunérations d’une officine à l’autre est aussi difficile à comprendre, sans tenir compte de la thèse », conclut-elle en soulignant que la vie et son coût ont aussi évolué.

Anne-Sophie Pichard

*Arrêté du 18 septembre 2025 portant extension d’un accord et d’avenants conclus dans le cadre de la convention collective nationale de la pharmacie d’officine.

Lire aussi pages 4 et 5

Philippe Denry, pharmacien, vice-président de la FSPF

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Le Quotidien du pharmacien. – Dans quel objectif la grille des salaires a-t-elle été révisée ?

Philippe Denry. – Toutes les branches professionnelles doivent revoir leur classification des emplois, officine comprise. La grille des salaires résulte de cet exercice et fixe les niveaux minimum de rémunération pour chaque poste. À l’officine, l’évolution des coefficients était nécessaire afin de calquer la grille sur la réalité des salaires, souvent plus élevés que ce que les anciens seuils suggéraient. Il s’agissait aussi d’augmenter l’attractivité de la branche aux yeux de jeunes qui considèrent de plus en plus les niveaux de salaire à l’embauche et les possibilités d’évolution dans leurs parcours professionnels. C’est une démarche qui vise autant les adjoints que les préparateurs que l’on souhaite attirer et fidéliser. Si les rémunérations ont été revues, c’est aussi pour répondre à l’élargissement des missions du pharmacien dont la pratique s’est transformée ces dernières années et devrait encore évoluer à l’avenir.

Quel impact pourrait avoir la nouvelle grille sur l'économie de l'officine ?

Pour les officines qui s’en tenaient au coefficient 400 à l’embauche de l’adjoint, la dépense salariale sera forcément augmentée. D’autres verront aussi cette hausse s’étager tout au long du parcours professionnel du salarié, sous l’effet du passage récurrent à un coefficient supérieur. Celui-ci interviendra dès la première année, quatre ans après puis tous les cinq ans jusqu’à atteindre 550. Cette constante évolution constitue peut-être le changement majeur qu’apportera la nouvelle grille car, en ce qui concerne une grande part des officines, le démarrage de carrière pour l’adjoint se faisait déjà à un coefficient supérieur à 400. Désormais, il sera fixé à 470 pendant un an, des conditions qui ont été retenues pour laisser le temps aux jeunes recrues de se familiariser avec la pratique officinale et le travail d’équipe. Quant aux préparateurs, leur seuil minimum de salaire a également été révisé, fixé au coefficient 250 la première année puis rehaussé régulièrement de 10 points jusqu’à atteindre le statut d’assimilé cadre après 28 ans de collaboration à l’officine. C’est impératif pour la profession de rester attractif aux yeux des préparateurs car les jeunes en fin d’études sont aujourd’hui facilement captés par d’autres champs de la santé comme l’optique, l’audioprothèse… Or l’officine ne peut se passer de ses préparateurs pour fonctionner, tout comme elle a besoin de ses pharmaciens.

Le mode de rémunération des officines est-il amené à évoluer et dans quelle mesure ?

La menace qui a pesé récemment sur les remises génériques mais aussi l’évolution constante des missions du pharmacien, son rôle prépondérant dans la dispensation des soins, son engagement en tant qu’acteur de santé et de proximité, ont nourri des réflexions entamées depuis quelque temps déjà. Aux côtés de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), les syndicats de la profession vont étudier différentes pistes afin de revoir les modes de rémunération de l’officine. L’idée est de valoriser les missions génératrices d’honoraires au regard de la vente des médicaments de façon que la pharmacie dépende moins des volumes réalisés et soit moins impactée par la baisse des prix.

A.-S. P.


Source : Le Quotidien du Pharmacien