AU DÉBUT du mois de septembre dernier, soixante-quatre SPFPL de pharmacie ont été créées en France, dans toutes les régions. Aucun adjoint n’a été recensé dans le capital de ces holdings, et aucun pharmacien étranger non plus. « Le nombre actuel de SPFPL peut paraître faible mais, compte tenu de la parution du décret au mois de juin dernier seulement et de la période de congés qui a suivi, il est tout de même significatif », précise Alain Delgutte.
Pour le président de la section A de l’Ordre national des pharmaciens, la publication du décret « clarifie la situation actuelle et à venir dans la possession et la répartition du capital social des SEL et des SPFPL ». Du reste, ajoute Alain Delgutte, « l’Ordre avait exprimé des attentes qui ont été en tous points satisfaites, puisqu’il n’y a pas d’ouverture du capital des SPFPL, que l’application de l’article 5-1 sur la dissociation du capital et des droits de vote a été supprimée (1), et que les adjoints peuvent participer au capital des holdings ». Ces nouvelles structures juridiques préservent ainsi l’indépendance professionnelle des pharmaciens et devraient aider à la restructuration du réseau, tout en facilitant la transmission et les cessions des officines.
Attention néanmoins, prévient Alain Delgutte : l’inscription d’une SPFPL est soumise au dépôt d’un dossier complet au Conseil régional – CROP (voir encadré). De plus, toute SPFPL fait l’objet, tous les quatre ans, d’un contrôle portant sur la composition de son capital et sur l’étendue de ses activités. Et elle peut également être soumise à des contrôles occasionnels prescrits par le Conseil national de l’ordre.
Pourquoi pas les succursales ?
Pour Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), les holdings présentent, il est vrai, des avantages : « Elles ont une fiscalité avantageuse sur les dividendes du groupe, sur les cessions de titres et sur la déduction des intérêts d’emprunt. Elles facilitent également la transmission de sociétés et fluidifient le marché de la négociation des sociétés de pharmacies. »
Mais, ajoute immédiatement le président du CNGPO, les holdings ont aussi leurs limites, surtout fiscales : l’intégration fiscale (2) pose problème, les opérations de cession/réinstallation sont difficiles, et la question de l’imposition des plus-values immobilières reste entière. « Or, ajoute Pascal Louis, le réseau des officines aujourd’hui a besoin d’être restructuré. Il y a trop de pharmacies, l’activité est en baisse, les regroupements sont insuffisants et les holdings risquent d’avoir peu d’impact sur l’efficience du réseau. »
C’est pourquoi le CNGPO met en avant une structure qui serait à même d’aider à la restructuration du réseau officinal, et qui n’est pourtant pas utilisée : les succursales. Sur le modèle allemand - pays dans lequel une pharmacie sur dix est une succursale -, le principe serait qu’une société de pharmacie détiendrait une pharmacie principale et trois officines succursales. Ce système serait plus avantageux qu’un regroupement car il maintiendrait les points de vente (chaque succursale aurait une licence d’exploitation). En outre, il y aurait une seule entité juridique pour l’ensemble des points de vente, et le gérant serait un pharmacien, mais pas obligatoirement un investisseur. « Il faut que la profession reprenne la main pour l’avenir », martèle Pascal Louis. Les succursales seraient donc un moyen d’y parvenir, en maintenant le maillage et le service de proximité des officines, et en optimisant les synergies économiques, par exemple par la mutualisation des compétences, et en offrant un véritable plan de carrière aux jeunes diplômés.
Améliorer la fiscalité.
Que les holdings ne puissent sauver, à elles seules, les officines en difficulté, l’expert-comptable Philippe Becker, en convient également. Pour le directeur du département Pharmacie de Fiducial, il faut surtout améliorer la fiscalité des SPFPL. « Le régime de l’intégration fiscale est très performant, puisqu’il fusionne en quelque sorte la fiscalité de la SEL et de la SPFPL, et défiscalise donc la remontée des dividendes nécessaire au remboursement du prêt d’acquisition des parts contracté par la SPFPL. Mais il trouve sa limite du fait des exigences du Code de la santé publique, qui impose un minimum de détention par associé de 5 % dans les SEL. » Selon Philippe Becker, il faudrait donc une modification de ce texte (avec, par exemple, un seuil de 1 %) pour élargir le périmètre de l’intégration fiscale.
À défaut d’intégration fiscale, le régime fiscal mère-fille peut aussi s’appliquer aux SPFPL et aux SEL. C’est tout de même un système avantageux : il permet de faire remonter les dividendes de la SEL dans la holding et de rembourser l’emprunt de la holding avec ces dividendes. Et ces dividendes versés par la « fille » à la « mère » sont exonérés d’impôt sur les sociétés à hauteur de 95 %.
Dans tous les cas, attention, prévient Philippe Becker : la facturation de prestations de services de la holding vers la SEL, permettant la déductibilité partielle des intérêts du prêt contracté par la holding, ne peut se justifier fiscalement si la SPFPL possède une seule SEL. Elle ne peut s’envisager que si la SPFPL détient trois SEL mutualisant certains services administratifs ou d’achats. Ceci doit être vérifiable en cas de contrôle fiscal.
Au total, malgré ces quelques insuffisances, les SPFPL, telles qu’elles résultent des textes en vigueur, ont pour avantage immédiat, selon Philippe Becker, de préserver la propriété des officines par les pharmaciens. Mais il faut espérer aussi qu’elles seront utilisées par les adjoints, à défaut de quoi les investisseurs extérieurs, dans quelques années, pourraient prendre leur place. « La holding est un plan d’épargne-logement pour les adjoints », conclut Philippe Becker…
(2) Dans le régime de l’intégration fiscale, la SPFPL doit détenir au moins 95 % du capital de la SEL. Mais un pharmacien exploitant une SEL devant détenir au moins 5 % du capital de cette société (et des droits de vote qui y sont attachés), le régime de l’intégration fiscale ne peut s’appliquer, actuellement, qu’avec un seul titulaire.
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