Commerce de médicaments sur la Toile

La vente en ligne attise les convoitises

Publié le 13/11/2014
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Une certaine fébrilité semble s’être emparée de la vente en ligne de médicaments en France. Tandis que le député Richard Ferrand propose d’en assouplir les règles, plusieurs acteurs montrent leur impatience à investir ce marché. Mais quelques réglages semblent encore nécessaires.

Les imprécisions du rapport du député Ferrand jettent le trouble dans la vente des médicaments...

Les imprécisions du rapport du député Ferrand jettent le trouble dans la vente des médicaments...
Crédit photo : phanie

LES CHOSES s’emballent sur la Toile. Il y a une quinzaine de jours, les internautes ont pu acheter des médicaments sur la plateforme Cdiscount, par l’intermédiaire d’un groupement de pharmacies, Pharmavance. Pendant un court instant, heureusement. Un bug vite signalé, entraînant le retrait de cette offre illégale et incongrue : les médicaments sans ordonnance se trouvaient dans la rubrique BD et livres… Depuis, Cdiscount et Pharmavance assurent ne pas comprendre comment ces produits de santé se sont retrouvés là.

Quelques jours plus tard, c’est au tour du site Doctissimo de faire le buzz en annonçant à grand renfort de communication le lancement de son site Internet de vente de médicaments, Doctipharma. Une surprise, car les sites de vente en ligne doivent obligatoirement être adossés à une officine. En fait, Doctipharma est en ligne depuis mars 2014 et compte une soixantaine de pharmaciens inscrits, mais tous n’y référencent pas encore des produits. Surtout, un seul d’entre eux a obtenu la précieuse autorisation de son agence régionale de santé (ARS) pour vendre des médicaments en ligne. Mais il suffisait d’une autorisation pour que des spécialités puissent officiellement être vendues sur Doctipharma, ce qui est chose faite. Situé à Marseille, Léon Blanchet est titulaire de la pharmacie Saint-Barthélemy et se retrouve, pour le moment, en situation de monopole sur le site Doctipharma. L’internaute qui souhaite commander un médicament est systématiquement renvoyé vers cette officine. Stéphanie Barré, directrice générale de Doctipharma, insiste sur le fait que ce nouveau service est « développé dans le strict respect de la législation : chaque pharmacie a son site à part entière chez un hébergeur agréé de données de santé, tout a été développé dans le cadre de l’arrêté de bonnes pratiques, seule la page d’accueil est commune à toutes les pharmacies présentes sur Doctipharma ». Contacté par « le Quotidien », l’Ordre des pharmaciens ne souhaite pas s’exprimer sur ce dossier pour le moment.

Vers un assouplissement des règles ?

Le même jour où Doctissimo faisait son annonce, le député socialiste du Finistère, Richard Ferrand, jetait lui aussi le trouble. Dans son rapport très attendu sur les professions réglementées, qu’il a remis au ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, il propose en effet un assouplissement des modalités d’organisation de la vente en ligne de médicaments (« le Quotidien » du 6 novembre). Dans ce cadre, Richard Ferrand suggère carrément de supprimer l’obligation d’adossement à une officine, tout en soulignant que cela n’affectera pas « le circuit de distribution et son étanchéité : jusqu’à sa délivrance, seule une pharmacie ou un établissement pharmaceutique peut détenir le médicament ». La précision qui suit n’est pas limpide : « la compétence exclusive de vente du pharmacien pourrait être remplacée par une compétence exclusive de vente des pharmacies » et même élargie « aux personnes morales autorisées à exploiter des établissements de distribution en gros, notamment les groupements de pharmaciens comprenant une centrale d’achat pharmaceutique ». Le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond, s’étrangle : « L’achat sur Internet ne passe plus par un pharmacien d’officine, et au final, on perd le monopole ». L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) parle d’un risque de « déresponsabilisation » du professionnel de santé et craint l’arrivée de pure players. Ce qui entraînerait « les mêmes risques en terme de santé publique que la vente en GMS : des pharmaciens cantonnés à de la logistique sans aucune connaissance des traitements autres et prescrits des patients, et dans l’incapacité totale à gérer les effets secondaires et les interactions ». De son côté, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) pense plutôt que cette proposition « a été très mal rédigée ». Car pour son vice-président, Philippe Besset, l’idée serait plutôt de revoir l’arrêté de bonnes pratiques pour permettre aux pharmaciens de mutualiser la partie logistique, et non ouvrir la boîte de Pandore aux pure players.

› MÉLANIE MAZIÈRE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3131