Le président de la République, dont on se gausse encore dans les cabarets et à la télévision, n'a pas échoué en toute circonstance. Il a été remarquable sur les fronts de la sécurité, extérieure et intérieure, ce à quoi personne ne s'attendait. Il a tout de même introduit des éléments de réforme libérale dans une économie qui s'est légèrement redressée. Et il a été un chef d'Etat proche de ses concitoyens, simple. Peut-être trop simple.
Le « chic type » que ses soutiens aiment décrire n'en était pas moins retors quand il s'agissait de combattre l'opposition et insuffisamment autoritaire quand il fallait mater la majorité. Souvent, son entourage dit que M. Hollande a hérité d'une situation bien plus dramatique qu'il le croyait. Lui-même estime qu'il a fait du bon travail si l'on tient compte des difficultés qu'il a dû aplanir. Mais l'interprétation à plusieurs niveaux de son action est inutile au regard du « péché originel » qu'il a commis : celui d'avoir proposé de « réenchanter le rêve français » alors qu'il était urgent et impératif d'assainir nos structures industrielles, commerciales et financières. Pendant cinq ans, ce maître de la valse lente n'a cessé d'hésiter entre la réforme, la vraie, la grande, et la complaisance envers ses électeurs de 2012.
Il n'a pas non plus établi le bon diagnostic : ce qui menaçait le pays il y a déjà cinq ans et le menace encore aujourd'hui, c'était et c'est l'irrésistible déploiement du Front national. M. Hollande a cru le combattre avec plus de gauche alors que l'unique enjeu de la guerre civile était l'emploi. Contre le chômage, il a d'abord utilisé les recettes archaïques du dirigisme, puis il a adopté quelques éléments de réforme, mais toujours à dose homéopathique et en liant, de surcroît, son sort personnel à son succès ou à son échec. Marine Le Pen n'aurait aucune chance d'arriver au second tour de l'élection présidentielle si, comme l'ont fait d'autres pays européens, la France avait créé un million d'emplois en cinq ans. Elle n'a pas seulement perdu du temps, elle a favorisé, par incompétence et inertie, la montée des extrémismes.
La vérité est morte
Car il n'y a pas que le FN. Si vous avez assisté au débat des onze candidats, vous aurez constaté que neuf d'entre eux sont des eurosceptiques. Ces représentants de commerce que sont les Ausselineau, les Dupont-Aignan, les Cheminade n'ont qu'un médicament à vendre, un poison mortel pour l'Europe, présentée comme la source de tous nos maux alors qu'elle est en réalité un espoir, surtout pour la jeunesse. Pendant quatre heures, l'extrême gauche et l'extrême droite ont martelé leur haine de l'Europe, l'ont diffamée, stigmatisée, vilipendée. Il y a deux semaines, le magazine américain « Time » proposait ce titre de couverture : « La vérité est-elle morte ? » Elle l'est ici comme là-bas. La construction européenne, le plus grand exploit humain du siècle dernier, devient le bouc émissaire des victimes du ralentissement économique dû à la mondialisation. Et ces hommes ou femmes qui briguent la présidence n'ont pas trouvé mieux, pour détruire ce chef d'œuvre, que de nous raconter une fable pour enfants de cinq ans : plus seuls nous serons, mieux nous réussirons.
Comme le Royaume-Uni va en faire l'amère expérience, il est infiniment plus compliqué de sortir de l'Europe que de ne pas y entrer. L'Union ne sait pas faire machine arrière. Sur cette campagne électorale règne donc une sorte de mensonge universel. De l'hostilité à l'Europe, les partis extrémistes ont fait une croyance, une peur, une superstition. En attendant de trouver un successeur à François Hollande, pro-européen peu actif, des partis politiques sont à l'œuvre pour priver les Français des meilleurs instruments dont ils disposent pour combattre l'adversité.
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