Phénomène courant à la suite d’une amputation, le membre fantôme correspond à l’illusion de la persistance de la présence du membre amputé : 9 amputés sur 10 en font l’expérience. Ce membre fantôme est souvent associé à la douleur physique, réaliste et parfois très vive, que ressentent les amputés au niveau ce membre, qu'ils n'ont pourtant plus. Néanmoins, beaucoup de personnes amputées ressentent la présence de leur membre disparu sans souffrir de douleurs. De fait, le cerveau conserve une image très précise d'un membre amputé longtemps après la survenue du traumatisme. « Sur les 80 patients amputés de l'avant-bras ou du bras que nous avons rencontrés, 93 % décrivent un membre fantôme. C'est un phénomène bien connu, lié à l'amputation. Parmi ces personnes, 76 % affirment être capables de bouger ce membre alors même qu'ils l'ont perdu », affirme Jozina De Graaf, enseignante-chercheuse à Aix Marseille Université, rattachée pour sa recherche à l'Institut des sciences du mouvement (ISM, UMR 7 287) à Marseille.
Ainsi, une des caractéristiques du membre fantôme est qu’il est doté, pour certains amputés, d’une mobilité volontaire. Beaucoup de patients amputés du membre supérieur affirment par exemple, qu’ils peuvent bouger leurs doigts ou leur poignet. « Il s’agit d’un véritable mouvement car lorsque ces patients bougent les doigts de leur main disparue, il se produit un véritable envoi de commande motrice qui fait contracter les muscles de leur membre résiduel (bras ou avant-bras) en conséquence », souligne Jozina De Graaf.
Un ressenti utile
La mobilité de ce membre fantôme est souvent oubliée, cachée, tabou. « Cette faculté de bouger un membre qui n’existe plus fait peur aux amputés et à leur famille : ils n’osent pas en parler. Mais aussi à certains médecins, qui demandent à leurs patients de ne pas trop y penser et de se « concentrer » sur leur prothèse. Or, nous savons aujourd’hui que le ressenti de la mobilité du membre fantôme pourra être extrêmement utile aux amputés car il peut leur permettre de bénéficier de nouvelles prothèses myoélectriques, plus intuitives et avec plus de possibilités de mouvements. Pour la main, par exemple, les prothèses peuvent être multi-articulées, permettant une multitude de mouvements des doigts, pour une préhension plus fine des objets », explique Jozina De Graaf.
La mobilité du membre fantôme permettra donc de mieux utiliser et commander les prothèses. « L’enregistrement de l’activité des muscles du membre résiduel. Cela nous permet de reproduire le mouvement du « membre fantôme » : le jour où nous transposerons ce mouvement à une prothèse, nous aurons tout gagné ! Il s’agit là d’un formidable espoir pour toutes les personnes amputées : celui de pouvoir retrouver une mobilité quasinaturelle, par le biais de prothèses de plus en plus sophistiquées tenant compte de la mobilité du membre fantôme ». C’est l’objet du projet de recherche collectif de Jozina de Graaf et Caroline Nicole (Institut des sciences du mouvement ; UMR 7 287), du Dr Amélie Touillet et du chercheur Nathanaël Jarassé, qui bénéficient actuellement d’un financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR PhantoMovControl) et de la mission pour l’interdisciplinarité du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
D’après un entretien avec Jozina De Graaf, enseignante-chercheuse à Aix-Marseille Université, rattachée pour sa recherche à l’Institut des sciences du mouvement (ISM, UMR 7 287) à Marseille.
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