Le Quotidien du pharmacien. - Selon les dernières statistiques de l’Ordre des pharmaciens, la population des pharmaciens continue de vieillir et le nombre de titulaires qui pourraient prendre leur retraite atteint un niveau élevé. Selon vous, va-t-on assister à une vague massive de départs dans un proche avenir ?
Philippe Becker. - Cela avait déjà été annoncé il y a plusieurs années mais, en pratique, il n’y a jamais eu de vague massive de départs à la retraite, pour plusieurs raisons. Il y a d’une part des pharmaciens qui voudraient bien vendre leur officine et qui n’y parviennent pas. Pour eux, rester en activité est vécu comme une contrainte tant ils espèrent trouver enfin un acquéreur.
D’autre part, il a des officinaux qui ont des affaires prospères, qui tournent bien, malgré l’inévitable baisse de régime actuelle. Ces pharmaciens n’ont pas de grosses inquiétudes concernant la revente de leur pharmacie car ils sont déjà en société et ont probablement prévu un schéma de sortie avec leur adjoint ou un confrère proche.
Est-ce la baisse probable des revenus qui inquiète ces pharmaciens et qui les incite à continuer leur carrière professionnelle ?
Christian Nouvel. - Il est évident que le départ à la retraite rime avec baisse de revenu. Même si le régime de la CAVP est performant, il faut avoir cotisé longtemps et sur des classes de cotisations élevées pour avoir une rente décente qui, cependant, ne compensera jamais le revenu professionnel.
Mais cela n’est pas vraiment nouveau ! Ce qui a changé, c’est la baisse de rémunération des placements financiers. Revendre son officine, c’est bien, mais que fait-on du produit de la cession ? Jusqu’à une époque récente, on pouvait attendre une rémunération comprise entre 3 et 4 % par an, voire davantage sur des placements peu liquides. Cette époque est révolue, et il faut être conscient que, rapidement, le pharmacien retraité risque « d’attaquer » son capital lorsqu’il souhaite maintenir un certain niveau de revenu.
Certains pharmaciens qui l’ont bien compris font donc un tour de plus ! Au fond, on ne peut pas leur donner tort, dès lors qu’ils sont en pleine forme et qu’ils ont plaisir à venir servir leurs clients.
Donc, selon vous, il n’y a pas d’âge idéal pour quitter son métier de titulaire ?
Philippe Becker. - Personne ne pourrait le dire avec précision tant il s’agit d’une équation complexe qui mixe des éléments personnels, des éléments professionnels et aussi des contraintes extérieures.
Justement, les éléments extérieurs ont aujourd’hui un impact fort. On peut citer la baisse des prix des fonds, la raréfaction des jeunes diplômés qui veulent faire « officine » et les incertitudes fiscales et économiques. Tout cela mis bout à bout doit être lourd à porter pour les officinaux. Qu’en pensez-vous ?
Philippe Becker. - Là aussi, tout dépend de chaque situation. Pour certains, malheureusement, il n’est même plus question de prix car leur officine est invendable. Ils ont certainement trop attendu pour prendre un virage stratégique : vendre il y a dix ans, se regrouper avec un confrère, etc. Pour eux, il n’existe pas beaucoup de solutions, sauf à espérer qu’un ou plusieurs confrères se mettent d’accord pour reprendre leur clientèle dans le cadre d’un « rendu de licence ».
En revanche, pour les pharmaciens qui « tournent bien », s'ils savent rester dans le prix du marché en anticipant la recherche de leur successeur, il n’y aura pas de problème de revente, quel que soit le moment où ils choisiront de céder. L’anticipation est en effet le mot qu’il faut avoir en tête. Et anticiper, c’est aussi mettre de l’ordre dans son officine en la rendant attractive !
Par exemple ?
Philippe Becker. – Il faut avoir de bons ratios d’exploitation, en particulier pour ce qui concerne le poste des frais de personnel qui, comme chacun sait, est souvent le talon d’Achille des cédants. Il faut aussi avoir un bail commercial récent et solide. Bref, il faut réfléchir à la problématique du repreneur en lui facilitant la tâche dans un contexte où il y aura une compétition entre les vendeurs.
Même si les étudiants se détournent de l’officine libérale ?
Christian Nouvel. - La profession délivre depuis plusieurs années des messages très anxiogènes. Quant à nous, notre propos lorsque nous faisons des séminaires d’information auprès des étudiants de 6e année ou des adjoints n’est pas de leur chanter « tout va bien Madame La Marquise », mais de leur montrer que l’on peut réussir en tant que titulaire et avoir une vie professionnelle riche et passionnante. Il suffit d’avoir un peu de bon sens et une bonne dose d’énergie !
Il faut arrêter ce « pharmacie bashing » qui à court terme va vraiment poser le problème de la transmission intergénérationnelle, avec comme conséquence qu’il n’y aura personne pour reprendre les officines !
Sur le plan fiscal, pensez-vous qu’il y a un risque de remise en cause des exonérations en matière de plus-values lors du départ à la retraite ?
Philippe Becker. - Il n’y a rien dans la prochaine loi de finances qui modifie la question. Bien évidemment, les échéances électorales prochaines créent, par nature, de l’incertitude fiscale. Mais les premiers programmes publiés pour les prochaines élections ne mentionnent pas de remise en cause d’un système qui est devenu un élément du paysage fiscal.
Il faut néanmoins rester informé et réactif si des changements apparaissaient. Et puis, il faut dire aussi que les plus-values de cession sont depuis quelques années assez modestes.
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