Les mots du client
- « Je suis allé chez le médecin car je devais uriner en plusieurs fois.
- Mon mari se lève désormais deux à trois fois chaque nuit pour uriner.
- On a ôté la prostate de mon frère : va-t-il garder longtemps la sonde ? Le médecin reste évasif.
- Mon infection urinaire semble avoir pour origine la prostate, l’urine stagne dans la vessie et s’y infecte !
- L’urologue veut traiter ma prostate par la radio, je ne comprends pas… »
Épidémiologie : une grande banalité
L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) est l’affection la plus fréquente de l’homme âgé : 70 % des hommes de plus de 60 ans et 90 % de ceux de plus de 70 ans présentent, histologiquement parlant, une HBP. Dix pour cent d’entre eux devront subir une intervention chirurgicale visant à restaurer une fonction urinaire satisfaisante. Toutefois, si l'HBP a une prévalence histologique extrêmement élevée, tous les hommes porteurs d'une hyperplasie bénigne de la prostate histologique n'en souffrent pas.
Physiopathologie : une étiologie encore méconnue
L’hypertrophie bénigne de la prostate est définie par une hypertrophie stromale et épithéliale au sein de la glande et par l’apparition progressive de symptômes urinaires. Histologiquement parlant, l’HBP peut affecter le tissu glandulaire (adénome, de très loin la plus fréquente des situations), le tissu musculaire (léiomyome, très rare) ou le tissu conjonctif (fibrose, rare). Il n’y a pas de parallélisme entre le volume et le degré d'obstruction, mais la gêne fonctionnelle est fonction de la composition du tissu hyperplasique : ainsi, à volume égal, une fibrose se révèle plus obstructive qu’un adénome ou qu’un léiomyome. L’évolution de l’hyperplasie bénigne est centrifuge, d’où une rapide compression de l’urètre (l’évolution maligne est différente, centripète, avec envahissement de l’uretère puis de l’urètre).
Le nombre de cellules de la prostate dépend de l’équilibre entre la prolifération et l’apoptose (mort cellulaire) : l’augmentation du volume glandulaire passe donc par une augmentation de la prolifération mais aussi par une diminution de l’apoptose. De nombreux facteurs intriqués sont impliqués dans la genèse d’une HBP.
- Rôle de la testostérone. La testostérone augmente la prolifération et inhibe l’apoptose cellulaire. Son action dans l’HBP reste discutée car il ne semble pas y avoir au sein de l’HBP une activation de la prolifération cellulaire : il est cependant possible que l’HBP passe par des phases de prolifération puis de stabilisation avec équilibre apoptose/prolifération. De plus, si, dans le cerveau, le muscle et l’épithélium des tubes séminifères, la testostérone agit directement, elle doit être transformée par la 5 alpha réductase en dihydrotestostérone, métabolite actif, pour agir au niveau prostatique (d’où l’intérêt des médicaments inhibiteurs de cette transformation, cf. infra). Toutefois, on peut observer que les patients castrés avant la puberté, ou atteints de maladie génétique interagissant avec la production ou l’action des androgènes, ne développent pas d’HBP ; la diminution de la testostéronémie aboutit à une réduction de l’HBP. Certaines études suggèrent de plus que le récepteur des androgènes a une expression augmentée dans le tissu prostatique hyperplasique par rapport au tissu sain. Les androgènes suppriment l’apoptose de la glande prostatique.
- Rôle des estrogènes. Des modèles expérimentaux suggèrent que les œstrogènes puissent jouer un rôle dans la genèse de l’HBP : il est possible de développer une HBP en traitant des chiens par des œstrogènes stimulant les récepteurs androgéniques. Chez l’homme, le rôle des œstrogènes paraît plus controversé. Toutefois, il faut noter que les taux sériques d’œstrogènes augmentent avec l’âge, qu’il existe au niveau de la cellule prostatique une augmentation des taux d’œstrogènes dans l’HBP et, enfin, que les patients ayant un volume prostatique conséquent tendent à avoir un taux sérique d’œstrogènes plus important.
- Facteurs de croissance. Les facteurs de croissance peuvent stimuler ou inhiber les processus de division cellulaire et de différenciation dans la prostate. Dans l’HBP, la prolifération cellulaire jouerait un rôle important et certains facteurs, dont l’expression est modulée par la dihydrotestostérone, sont capables de stimuler la croissance notamment l’Insulin-like Growth Factor (IGF).
- Facteurs génétiques. L’HBP pourrait être rapportée à une forme familiale dans 50 % des cas des patients subissant une adénomectomie et dont l’âge est inférieur à 60 ans - mais 6 % seulement des cas peuvent être rapportés à une forme familiale quand l’âge est supérieur à 60 ans. Les vrais jumeaux ont un taux de concordance plus élevé que les faux jumeaux. En cas d’HBP familiale, les prostates ont un volume prostatique plus élevé que chez les patients atteints de forme sporadique. Les taux d’androgènes sériques et de réponse aux inhibiteurs de la 5 alpha-réductase sont identiques dans les deux groupes de patients. Cependant, aucun gène n’a clairement été mis en cause dans les formes familiales ou dans les formes sporadiques de l’HBP.
