INSTALLÉ depuis 13 ans à Bartenheim, village du sud de l’Alsace non loin de la frontière suisse, Pierre Heinis ne se contente pas d’y préparer des ordonnances : « ma grand-mère m’a transmis le goût de la bonne cuisine, et je suis moi-même souvent derrière les fourneaux », explique-t-il. En 2003, elle lui confie le cahier de recettes qu’elle avait commencé à 14 ans, et le pharmacien commence à retranscrire ce document, en très mauvais état, tout en prenant conscience de sa valeur : « j’ai eu un jour l’idée d’en faire un livre, en le complétant avec les souvenirs de ma grand-mère, dont l’épopée traverse tout le siècle », explique-t-il. En 1929, après ses deux années d’école ménagère, la petite Alsacienne alors âgée de 16 ans est envoyée comme cuisinière dans une famille bourgeoise du sixième arrondissement de Paris, puis chez une comtesse polonaise de l’avenue Victor Hugo. Elle rentre en Alsace quelques années plus tard, se marie et ouvre un restaurant à Waldighoffen, son village natal, avant de se consacrer entièrement à ses enfants, puis à ses petits enfants.
« Les recettes de ma grand-mère ont enchanté notre enfance », confie Pierre Heinis en avouant sa préférence pour ses cornichons maison, « tellement meilleurs que ceux du commerce, et tellement parfumés », ainsi que pour son pâté de lapin. Mais au-delà des soupes, sauces, plats, légumes, gâteaux et desserts, le cahier est aussi le témoin d’un savoir-faire en passe d’être oublié : « ma grand-mère faisait la glace à la vanille en versant la crème sur les pains de glace achetés à la glacière, car à l’époque il n’y avait ni réfrigérateur ni congélateur », souligne ainsi le pharmacien, en relevant les nombreuses méthodes, obsolètes mais savoureuses, découvertes dans le cahier. « Je n’ai rien changé aux recettes, qui peuvent toutes être préparées, avec la liste exacte des ingrédients et la technique », poursuit-il, même si le professionnel de santé qu’il est n’a pu s’empêcher de rajouter une ou deux notes ou mises en garde, par exemple sur le beurre noir, qui peut présenter un vrai risque sanitaire en raison des goudrons qu’il contient. Si certains plats sont tombés en désuétude, d’autres continuent d’être préparés et servis en Alsace, et constituent de véritables symboles régionaux, comme bien sûr le kougelhopf, dont il existe autant de variantes locales que d’orthographes, et que Pierre Heinis confectionne lui-même dans le respect des traditions familiales.
Le secret d’autrefois.
Aujourd’hui, Maria Weigel a 97 ans, ne voit presque plus et entend mal, mais la publication du livre, dont la couverture est celle du cahier original, a été une grande joie pour elle. Il est vrai que lorsqu’on lui donne le nom d’une recette, elle reste capable de la détailler sans aucun effort, comme si elle l’avait réalisée la veille. « Ce livre m’a replongé dans mon enfance, et témoigne de l’affection que je porte à ma grand-mère », termine Pierre Heinis.
Approchant du siècle, Maria Weigel prouve sans doute que la cuisine alsacienne, réputée peu diététique, peut favoriser la longévité. « Certes, ces recettes ne sont pas toutes très équilibrées, admet notre confrère, mais le secret d’autrefois, c’est que les gens mangeaient un peu de tout, et surtout beaucoup moins de sucre que de nos jours… il y avait moins d’obèses que maintenant, car le gras n’explique pas tout », rappelle-t-il. Et l’on est tenté d’ajouter que le plaisir, mijoté dans un ouvrage comme celui-ci, est sûrement aussi un gage de bonne santé…
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