Ce qui rend hystériques les partisans de M. Hamon, c'est sans doute moins la personnalité de M. Valls que son projet. L'ancien chef de gouvernement ne craint pas la victoire, presque impossible du candidat du PS. Il s'oppose à ce que la gauche soit refondée après les élections selon les critères d'un seul groupe, incarné par les Aubry, les Montebourg, les Filipetti, les José Bové, et tant d'idéologues irréductibles. La querelle entre M. Valls et M. Hamon ne porte pas sur les manières, comme veulent le faire croire ceux qui mis en bière la présidence de François Hollande, elle porte sur l'aggiornamento du PS auquel ils s'opposent de toutes les forces, avec la frénésie du désespoir. Car ils savent où ils vont : l'obstination rigide de Jean-Luc Mélenchon à rejeter tout accord avec le parti socialiste assure le trépas de celui-ci. Il suffit d'assister à la pantomime pour savoir que personne n'est sincère : ni M. Mélenchon, qui préfère l'immense plaisir qu'il a à dispenser ses vérités à la foule à un engagement en faveur du camp auquel il prétend appartenir ; ni M. Hamon qui tient à l'autre un langage censé exprimer la toute-puissance du PS au moment où celui-ci est moribond et qui ne veut pas davantage se fondre dans l'extrémisme incarné par M. Mélenchon.
Une avalanche de pensées sclérotiques
Dans ces conditions, qu'est-ce qui permet à ses détracteurs de fondre sur M. Valls comme des aigles sur lur proie ? Il fait de la politique comme eux, ni plus ni moins. Il est parjure ? Sûrement, mais lui n'est pas un traître, il n'a pas utilisé ses prérogatives ministérielles contre le président qui les lui avait accordées. Ils ont le droit d'avoir des idées différentes ? Et Valls, non ? Leur discours est insupportable. Il montre combien on peut être aveuglé par la foi que l'on porte. Ils sont les vicaires de l'archaïsme et leur confort intellectuel, le refus de se remettre en question, le rejet du monde tel qu'il est et ne changera pas, en dépit de leur loghorrée (Dieu, si tu existes, que ta foudre mette le feu à la mondialisation !) les rend impénétrables au changement. Il n'est nullement exclu que cette avalanche de pensées sclérotiques finisse par sombrer dans le ridicule, au terme d'une défaite inéluctable, et que Manuel Valls, qui n'est pas privé de patience, finisse par ramasser la mise.
Mais ce courant, au sein de la société française, est puissant. Il englobe une partie du PS, la fameuse « France insoumise », le PC, les anciens socialistes qui ont rejoint le FN et une bonne partie de la droite. Ils sont, les uns et les autres, les tenants de la politique de l'autruche. Ils refusent d'affronter le monde tel qu'il est et préfèrent s'enfermer dans les frontières nationales. À terme, ils laisseraient le pays s'enfoncer dans une solitude glacée et mortelle. Ils n'en veulent pas à M. Valls uniquement, Emmanuel Macron est un autre de leurs épouvantails, comme l'est François Fillon, qui porte la réforme la plus profonde.
Toutes ces forces de l'immobilisme ne se livrent aux imprécations que parce que leurs chances de l'emporter sont minimes. Elles n'en contribuent pas mois à faire de cette campagne électorale, moment idéal pour établir un diagnostic national et un traitement approprié, l'une des plus répugnantes auxquelles les électeurs ont assisté. Ces pères La Vertu, qui portent en sautoir leur citoyenneté, leur générosité, leur humanisme, leur proximité avec le peuple, et dont la pensée maîtresse repose sur la dépense publique sans financement, n'ont pas hésité à manier l'injure contre des hommes qui, pourtant, ont seulement la volonté de mettre en application les instruments du changement.
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