DANS L’AVEUGLANTE lumière méditerranéenne et l’air lourd exhalant les parfums mêlés de roses et de jasmin, de café, de cardamome et de vapeur d’essence, Beyrouth, l’ancienne cité phénicienne s’offre au regard telle qu’elle est, aussi déglinguée et désordonnée que charmante et envoûtante. Beyrouth, mélange d’Orient et d’Occident, où l’on vit à l’heure espagnole pour les dîners tardifs et les soirées jusqu’au bout de la nuit, où l’on passe allègrement du français à l’arabe et à l’anglais, où les cloches des églises chrétiennes font écho aux appels des muezzins. On s’abandonne facilement à l’exubérance étonnante de cette ville brassée par les siècles et tourmentée par l’histoire « mille fois morte et mille fois revécue », selon les mots de Khalil Gibran, l’omniprésent poète national.
Des hauteurs d’Achrafieh, le plus ancien quartier de la ville, on plonge à quelques centaines de mètres sur la ligne verte qui séparait les enclaves chrétiennes et musulmanes, frontière invisible bordée d’immeubles délabrés aux balcons rongés par la guerre où ondule le linge suspendu. Au loin, face au bleu de la mer, la corniche, les plages et le quartier des grands hôtels, d’où émerge toujours la silhouette noircie de l’Holiday Inn, aux étages crevés par les obus.
Entre ce vestige oppressant des années de folies et la gigantesque statue de bronze érigée en l’honneur de Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre, tué avec plus d’une vingtaine de personnes lors d’un attentat à l’explosif en février 2005, se dresse le Phoenicia, luxueux palace reconstruit au début des années 2000 et devenu l’un des endroits les plus prisés de la capitale.
Rebaptisé quartier Solidere (Société libanaise pour le développement et la reconstruction), l’ancien vieux-Beyrouth, détruit par la guerre, a été rasé et entièrement reconstruit. La magie de ce vieux quartier levantin, aux belles maisons ottomanes et aux immeubles aux façades ocre, a disparu. Si, aux abords de la place des Martyrs, reconvertie en gigantesque parking, l’église chrétienne maronite côtoie toujours la basilique orthodoxe et le minaret de la mosquée, l’ancien quartier, reconstruit à coups de milliards, offre un curieux visage d’enclave artificielle, avec ses immeubles flambant neufs aux volets clos, ses rues piétonnières bordées d’enseignes prestigieuses et ses luxueux restaurants très pays du Golfe, avec pipes à eau et serveurs en pantalons bouffants.Très style Émirats, aussi, la nouvelle place de l’Horloge, où trône fièrement une sorte de Big Ben bling-bling sponsorisée par la célèbre marque chère à Séguéla et aux quinquagénaires qui ont réussi leur vie.
La terrasse en plein ciel de l’hôtel Albergo est sans doute le meilleur endroit pour admirer la ville. Unique Relais & Châteaux au Proche-Orient, ce petit palace intime et raffinée, niché dans une petite rue tranquille d’Achrafieh, est un havre paisible où l’on cultive l’art de vivre à la française et l’hospitalité beyrouthine dans un dépaysant décor mi-ottoman mi-Art déco.
Des sommets du mont Liban à la Méditerranée.
À une quarantaine de kilomètres à peine au nord de Beyrouth, en longeant les plages où les Libanais aiment rêver en fumant le narguilé face aux vagues, apparaissent les ruines roses de Byblos qui semblent plonger dans la mer. Grecs, Romains, Phéniciens, Byzantins, croisés, conquérants arabes, Byblos a vu passer du monde. Le site archéologique en témoigne. On a retrouvé ici le sarcophage du roi Ahiram, qui porte la plus ancienne inscription phénicienne en alphabet linéaire. Dans les temps anciens, on fêtait Adonis, dieu de la végétation qui meurt en hiver et renaît au printemps. Avec les croisades, Byblos est devenue une importante seigneurie, vassale du comté de Tripoli, dotée d’importants ouvrages militaires et religieux, dont subsistent aujourd’hui le port, le château et l’église Saint-Jean.
Aménagé dans les caves taillées par les croisés au XIIe siècle, le restaurant Fishing Club a reçu tout le gratin cosmopolite en visite dans l’ancien port phénicien. On y déguste de délicieux taboulés, des houmous fondant et le fameux sayadieh (poisson accompagné de riz cuit dans une sauce aux oignons parsemée de pignons de pin), le meilleur du Liban, assurent les connaisseurs.
Baalbek est à deux bonnes heures de route de la capitale. Il suffit de passer quelques cols embrumés (ou sérieusement enneigés, suivant la saison) du mont Liban puis de plonger dans la plaine de la Bekaa et ses étendues couvertes de vignobles. On vient ici pour admirer la « merveille du désert, la fabuleuse Baalbek qui sortait tout éclatante de son sépulcre inconnu pour nous raconter des âges dont l’histoire a perdu la mémoire », comme l’écrivait Lamartine en 1832.
On y admire toujours les six colossales colonnes – il y en avait 54 – qui entouraient le temple de Jupiter, sans doute le plus grand du monde antique, et le temple de Bacchus, admirablement bien conservé. Ces lieux, où les Romains avaient associé les dieux phéniciens aux leurs, méritent à eux seuls le voyage.
Plus haut, accroché à la montagne du Chouf, Beit eddine, bâti au siècle dernier, est un pur joyau de l’art oriental. L’émir Béchir II Chébab, dit « le Grand », mit 36 ans à achever cette œuvre composite, en faisant appel à des architectes italiens et aux artisans les plus habiles du Liban. Résultat : un palais fastueux digne des « Mille et Une Nuits ».
On se mettra en quête du cèdre, l’arbre sacré qui fut chanté par Lamartine, Renan et l’incontournable Khalil Gibran. Arbre emblématique d’un Liban plusieurs fois millénaire (il figure sur le drapeau national), il a fini par disparaître des montagnes à force d’avoir été utilisé pour le temple du roi Salomon, les barques solaires des pharaons ou les mille et un palais d’Orient. On en trouve encore quelques centaines de spécimens multicentenaires dans la région de Bécharré, au nord du pays. À 2 000 m d’altitude, cette petite forêt, « relique des siècles et de la nature », selon Lamartine, est devenue un monument national.
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