DE PLUS EN PLUS, les complémentaires investissent le domaine de la prévention et du petit risque. Rien de bien surprenant à cela. D'abord, le champ est laissé libre par le désengagement du régime général sur un certain nombre de thématiques. Et l'entrée en vigueur, en 2006, des contrats responsables a favorisé un recours plus large à la prévention (vaccination contre l'hépatite B, etc.). Autre élément moteur, qui place le pharmacien au cœur du dispositif de soins, son rôle accru par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). « Depuis un an et demi, nos idées sont reprises par les complémentaires. Et depuis six mois, le ton n'est plus du tout le même », se félicite Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO (Union des syndicats de pharmaciens d'officine). Cependant, précise t-il, « les partenariats avancent, mais il reste encore à concrétiser les accords, notamment pour ce qui concerne la garantie de paiement ». Gilles Bonnefond est confiant. Il estime qu'un grand nombre d'intervenants seront entrés dans le cercle à l'horizon 2 011. Ce qui va dans le bon sens, pour les représentants des officinaux, c'est la démarche des mutuelles et complémentaires qui vise à s'intégrer dans le parcours de soins. Et ne se contente pas d'être une offre commerciale.
Aux yeux des syndicats, il y a un exemple à suivre. C'est l'offre lancée en 2007 par la MTRL, en association avec les Assurances du Crédit Mutuel. Le contrat « Réflexe, prévention, santé » comprend un bilan de prévention personnalisé effectué par le pharmacien. Cette prestation, qui concerne potentiellement un million de bénéficiaires, est assurée dans l'officine choisie par l'adhérent. Dans un espace confidentiel et sur rendez-vous, le pharmacien fait le point, avec l'assuré, sur la vaccination, les traitements, les données biologiques et aussi les facteurs de risque qui lui sont propres. Le pharmacien en tire une synthèse et délivre les conseils appropriés. Réalisé tous les deux ans, ce bilan est rémunéré 21 euros au pharmacien, soit l'équivalent du tarif d'une consultation de médecine générale. La démarche n'a donc pas manqué de susciter la désapprobation, et parfois la condamnation, des représentants des omnipraticiens. Il ne s'agit pas d'un bilan de santé, ni d'une consultation médicale, s’est défendu Romain Migliorini, président de la MTRL. Selon lui, la prestation permet justement de sensibiliser le patient à la prévention et de l'orienter, le cas échéant, vers son généraliste. Conseil peut aussi lui être donné de se rendre chez un diététicien ou un ostéopathe. La prise en charge prévoit également un forfait annuel pour l'achat de spécialités d'homéopathie.
Réflexion stratégique.
Hormis cette prestation, qui a fait l'objet d'un protocole d'accord avec les syndicats de pharmaciens, les offres ne sont pas validées par les représentants professionnels. Claude Japhet, président de l'UNPF (Union nationale des pharmacies de France), a paraphé le document de la MTRL, car il laisse libre le pharmacien dans le choix des médicaments et des pathologies ciblées. « Les officinaux vont ensuite délivrer le conseil le plus adapté et rester dans une fourchette de prix convenables », explique t-il. Des montants maximaux fixés pour les prix de vente de médicaments, dans le cadre de forfaits de prise en charge, voilà en revanche ce que les syndicats de pharmaciens ne veulent pas. C'est l'un des points d'achoppement avec SantéClair, filiale des assureurs MAAF, MMA, AGF. Lorsqu'elle a lancé son offre, en 2005, la société proposait une couverture de 30 euros par an pour des dépenses non remboursées par l'Assurance-maladie (rhume, rhinite, sevrage tabagique, etc.). La prise en charge allait jusqu'à 60 euros si l'officine signait un contrat de partenariat avec SantéClair. Pour sa défense, l'assureur affirmait que son cahier des charges ne donne que la composition du panier en terme de molécules et de boîtages, le montant maximal étant fixé pour l'ensemble du panier. L'offre demeure, mais elle ne concerne que quelque 600 pharmacies partenaires. SantéClair indique que, aujourd'hui, ses actionnaires sont en cours de réflexion stratégique au sujet de cette prestation. Une remise en question qui n’aurait rien à voir avec la fronde professionnelle à l'encontre de l'assureur.
Restant dans le giron pharmaceutique et axé sur la prévention, un nouveau contrat lie les pharmacies du groupe PHR au cercle Médéric. Aux adhérents de ce dernier sont proposés une réduction de 15 % sur l'ensemble des produits de parapharmacie (hors promotion), un dépistage annuel du diabète, un bilan de prévention des risques cardio-vasculaires et un kit comprenant notamment un autotensiomètre. Les bénéficiaires reçoivent en outre une liste de coordonnées des pharmaciens PHR. Une négociation est en cours, avec la plate-forme de services Viamedis, pour mettre en place de paniers de soins visant des pathologies saisonnières. Président du groupe PHR, Lucien Bennatan explique sa vision des choses : « Il faut d'abord faire la preuve de l'efficacité du réseau, montrer que nous sommes bien équipés. C'est seulement ensuite que nous serons en mesure de réclamer des honoraires. » En dehors de ce partenariat, le groupe Malakoff Médéric propose la prise en charge du sevrage tabagique (à hauteur de 50 euros par an) et d'un contraceptif oral non remboursé par l'Assurance-maladie (à hauteur de 30 euros par an).
