Les pharmacies auraient-elles peur du noir ? Sans aller jusque-là, la question de la sécurité des officines lors des gardes de nuit peut parfois poser problème. Surtout lorsque le filtrage préalable des patients, autrefois assuré par le commissariat de police, n'est plus réalisé.
C'est justement parce que la gendarmerie de Romorantin a décidé, le 1er décembre 2016, de ne plus vérifier l'identité des détenteurs d'ordonnance, qu'Emmanuel Duclos, titulaire à Salbris (Loir et Cher) a engagé sa grève. « En décembre 2016, explique-t-il, j'ai adressé au sous-préfet de Romorantin un recommandé avec accusé de réception pour lui faire part de mon dépit et lui signifier que je n'assurerai pas la prochaine garde de nuit. En retour, j'ai bien sûr reçu un ordre de réquisition auquel je me suis plié. » Depuis, le titulaire, qui est également colonel de réserve, renvoie inlassablement le même courrier à l'approche de chacune de ses gardes nocturnes.
Raréfaction des commissariats
L'origine de cette grève symbolique, Emmanuel Duclos la raconte ainsi : « Le commissariat a été remplacé en 2013 par la gendarmerie. Et si, dans les premiers temps, les gendarmes ont continué d'assurer la vérification de l'identité des patients, le service a été un peu délaissé pour être officiellement abandonné le 1er décembre 2016. » Pour le titulaire, c'est une question de principe : « Mon boulot, c'est d'assurer ma garde de nuit, la gendarmerie doit faire le sien, assurer notre sécurité. » Problème : rien n'oblige les gendarmes à prendre en charge cette mission… « On ne peut pas maintenir un personnel 24 heures sur 24 pour ce seul contrôle d'identité », estime Henri Gomez qui commande la brigade de gendarmerie de Romorantin. De fait, depuis les années 1970, cette mission était l'une des attributions de la police. Avec la raréfaction des commissariats, la sécurisation des gardes de nuit s'avère aujourd'hui moins évidente. Quoi qu'il en soit, Emmanuel Duclos n'en démord pas : « La sécurisation des gardes est nécessaire. D’autant plus que notre profession est fortement féminisée. Dans le combat que je mène, je pense notamment à mes consœurs. »
Plus de filtrage après 22 heures
Et ce n'est pas Didier Huguet, co-titulaire de la Pharmacie de la Fontaine, à Châteaudun (Eure-et-Loir), qui le contredira. Le pharmacien, qui est aussi l’ancien maire de cette commune de 13 000 âmes, a eu ces derniers jours une drôle de surprise. Il a en effet découvert, tout à fait par hasard, que le filtrage des patients n'est plus possible après 22 heures, nouvelle heure de fermeture de la police municipale depuis le 1er juin. Les officinaux s’en sont rendu compte le lundi 5 juin, jour férié. Dans la nuit, un patient frappe en vain à la porte de la pharmacie de garde, mais la co-titulaire de la Pharmacie de la République, Isabelle Frichot-Boudet, n’ayant pas reçu l’appel habituel de la police municipale, refuse de lui ouvrir… Dès le lendemain matin, la police municipale confirme : ses services ferment désormais à 22 heures, sauf les vendredis et samedi où l’équipe est présente jusqu’à 1 heure du matin. « De mémoire, jusqu’au début des années 2000, ce filtrage était réalisé par la gendarmerie, jusqu’à ce que le préfet nous explique que cette mission ne revenait pas aux gendarmes. Les pharmaciens se sont donc tournés vers la police municipale qui a accepté cette mission », explique Didier Huguet. Une mission qu’elle poursuit, mais pas en dehors de ses nouveaux horaires d’ouverture. « Ce qui est pénible, au-delà de la perte de sécurisation pendant nos gardes de nuit, et alors même que la profession se féminise, c’est de ne pas avoir été informés de ce changement, tout comme le reste de la population. Car les pharmaciens ont une obligation de permanence de soins », ajoute Didier Huguet.
Comme Emmanuel Duclos, le titulaire ne compte pas baisser les bras et a contacté la sous-préfecture pour exposer le problème de la sécurisation des gardes, en particulier pour ses consœurs. « Un confrère de Nogent-le-Rotrou, donc sur notre territoire, qui ne bénéficie pas non plus d’un filtrage par les forces de l’ordre, a eu de la casse lors d’une garde de nuit. » Preuve que le filtrage n’est pas un luxe. Didier Huguet espère, par exemple, que la gendarmerie pourra suppléer les services de la police municipale, en tout cas qu’une solution va être proposée pour sécuriser la permanence des soins des pharmaciens.
Les consœurs plus exposées
Tandis que policiers, gendarmes et agents municipaux semblent un peu se renvoyer la balle, cette affaire, comme la précédente, ne laissent ni l'Ordre, ni les syndicats indifférents. Gérard Bochet, conseiller régional de l'Ordre du Centre-Val de Loire témoigne : « Interpellé par la démarche de M. Duclos nous avons récemment organisé une réunion avec les pharmaciens du tour de garde et la co-présidente du syndicat des pharmaciens du Loir-et-Cher. Nous y avons entériné le fait qu'il n'était plus dans la vocation des gendarmes d'assurer cette mission de filtrage et avons convenu que les pharmaciens concernés par la garde de nuit apposent désormais leur numéro de téléphone sur la porte de l'officine ainsi que le 3237. Pratiquement, le filtrage sera pour ainsi dire assuré par les pharmaciens. » Une solution moyenne, convient en substance Alain Marcillac, référent national sécurité à l'Ordre des pharmaciens, car même s'il n'y a pas d'agressions manifestes lors des gardes de nuit, des tensions naissent souvent autour de l'ouverture des droits des assurés et de la validité des prescriptions. Même à volets fermés, le sentiment d'insécurité est réel. Notamment pour les pharmaciennes qui font très souvent face à des hommes venus chercher les médicaments pour eux-mêmes, leur conjointe ou leur mère. « L'inquiétude est légitime. Il ne faut pas attendre qu'il y ait un problème pour colmater », conclut le « M. Sécurité » de l'Ordre.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion