Le responsable de cette crise de la gauche, qui finira pas son effacement durable, c'est François Hollande et ses légendaires hésitations. Il avait beaucoup misé sur M. Macron, ce wonder boy dont il avait fait son ministre de l'Economie, mais qui, un jour de l'an dernier, préféra tenter l'aventure présidentielle avec un cran qui, sur le moment, en fit s'esclaffer plus d'un. La droite n'a cessé de brandir son argument massue, à savoir que M. Macron n'est que le sous-marin de M. Hollande, dont il continuera la politique s'il est élu président. La logique, toutefois, oblige à reconnaître qu'il ne peut pas être la créature de M. Hollande dès lors qu'il l'a quitté et que le chef de l'Etat en a conçu un vif ressentiment.
Le président de la République se laissa convaincre par son Premier ministre, alors Manuel Valls, qu'il devait renoncer à briguer un second mandat. Toute son action personnelle, à partir du 1er décembre 2016, date de son renoncement, consista à laisser une trace dans l'histoire et donc à sauvegarder le bilan, ce fameux bilan, auquel les commentateurs les moins hostiles à M. Hollande sont incapables de donner une note positive, bien que le chômage commence à régresser et que l'activité économique redémarre. Un peu comme si le sacrifice personnel du président avait été le signe de la clémence des dieux.
Valls, héraut du bilan ? Encore fallait-il que l'ex-Premier ministre enthousiasmât les militants socialistes, ce qui ne fut guère le cas, puisqu'il fut éliminé au second tour de la primaire par Benoît Hamon. Ce fut, peut-être le moment le plus douloureux des sociaux-démocrates qui n'ont jamais remis en question la politique de M. Hollande, l'instant fatal où le PS a perdu une occasion unique de s'adapter enfin au monde et à ses contraintes nouvelles. M. Hollande, qui avait voulu, en 2012, « réenchanter le rêve français » a trouvé encore plus songeur que lui en la personne de M. Hamon ; lequel est devenu le promoteur d'un programme puéril de dépenses à tout-va, sans financement prévu, donc probablement payé par les contribuables. Et, loin de défendre le bilan de M. Hollande, sauf dans les Antilles, il confirma que frondeur il était et frondeur il restait. A quoi M. Valls oppose aujourd'hui un projet qu'il tentera de réaliser un jour et qui consiste à libérer le PS de ses tabous suffocants. Il refuse donc de soutenir M. Hamon alors qu'il en avait fait le serment et la Haute Autorité du PS lui reproche son manque de loyauté.
Dans le chaudron dogmatique
Cela revient à rester aveugle au schisme qui sépare deux courants diamétralement opposés du PS. Dans le chaudron dogmatique, des ministres ont gardé la tête froide. Ils sont allés dire à leur chef que, franchement, M. Hamon n'est pas leur tasse de thé et qu'ils lui préférent le bouillant Macron. Ainsi, Thierry Braillard, Barbara Pompili, et surtout Yves Le Drian, l'un des meilleurs ministres que la République ait jamais comptés, se sont-ils déclarés en faveur du candidat d'En Marche ! Quel dilemme ! Les socialistes devraient enfin le reconnaître : la primaire en désignant M. Hamon les a privés de la réforme qui, enfin, aurait fait du PS un parti de gouvernement. Le président n'a pas su incarner ce mouvement. Il a changé de politique au milieu du gué, mais sans donner à ses mesures toute la force requise pour amorcer le redressement économique et social du pays. La vérité essentielle que M. Macron est en train de démontrer, c'est que le bouleversement dont nous avons besoin ne peut pas être généré par le PS tant que ce parti n'a pas fait sa mue. Voilà pourquoi M. Hamon, qui propose de nouvelles dépenses, le renoncement au travail et une politique européenne qui risque de nous mettre au ban de l'Union, représente un recul et non un progrès.
A quoi donc M. Hollande pense-t-il aujourd'hui ? Encore au sort que réservera l'histoire à sa « République exemplaire ». Peu importe que celle-ci ait été successivement bafouée par MM. Cahuzac, Thévenoud et Le Roux, le pouvoir, avec superbe, a exigé du ministre de l'Intérieur qu'il démissionne pour une autre histoire d'assistantes parlementaires. Le plus grave est que, dans ce marasme d'une classe politique qui semble tout faire pour que le peuple la méprise, M. Hollande n'a pas trouvé mieux, pour prouver son immense supériorité morale, que de sacrifier, au nom de l'honneur républicain, l'un de ses meilleurs amis. Et de demander, par la voix du PS, que François Fillon se désiste à son tour. Comme s'il était encore possible que, en démolissant la droite, il assure un avenir à la gauche.
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