Quand on parle pandémie avec les experts, tous évoquent d'abord « la grippe ». À l’OMS, on explique que c’est ce que tous les pays redoutent, parce que « c’est un virus respiratoire qui se transmet facilement » et dont la contagion peut commencer avant même que les symptômes apparaissent. Et parce que ses formes sont multiples. Par exemple, rien que pour les grippes de type A, responsables des pandémies, leur protéine de surface, l’hémagglutinine (H), et leur enzyme, la neuraminidase (N), peuvent se combiner de 198 façons différentes… sans même parler de l’évolution possible du virus tout au long de sa vie, que ce soit par glissement (mutation qui ne touche pas la structure du virus) ou par réassortiment antigénique (modification de la structure). Les pandémies grippales (grippe espagnole en 1918-1919, asiatique en 1956-1958, de Hong Kong en 1968 et la pandémie de 2009) sont toutes issues d’un virus de type A, qui a évolué par réassortiment antigénique.
Dans un document technique de 2006, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) expliquait déjà « pourquoi craindre une nouvelle pandémie ? ». D’abord parce que les virus grippaux ont longtemps été spécifiques à une espèce, mais « depuis 1959, l’infection humaine par un virus grippal aviaire a été établie à dix reprises ». S’ils entraînent le plus souvent « des symptômes légers et une maladie bénigne », l’INRS note une exception : le virus aviaire H5N1. Un bilan de l’OMS en 2014 désignait les deux grippes aviaires les plus pathogènes et létales pour l’homme : H5N1, avec une mortalité de 59 % (603 cas, 356 décès), et H7N9, avec 32 % de mortalité (365 cas, 116 décès). Pour l’INRS, cette capacité à franchir les barrières interespèces associée à un réassortiment génétique fait « craindre l’émergence d’un nouveau sous-type viral ayant acquis un potentiel pandémique pour lequel l’homme ne possède aucune immunité protectrice ». Ce qui est très exactement la définition donnée par le plan national de prévention et de lutte « pandémie grippale » : « Une pandémie grippale est caractérisée par l’apparition sur l’ensemble du globe d’un nouveau virus grippal contre lequel les défenses de la majorité de la population sont faibles ou nulles. »
« Ça va arriver »
Una analyse peu rassurante. Selon les calculs statistiques de l’OMS, une pandémie mortelle était fortement probable entre 2010 et 2015. De quoi expliquer l’affolement mondial face à l’apparition d’un nouveau virus A de type H1N1 en 2009, contenant des gènes d’origine à la fois porcine, aviaire et humaine. Aujourd’hui, les experts sont tout aussi pessimistes : « On sait que ça va arriver mais on n’a aucune possibilité de l’empêcher », explique Sylvie Briant, spécialiste des risques infectieux à l’OMS. Pour elle, « l’humanité est plus fragile face aux épidémies parce qu’on est beaucoup plus connectés et qu’on se déplace plus vite qu’avant ». Ces dernières années, le monde a été confronté à « Ebola en Afrique de l’ouest, Zika en Amérique du Sud et la peste à Madagascar », rappelle Elhadj Sy, secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR). Aux dires des spécialistes, s’ajoutent les déclarations du cofondateur de Microsoft, Bill Gates. Celui qui investit massivement, au travers sa fondation, dans la lutte contre les épidémies, est convaincu de l'arrivée de « maladies comme la grippe pandémique de 1918 capables de tuer 30 millions de personnes en 6 mois ». Bill Gates s'appuie sur une simulation de l'Institute for Disease Modeling et affirme que « la prochaine maladie nous prendra par surprise, cette nouvelle maladie mortelle va se développer et se propager, il faut s'y préparer comme on se prépare pour une guerre ».
Réalité quotidienne
Le LEEM lui-même, se penche régulièrement sur la question, appelant à une « mobilisation mondiale » entre chercheurs, autorités sanitaires, organisations internationales et industriels du médicament pour fournir une réponse globale et coordonnée contre les « virus sans frontières ». Une réaction suscitée lors de l’épidémie d’Ebola en 2014-2016. « L’explosion démographique, l’urbanisation croissante, la mondialisation des échanges de biens et de marchandises, l’accroissement des flux migratoires et des déplacements de populations engendrés par les conflits armés, et de plus en plus par la modification du climat, sont autant de facteurs qui favorisent la diffusion de ces maladies infectieuses et leur transmission dans des zones géographiques de plus en plus larges. » Aux 11 000 morts d’Ebola, il faut ajouter les 2 000 cas de malformations dues à Zika au Brésil ou encore la très large fourchette estimée par l’OMS de 29 000 à 60 000 décès dus à la fièvre jaune en 2013. Et aussi « la persistance du Sida, du paludisme, de la tuberculose (…), la résistance aux antibiotiques. Au cours des 60 dernières années, l’OMS a identifié 335 maladies infectieuses nouvelles ou ré-émergentes. Ces maladies représentent bien plus qu’une menace, elles sont une réalité quotidienne pour les populations », s’alarme Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM.
Maladie X
Chaque année, l’OMS tient une réunion pour déterminer la liste des maladies ayant un potentiel de péril international. Y figurent les fièvres hémorragiques de Crimée-Congo, de Lassa, Ebola et Marburg, les syndromes MERS-CoV et SRAS, le virus Nipah, la fièvre de la Vallée du Rift et Zika. Fin février, l'OMS a choisi d’ajouter la « Maladie X » à son plan d’action prioritaire de recherche et développement, « non pour terrifier, mais pour veiller à ce que la communauté internationale en santé soit prête à s'attaquer à toutes les formes de menaces, prévisibles et imprévisibles », explique-t-elle. Parce que, note John-Arme Rottingen, conseiller scientifique à l’OMS, « l’histoire nous dit que la prochaine pandémie sera quelque chose qu’on n'a jamais vu avant ». La maladie X est donc une grande inconnue, personne ne sait quand, où, comment elle pourrait se déclarer. Les experts envisagent toutes les possibilités : attaque chimique ou biologique, accident de manipulation en laboratoire ou, plus probablement, infection zoonotique, à l’image de la pandémie de grippe A (H1N1) de 2009. Le plan national de prévention et de lutte en cas de pandémie grippale le rappelle : « L’apparition de virus grippaux pandémiques reste une préoccupation majeure car rien ne permet d’affirmer que la prochaine pandémie grippale aura le caractère relativement modéré de celle de 2009. »
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