Clinique : dominée par les TUBA
Le caractère bénin du prostatisme ne doit pas en faire négliger les éventuelles complications, aiguës ou chroniques.
Manifestations cliniques de l’HBP. Les manifestations cliniques liées à l’HBP appartiennent à l’ensemble symptomatique des « troubles urinaires du bas appareil » ou TUBA (plus populairement, on parle de « prostatisme »), qui ont donc comme étiologie principale, mais non exclusive, une HBP. Extrêmement variables entre les individus, ces manifestations vont de l’absence de signes cliniques - malgré un volume prostatique conséquent pour certains patients -, à une dégradation significative de la qualité de vie avec un faible volume prostatique pour d’autres. De plus, elles peuvent évoluer dans le temps, allant d’une aggravation à une amélioration ou l’inverse. Elles relèvent de deux mécanismes : certains sont dits irritatifs : pollakiurie (miction fréquente), impériosité urinaire, alors que d’autres sont obstructifs (dysurie, diminution du jet urinaire, gouttes retardataires, fuites urinaires). L’HBP ne met pas en jeu le pronostic vital et ne constitue pas un facteur de risque de cancérisation.
Complications de l’HBP. Plusieurs types de complications peuvent émailler l’évolution d’une HBP : infection urinaire (liée à une vidange vésicale incomplète), rétention vésicale aiguë, rétention vésicale chronique avec mictions par regorgement, hématurie, lithiase ou diverticulose rénales, elles-mêmes à l’origine d’infections locales, insuffisance rénale. Ainsi, l’incidence annuelle de rétention urinaire aiguë dans la population des patients présentant une HBP symptomatique est comprise entre 0,4 % et 6 %.
Chez le médecin : apprécier l’impact quotidien de l’HBP
Diagnostic. Le diagnostic d’HBP est posé au regard des signes fonctionnels chroniques traduisant l’existence de TUBA. Souvent, le patient identifie ces signes avant même la consultation médicale comme relevant d’un trouble prostatique. Le diagnostic repose avant tout sur la clinique et l’interrogatoire du patient.
› Le toucher rectal montre que le volume de la glande est augmenté (hypertrophie), mais celle-ci demeure symétrique et souple (caractère bénin de l’hyperplasie).
› Le Score International Symptomatique de la Prostate (International Prostate Score Symptom ou IPSS) permet de quantifier les troubles fonctionnels et d’évaluer la gêne pour le patient. Ce questionnaire standardisé est fréquemment utilisé, bien qu’il ne soit pas spécifique des TUBA liés à l’HBP : il ne doit donc pas constituer à lui seul un rationnel de décision thérapeutique. Le médecin apprécie ainsi le retentissement de la maladie sur la prostate, et, notamment, les conséquences de l’obstruction : qualité du jet urinaire, dysurie, miction en deux temps, gouttes retardataires, fuites par regorgement, résidu post-mictionnel avec sensation d’avoir encore besoin d’uriner même juste après l’avoir fait.
› Il est recommandé de vérifier la stérilité de l’urine par une bandelette urinaire : des signes évocateurs ou des antécédents d’infection urinaire font recommander de pratiquer un ECBU.
› Le dosage de la créatininémie ne doit pas être systématisé : il n’a d’intérêt que chez les patients présentant des facteurs de risques d’insuffisance rénale.
› La débitmétrie urinaire ne constitue pas un examen de première intention dans le bilan initial d’une HBP symptomatique.
› L’échographie de l’appareil urinaire par voie abdominale relève d’indications particulières : diagnostic de vessie de lutte (vessie dont les parois se sont épaissies, comprenant des diverticuloses en raison d’un obstacle à l’émission d’urine ou d’une irritation permanente), de lithiase urinaire ou encore de dilatation du haut appareil.
› L’échographie sus-pubienne de la prostate ne permet pas d’apprécier de façon fiable son volume. L’échographie transrectale n’est pas recommandée lors du bilan initial : il permet seulement de choisir la voie d’abord avant un geste chirurgical.
› Urétrocystoscopie et urographie intraveineuse ne sont pas recommandées lors du bilan initial.
› L’HBP n’augmentant pas le risque de cancer prostatique, le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen) n’a pas d’intérêt pour le diagnostic, le bilan ou le suivi de l’HBP. En effet, le taux de PSA permet de mettre en évidence, au plan biologique, une affection de la prostate mais n’est pas spécifique d’une maladie. Il est d’autant plus proche de la normale que le patient est jeune et que la prostate a un volume réduit.
