Que se passe-t-il à Fourmies ? Réputée autrefois pour ses filatures, tristement célèbre pour le massacre par la troupe de grévistes pacifiques lors du premier défilé du 1er mai, en 1891, la ville du Nord voit ses pharmacies fermer les unes après les autres. Elles étaient six, pour une ville de plus de 12 000 habitants. La pharmacie Oudot a été vendue à la pharmacie du Pont de Trieux, dans la même rue. Le titulaire a pris sa retraite, officine fermée en septembre 2017. La pharmacie de la Marlière a été vendue à la même pharmacie du Pont de Trieux, titulaire à la retraite, officine fermée en septembre 2018.
C'est maintenant le tour de la pharmacie Gossuin, vendue à la pharmacie Saint-Pierre, à 50 mètres de là. La titulaire prend sa retraite, l'officine fermera prochainement. Quant à la pharmacie Cappeliez, elle est également vendue à la pharmacie Saint-Pierre, son titulaire part à la retraite, mais le sort de l'officine ne serait pas fixé.
En deux ans, la ville passerait de six officines à trois, voire deux. « Nous nous sommes tous installés à peu près en même temps, au début des années 1980, témoigne Pierre Gossuin, adjoint de son épouse Dominique Gossuin. La ville comptait un peu plus de 15 000 habitants ; elle en a perdu 3 000, et nous avons tous trente sept ans de plus ! »
Manque de médecins
L'âge du capitaine et la baisse démographique ne sont pas seuls en cause. Fourmies a été fortement industrialisée, mais compte aujourd'hui plus de 20 % de chômeurs, le double de la moyenne nationale. À 8 km de la Belgique, elle est loin des villes françaises de quelque importance : Charleville-Mézières (Ardenne) est à 70 km, Laon et Saint-Quentin (Aisne) à 65 km, Cambrai (Nord) à 80 km, Valenciennes (Nord) à 72 km. Lille, le chef-lieu du département, est à 120 km, mais deux heures et demie de route. Seule Maubeuge (Nord) est à 40 km, mais à une heure de route. Dans un département et une région fortement peuplés, Fourmies semble isolée dans son coin.
L'autre raison est la démographie médicale. Sur six généralistes, et un médecin homéopathe, trois sont à l'âge de la retraite, ou l'ont dépassé. La communauté d'agglomération a bien investi 2 millions d'euros pour une Maison de santé pluridisciplinaire, avec quatre cabinets de médecins, mais un seul est occupé. Fourmies avait compté jusqu'à sept dentistes, mais la ville est restée plusieurs mois sans le moindre praticien.
Chômage et éloignement
« Des clients de l'officine ont quitté Fourmies pour Lille, pour raisons médicales, indique Pierre Gossuin. C'était des personnes âgées qui ne trouvaient pas à Fourmies les spécialistes dont ils avaient besoin. Le pays n'attire ni les habitants, ni les médecins. Un médecin était venu, mais sa femme lui a fait faire demi-tour avant même d'arriver. Il n'y a pourtant pas de misère à Fourmies, il y a un théâtre, un cinéma, une très belle médiathèque, mais beaucoup de chômage et beaucoup d'éloignements. Même nos commandes en souffrent : pour des raisons de quotas, ou autres, nous avons beaucoup de manques de médicaments, les répartiteurs ne fournissent pas. Parfois, le médecin peut changer de molécule, sinon le patient se passe de soins. »
« C'est un gros problème pour la population. L'agence régionale de santé (ARS) veut augmenter le tour de garde. Pour l'instant, le nôtre reste inchangé, l'ancien canton de Fourmies : une pharmacie est toujours à 10 ou 12 km… » Sous-entendu, pour combien de temps encore ?
Dominique et Pierre Gossuin ne ferment pas de gaîté de cœur. « Je suis le seul à faire des semelles orthopédiques pour un client que je livre depuis des années. Comment fera-t-il ? »
À trois pharmacies, situation quasi immédiate, Fourmies sera sous-représentée, puisque cet effectif correspond à une population de 11 000 habitants. À deux pharmacies, que se passerait-il ? Nul ne le sait, ni n'y pense, semble-t-il.
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