Des conseils en ligne.
S'adressant aux étudiants, la SMEREP a quant à elle constitué différents forfaits, dont le pack « Vivre sa vie ». Il prévoit une prise en charge de la contraception, à hauteur de 30 euros et débloque 10 euros pour la pilule du lendemain, les tests de grossesse et les préservatifs. La mutuelle étudiante mise aussi sur le suivi diététique de ses jeunes adhérents. Préoccupation majeure de notre époque, la nutrition est également au cœur de l'offre d'Axa Assurances, qui revendique 4 millions d'adhérents (individuels et en collectif). En 2005, l'assureur a aussi lancé un coaching santé sur l'arrêt du tabac. Ses clients et prospects peuvent tester en ligne leur dépendance à la cigarette. En cas de forte dépendance, une somme de 80 euros est allouée à l'assuré pour des entretiens individualisés avec des spécialistes de la question. La thématique était porteuse, quelque temps avant l'interdiction de fumer dans les lieux publics, mais l'offre n'a intéressé que quelques milliers d'assurés. Force est de constater que les candidats à l'arrêt du tabac s'en remettent de façon préférentielle à leur pharmacien et leur médecin traitant. Et peut-être que le recours à l'assureur n'est pas encore entré dans les mœurs, s'agissant de la prévoyance santé. Axa, dont le cœur de métier est l'assurance habitation et automobile, ne désarme pas. Il s'est lancé sur le sujet des troubles musculo squelettiques en entreprise et l'encadrement de l'hypertension artérielle sévère. Sur son site « Axa Santé + », lancé en juin dernier, l'assureur propose aux internautes de localiser leur douleur sur un visuel de corps humain. Une centaine de fiches pratiques détaillent les traitements d'automédication disponibles. Le site a essuyé les critiques de pharmaciens, qui y voient une intrusion dans leur démarche de conseil.
De son côté, l'assureur Swiss Life propose également une offre évolutive de prise en charge. L'association Carte Blanche (regroupant bénéficiaires, professionnels de santé et assureurs partenaires) réunit un comité éthique qui examine l'opportunité de prendre en charge un médicament ou une prestation. Puis un vote a lieu. Il y a des ajouts et aussi des retraits, comme lorsque le vaccin contre le cancer du col de l'utérus est devenu remboursable par l'Assurance-maladie. Le Forfait Prévention Swiss Life comprend donc trois axes : le dépistage (ostéoporose, cancer du colon, diagnostic précoce de la polyarthrite rhumatoïde), les soins préventifs et l'hygiène bucco-dentaire. Veinotoniques et prothèses capillaires peuvent aussi faire l'objet d'une prise en charge. Swiss Life a également mis en place le « rendez-vous pharmaceutique ». « Il est réalisé dans plus de 2 100 pharmacies. Son objectif est d'apporter, dans un cadre formalisé, tout ce qui peut participer à la prévention et à l'observance », indique Corinne Devillard, responsable de Carte Blanche Partenaires. Il en coûte 10 euros à l'assuré, pour cette prestation idéalement menée chaque année.
Une boutique dédiée à la santé.
L'assureur veut encore innover. En début d'année, il a lancé dans le centre-ville de Lille un concept de boutique orienté sur la santé. Occupant une surface est de 60 mètres carrés environ, cet espace doit être dupliqué dans deux autres grandes villes françaises courant 2 009. Tensiomètres, articles de massage et jeux éducatifs sont disponibles à la vente. Des animations y sont proposées gratuitement, que l'on soit ou non client de Swiss Life. Bien-sûr, on peut souscrire un contrat d'assurance, mais aussi s'informer (avec guides, magazines, borne Internet) et bénéficier de services pratiques sur la santé (coaching, plateforme téléphonique, menus de bien-être, etc.). La zone Tests minute propose des évaluations rapides de la vision, du rythme cardiaque ou de l'indice de masse corporelle. « Il ne s'agit en aucun cas d'un diagnostic médical, mais d'une sensibilisation sur l'importance de suivre régulièrement sa santé, souligne Olivier Bec, directeur général. Ce sont les gens qui interprètent eux-mêmes leurs résultats. Il leur est bien précisé que, en cas d'écart avec les valeurs normales, il faut s'adresser à un professionnel de santé ».
Pour Gilles Bonnefond (USPO), « tout ce qui favorise la prévention va dans le bon sens ». Mais pour le représentant syndical, toutes ces démarches seraient plus efficientes et coûteraient moins cher aux complémentaires si le pharmacien les avait en main. Quant à un éventuel forfait spécifiquement dédié aux médicaments du libre accès, Claude Japhet (UNPF) estime qu'il ne devrait pas voir le jour avant au moins un an, faute de disposer d’une offre suffisante. « Pour l'instant, une cinquantaine de références, sur plus de 300, réalisent des ventes conséquentes, considère Claude Japhet. Tant qu'il restera derrière le comptoir des médicaments équivalents, mais moins chers, que ceux présentés en libre accès, ce type de prestation n'est pas pertinent ».
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