La réunion du comité de suivi des génériques (1) s’annonçait tendue. Elle a tenu ses promesses. La séance a même été levée après que les génériqueurs aient quitté la table des discussions. Initialement prévue en juin, cette réunion a été avancée de trois mois. La raison ? « Pour ne pas prendre de retard sur les mesures à mettre en place pour respecter l’ONDAM, nous a-t-on dit », indique le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Philippe Gaertner. Une façon d’annoncer la couleur aux participants. Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), l’objectif des pouvoirs publics est d’accélérer les baisses de prix. Selon lui, c’est « un nouveau plan médicament qui ne porte pas son nom ».
Sans surprise, Philippe Gaertner est sorti mécontent de cette réunion. Et « choqué » qu’on justifie les nouvelles baisses de prix sur le médicament par l’évolution des dépenses de santé. « Nous avons souligné ce que nous considérons comme des erreurs manifestes, notamment lorsque la substitution pourrait éviter la mise en place d’un TFR. » La décision du Comité économique des produits de santé (CEPS) d’appliquer un TFR au groupe du Plavix (clopidogrel) est l’un des principaux points de discorde. Certes, le taux de substitution de cette molécule est en dessous des 80 % requis, mais atteint tout de même 79 %, « malgré les manœuvres dont ce médicament a fait l’objet pour ralentir sa substitution », souligne Gilles Bonnefond. Pour lui, maintenir un TFR dans ce groupe irait à l’encontre d’une politique cohérente de développement du générique. « Ce serait un casus belli », tranche le président de l’USPO.
Convergence des prix
Les syndicats contestent également le principe d’une convergence des prix, au bout d’un certain temps, entre princeps et génériques. « Sans une réelle différence de prix, la motivation des usagers pour le générique disparaît, martèle Philippe Gaertner. Le CEPS souhaite pourtant appliquer ce principe à la buprénorphine, alors que le générique permet d’éviter l’usage détourné qui reste possible avec le princeps. » Gilles Bonnefond craint qu’une telle mesure entraîne de la confusion aussi chez les pharmaciens qui, dans ces conditions, sont susceptibles d’être démobilisés dans le développement des génériques.
D’autres nouveaux projets de baisses de prix ne passent pas non plus du côté des syndicats. Le CEPS envisage en effet de revoir les tarifs des médicaments du système nerveux central, des bêtabloquants, des anti-inflammatoires, ou encore des antiarthrosiques. Au total, Gilles Bonnefond estime que ces dispositions représentent, certes, 280 millions d’euros d’économies pour l’assurance-maladie, mais surtout elles se solderaient par une nouvelle perte de marge pour l’officine de l’ordre de 90 millions d’euros. Sans compter les autres décotes prévues sur des spécialités hors du répertoire et les mesures de maîtrise médicalisée. « C’est déraisonnable », affirme le président de l’USPO. Et de rappeler que l’officine a déjà perdu 147 millions d’euros de marge l’an passé.
D’autant que, souligne-t-il, le gouvernement vient d’annoncer un déficit de la Sécu de 10,7 milliards d’euros en 2015, en dessous des prévisions de 12,8 milliards d’euros prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2016, ce qui correspond à une amélioration de 2,4 milliards d’euros par rapport à 2014. De bons résultats auxquels les pharmaciens ne sont pas étrangers, affirme Gilles Bonnefond. Aussi, l’USPO et la FSPF ont décidé d’écrire il y a quelques jours à la ministre de la Santé pour l’alerter et lui indiquer que « redemander des efforts supplémentaires à des niveaux très élevés sur le médicament est tout simplement inacceptable ».
Des mesures dangereuses
Les génériqueurs refusent également toutes nouvelles réductions tarifaires. « Entre 2013 et 2016, les industriels se sont engagés sur des baisses de prix des médicaments génériques à hauteur de – 20 %, soit 632 millions d’euros de baisses de prix cumulées », indique le GEMME. Pour compenser cette baisse, ils comptaient sur « une politique volontaire et engagée des pouvoirs publics pour soutenir et promouvoir le générique, et donc une augmentation des volumes. » Or, constate l’association, « contrairement à ce qu’affirme le récent rapport de l’IGAS (2), le taux de pénétration des génériques en France est en quasi-stagnation alors qu’ils peuvent apporter des économies substantielles au système de santé si les conditions de leur développement sont réunies. » Ainsi, pas moins de 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires pourraient rentrer dans les caisses de l’État chaque année. Plutôt que de nouveaux efforts sur les prix, le GEMME appelle les pouvoirs publics « à accélérer les mesures majeures du Plan de promotion qui, selon le rapport d’étape que l’IGAS vient de publier, sont à peine esquissées ».
Mais « pressés par les échéances comptables, les pouvoirs publics envisagent à nouveau d’imposer de nouvelles baisses de prix alors que les volumes actuels sont toujours tout à fait insuffisants et que les économies sur le médicament générique prévues par la LFSS 2016 sont déjà assurées », estime le GEMME qui qualifie ces mesures de dangereuses « pour les entreprises et l’emploi industriel » et « d’insuffisantes pour relever le défi de l’équilibre des comptes sociaux ». À tel point que les génériqueurs ont quitté la réunion arguant que « ce sont des baisses de prix additionnelles à ce qui a été acté dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale ». Le GEMME appelle à réunir au plus vite tous les acteurs associés (3) pour « mettre en œuvre les solutions capables de délivrer des résultats véritablement efficaces sur le long terme » et « rénover le modèle de l’économie du générique ».
Malgré l’opposition des syndicats de pharmaciens et des industriels, la décision d’appliquer ou non ces mesures appartient au seul CEPS. Reste à savoir s’il tiendra compte des remarques de la chaîne du médicament.
2) Voir notre édition du 24 mars.
3) Les syndicats de pharmacies et de grossistes, le CEPS, la DSS, la DGS, la DGCCRF, la DGE, la CNAM, l’UNOCAM et les industriels.
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