UN PARADOXE très fort. C'est le constat que posent d'emblée les experts qui ont travaillé sur la nouvelle étude éditée par Precepta sur la distribution pharmaceutique, et qui s'intitule « Redéploiement de la filière, quelles stratégies pour renforcer son pouvoir de marché ? » En effet, le document pointe d'entrée une ambivalence sur la place du pharmacien dans la chaîne de santé : au moment même où son rôle s'accroît, les menaces qui pèsent sur l'officinal n'ont jamais été aussi fortes. « En matière d'automédication, précise Emmanuel Sève, expert sectoriel chez Precepta, leur monopole est contesté par la grande distribution. Quant aux génériques, ils constituent une assise importante mais fragile car les pouvoirs publics y voient un moyen de faire des économies. » Pourtant, ils représentent plus du quart de la marge brute des pharmaciens dans le médicament remboursable.
Les écarts entre les pharmacies s'accentuent.
Dans certains pays d'Europe, des produits ont été retirés du monopole officinal car le niveau de services accompagnant leur dispensation n'était pas considéré comme suffisant. Il s'agit des médicaments les plus techniques, sortis de la réserve hospitalière. Aux Pays-Bas, certains d'entre eux ont ainsi été confiés à des sociétés spécialisées.
Les menaces dépassent ainsi la seule question de l'ouverture du capital. Les pouvoirs publics exercent en effet une pression sur l'ensemble de la filière pour faire des économies sur les médicaments. Et les fractures économiques, déjà flagrantes, continuent de se creuser. « Ces fractures ne font que s'accentuer avec un effet lié à la taille des officines toujours plus significatif. La croissance et la rentabilité se concentrent sur celles dotées du meilleur potentiel, soit un noyau dur de 4 000 pharmacies de très grande taille et, au sens large, 8 000 à 10 000 officines. » Les départs à la retraite de la génération du baby-boom et la réorganisation territoriale des soins vont encore accentuer ces écarts. Les officines trop petites ou situées dans une zone de chalandise moins attractive seront les plus affaiblies.
Le partenariat, un enjeu majeur.
Le pharmacien se retrouve donc face à de nouveaux défis, et tente de renforcer son rôle de santé publique. D'abord en développant des services, par exemple la vaccination des patients, l'analyse du bon usage du médicament, la réalisation de tests de diagnostic… Et en se faisant rémunérer pour leur mise en place, comme c'est déjà le cas au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique. Ensuite, en améliorant ses stratégies d'approvisionnement : « Il est nécessaire de mieux acheter. C'est devenu un acte plus complexe, notamment avec le générique. D'où l'importance de recourir à des partenariats extérieurs », souligne Emmanuel Sève.
Les officinaux vont donc se tourner vers les groupements, qui concentrent déjà entre 16 000 et 17 000 pharmacies, soit les trois quarts de la profession. Les principaux groupements se sont focalisés sur cette fameuse fonction d'approvisionnement, afin de faire pression sur les fournisseurs de l'officine pour négocier prix et remises.
Au niveau européen, Alliance Boots, Celesio et Phoenix, les trois grands noms de la répartition, ont intégré quant à eux la distribution finale du médicament en devenant propriétaires des plus grands réseaux de chaînes de pharmacies dans les pays qui les y autorisent. Puissance financière, porte d'entrée dans les pharmacies, les grossistes disposent d'une force d'attractivité importante.
Autre possibilité pour les officinaux, intégrer une coopérative, un esprit qui connaît un renouveau grâce aux CERP. Depuis septembre dernier, une autre démarche a vu le jour avec le groupe Welcoop, anciennement CERP Lorraine. Les coopérateurs actionnaires reçoivent sous forme de dividendes une partie des résultats réalisés par le groupement et également la valorisation patrimoniale des actions de la société. « Pour compléter son offre, Welcoop a acquis le laboratoire de génériques Cristers, ce qui constitue un modèle très intéressant », remarque Emmanuel Sève.
Renforcer sa relation avec le patient.
C'est aussi un sentiment d'affinité avec l'enseigne qui fera que le pharmacien rejoindra un groupement ou une coopérative. Aujourd'hui, ce sont les groupements adossés à des répartiteurs qui ont recruté le plus d'adhérents. Néanmoins, une interrogation demeure. Quelles seront les ressources des groupements indépendants ? Ils s'attendaient en effet à disposer de revenus complémentaires avec l'ouverture du capital.
Si la réponse à cette question reste en suspens, des pistes existent en revanche sur l'évolution du métier. « Les officinaux doivent renforcer la relation et la proximité avec le patient, qui constituent leur force. Ils peuvent aussi consolider leurs compétences médicales en matière de prévention et de suivi thérapeutique », conseille Emmanuel Sève. Enfin, il faut privilégier également l'aspect distribution, soigner les relations avec ses fournisseurs et recourir, le cas échéant, à des partenariats.
Même sans l'ouverture du capital, des liens vont continuer à se tisser entre les pharmaciens, avec les grossistes et aussi avec les complémentaires santé. Enfin, si les officines connaissent des enjeux différents selon leur taille et leur situation, la compétence médicale protège la profession contre la menace de la perte du monopole.
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