PAS DE DÉLIVRANCE de carte d’assuré de santé, refus de remboursement de soins, sans compter les difficultés de contact par téléphone, les courriers et mails sans réponse… Ces dysfonctionnements qui touchent les mutuelles étudiantes (ou plus exactement le régime Sécurité sociale des étudiants) sont loin d’être inconnus des étudiants… et des pharmaciens.
Ce constat a d’ailleurs été mis en lumière par l’UFC que Choisir et la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) qui ont lancé, le 30 janvier dernier, une pétition exigeant une refonte du système de Sécurité sociale étudiante, jugé complexe, inefficace et coûteux. En 2012, les mutuelles étudiantes avaient aussi été épinglées par une mission sénatoriale, puis, en décembre 2013, par la Cour des comptes. Cette dernière a conclu que ce système dérogatoire (l’assurance-maladie reversant aux mutuelles 52 euros par étudiant inscrit) générait d’énormes frais de gestion, avec un surcoût évalué à 69 millions d’euros.
Pour sortir de cette situation qualifiée d’« abracadabrante » par les sénateurs, deux solutions tranchées ont été avancées. Soit la fusion des deux réseaux LMDE (mutuelle nationale née des cendres de la MNEF) et EmeVia (qui regroupe une dizaine de mutuelles régionales : Smeno, Smerep, Smeco, Vittavi, etc.). Soit la suppression pure et simple du régime étudiant en confiant le volet Sécurité sociale à l’assurance-Maladie, et en laissant aux mutuelles étudiantes la gestion de la part complémentaire.
La fin du duopole ?
Pour Romain Boix, vice président de la LMDE, revenir à un seul opérateur serait la meilleure solution : « Cela ferait des économies d’échelle, et créer une nouvelle entité apporterait une plus grande lisibilité du régime Sécurité sociale de l’étudiant, estime-t-il. De plus, nous sommes conscients de nos problèmes de gestion et nous avons réorganisé notre système afin que, déjà, les feuilles de soins soient liquidées en temps et en heure. Il nous reste à améliorer les taux de « décroché » téléphonique. » Mais Romain Boix rappelle que « si les étudiants étaient rattachés à la Sécurité sociale, tous les problèmes ne seraient pas réglés, loin de là, puisque leur mutation vers le régime des étudiants doit être de toute façon réalisée. Avec son lot de difficultés ».
De son côté, Ahmed Hegazy, président d’EmeVia, considère que la solution de la fusion n’est pas sérieuse : « Elle aboutirait à confier la totalité des dossiers étudiants à la LMDE, qui est inefficace, alors que les mutuelles régionales fonctionnent bien ! » Le président d’EmeVia envisage plutôt de travailler sur l’organisation générale du régime, et présentera en ce sens douze propositions au gouvernement.
Un retour vers l’assurance-maladie.
Une solution, plus radicale, consisterait à retirer la part Sécurité sociale aux mutuelles étudiantes. « Cela n’aurait pas d’incidence sur la qualité du service et les difficultés de délivrance de carte Vitale », se défendent Romain Boix et Ahmed Hegazy, arguant que les plus gros problèmes sont inhérents aux lourdeurs de la mutation de régime et au fait que c’est le GIE SESAM-Vitale qui crée les cartes Vitale, pas eux.
Pourtant, l’idée a de quoi séduire : « On pourrait envisager que chaque nouvel étudiant reste sous le régime auquel dépendent ses parents, tout en étant autonome. Il suffirait d’indiquer à ce régime de retirer l’affiliation aux parents. Quant aux étudiants étrangers ou cas particuliers, ils seraient directement rattachés au régime général de la Sécurité sociale », développe Catherine Procaccia, sénateur du Val-de-Marne et co-rapporteur du travail sénatorial.
De plus, ce système serait mieux adapté aux étudiants qui, aujourd’hui, alternent de plus en plus entre études et emploi. « La personne, étudiante ou salariée, serait affiliée à la Sécurité sociale, quel que soit son statut », poursuit la sénatrice. Pas de double cotisation, pas de risque d’être non couvert, tout serait plus clair. « Ceci est d’autant plus le cas pour les étudiants en pharmacie, indique Victorien Brion, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) qui font une année hospitalo-universitaire en 5e année, puis reviennent sous le régime étudiant en début de 6e année, et parfois travaillent durant les années d’université. » Un vrai micmac pour assurer la continuité des soins.
Les pharmaciens veulent faire table rase.
Cette disparition pure et simple semble également recevoir l’aval des syndicats de pharmaciens, qui constatent au quotidien les nombreux dysfonctionnements du système en place. Philippe Gaertner (président de la FSPF) évoque un changement de gestionnaire : « Depuis le temps qu’on demande aux mutuelles de rectifier la situation, rien de ce qui a été entrepris n’a amélioré les choses. On a atteint un point de rupture. » Pour Gilles Bonnefond (président de l’USPO), « si elles n’avaient à gérer que le régime complémentaire, tout serait plus simple ». Quant au président de l’ANEPF, il est pour « un retour vers l’assurance-maladie avec un guichet étudiant et un comité de prévention spécifique aux étudiants ». Avec ce système, les mutuelles étudiantes n’auraient qu’à gérer la partie complémentaire, et ne seraient plus en concurrence (« intensive lors de la rentrée universitaire ! », déplore Victorien Brion) pour offrir une prestation identique sur la part Sécurité sociale (qui coûte 207 euros à l’étudiant, quelle que soit la mutuelle choisie). Ainsi, les mutuelles pourraient s’atteler à développer des complémentaires santé bien adaptées aux étudiants, « ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : ce sont des contrats lambda », s’offusque Catherine Procaccia. Gilles Bonnefond est d’ailleurs prêt à renforcer le partenariat avec les mutuelles afin de peaufiner ces contrats étudiants et de développer les actions de prévention. Mais en perdant la part Sécurité sociale, les mutuelles étudiantes se retrouveraient de fait en concurrence avec d’autres groupes d’assurances. Et donc en situation difficile.
Pas de révolution en vue.
Cependant, l’évolution des mutuelles étudiantes ne semble pas être dans les priorités du gouvernement. Le ministère de la Santé mentionne que « le sujet ne sera pas abordé dans le cadre du plan Vie étudiante en juin 2014 ». Même réponse du ministère de l’Enseignement supérieur, qui déclare que, « à ce stade, les positions ne sont pas arrêtées ». « Rien ne se fera dans les deux ans, prédit Catherine Procaccia, qui ne croit pas au grand soir. » On peut toutefois espérer de petites améliorations, sur un meilleur transfert informatique des données (alors qu’aujourd’hui il est trop souvent réalisé sur papier) et sur une certaine obligation de résultats des mutuelles, par exemple sur les délais de mutation de régime de Sécurité sociale, qui sont « un point crucial » du problème, mais totalement « ignoré des contrats pluriannuels de gestion » entre la CNAM et les mutuelles étudiantes, indique le rapport de la Cour des comptes. Par ailleurs, à la prochaine rentrée universitaire, la date d’affiliation des étudiants sera avancée du 1er octobre au 1er septembre afin que les étudiants soient couverts dès le début des cours.
Si la révolution n’est pas à l’ordre du jour, on peut se féliciter que la question semble enfin prise en considération par les autorités françaises. « Après avoir présenté notre travail à deux rapporteurs du parti socialiste, Gérard Bapt et Yves Daudigny, ces derniers ont considéré, avec une approche responsable de l’équilibre des comptes, qu’il ne fallait peut-être pas éliminer toutes les pistes, à défaut de pouvoir s’y engager dans l’immédiat », confie Catherine Procaccia.
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