Il importe d’éliminer d’autres étiologies à des troubles mictionnels chroniques : cancer localement évolué, sténose de l’urètre, prostatite chronique, vessie périphérique acontractile.
Surveillance. Le médecin doit surveiller l’évolution de l’hyperplasie au travers de son retentissement sur la vie du patient, généralement une fois par an en moyenne. L’absence de corrélation entre le volume de la prostate et la gêne fonctionnelle explique qu’il n’y ait pas d’intérêt à réaliser des échographies de l’organe. Les examens complémentaires ne trouvent leur place qu’en cas de complications ou d’une aggravation des symptômes.
Stratégies de traitement : la chirurgie en dernière ligne
Une HBP n’induisant pas de signes cliniques ou, simplement, une gêne fonctionnelle légère, ne nécessite pas d’intervention thérapeutique, mais une surveillance annuelle. Face à une HBP modérément handicapante (signes d’irritation ou d’obstruction) et non compliquée (absence de rétention urinaire, absence d’infection, absence de lithiase, pas de dilatation du haut appareil), le traitement repose sur l’administration de médicaments. Face à une gêne intense et/ou à des complications, le traitement est médicamenteux ou chirurgical, cette option pouvant elle-même être proposée d’emblée ou après constat d’un échec du traitement médicamenteux. De nouvelles techniques, dites mini-invasives, peuvent être proposées en cas de contre-indication à la chirurgie.
Traitement pharmacologique.
Le traitement médicamenteux de l’HBP fait appel à des familles de principes actifs agissant de façon différente sur la glande prostatique mais ayant tous une efficacité à peu près analogue, que l’Afssaps qualifie de modérée : les alphabloquants, les inhibiteurs de la 5-alpha réductase ou les extraits de plantes.
- Alphabloquants. Les alphabloquants bloquent les récepteurs adrénergiques alpha-1, d’où une relaxation des fibres musculaires vésicales et intraprostatiques. Leur action s’est avérée plus importante que celle d’un placebo. Les différentes molécules commercialisées ne présentent pas de différence significative quant à leur efficacité. Le relâchement des fibres musculaires lisses induit par les alphabloquants explique que l’effet indésirable le plus fréquemment rapporté soit une sensation vertigineuse (entre 5 % et 20 % des cas) et de l’hypotension artérielle orthostatique (1 % à 8 % des cas selon les molécules) accompagnée de sensations vertigineuses. La survenue de nausées en début de traitement n’est pas rare. La tamsulosine mais aussi l’alfuzosine peuvent être à l’origine de troubles de l’éjaculation voire d’anéjaculation. L’alfuzosine bénéficie d’une indication dans le traitement adjuvant du sondage vésical dans la rétention urinaire aiguë compliquant l’HBP.
- Inhibiteurs de la 5-alpha-réductase. Ces médicaments agissent quant à eux par inhibition de l’enzyme permettant la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT), androgène impliqué dans la constitution de l’hyperplasie du tissu prostatique. Ils sont significativement plus efficaces qu’un placebo lorsque le volume glandulaire excède 40 ml (soit le double de la normale). Les symptômes sont moins rapidement améliorés que sous alphabloquants. Ce traitement bénéficie d’une bonne tolérance, se soldant par de possibles troubles de l’érection (entre 3 % et 9 % des cas) et une baisse de la libido (3 % des cas).
- Extraits végétaux. La phytothérapie par les extraits de Pygeum africanum ou de Serenoa repens n’ont pas fait l’objet d’études cliniques approfondies : leur mécanisme d’action est incomplètement élucidé (inhibition de la 5-alpha réductase, inhibition de la formation de prostaglandines et de leucotriènes pro-inflammatoires, action anti-facteurs de croissance pour le Permixon ; inhibition de la prolifération des cellules sous l’action des facteurs de croissance pour le Tadenan). Le Permixon, par exemple, a une action d’une puissance analogue à celle de la tamsulosine sur la symptomatologie de l’HBP et la débimétrie. L’apport de ces deux médicaments est intéressant dans l’HBP avec gêne modérée, et ils bénéficient d’une tolérance équivalente à celle du placebo.
Le traitement médicamenteux, quel qu’il soit, impose une surveillance régulière, avec interrogatoire du patient et pratique de touchers rectaux.
Traitement chirurgical.
Trois types d’interventions chirurgicales peuvent être envisagés mais elles ne sont indiquées qu’en cas de complications ou de handicap sérieux :
- Résection transurétrale. La résection endoscopique de la prostate (REP), technique de loin la plus fréquemment pratiquée en France où elle constitue la référence, expose à un risque important d’éjaculation rétrograde postopératoire (25 % à 100 % des cas selon les séries), mais à un risque très limité d’incontinence.
- Adénectomie totale. Cette alternative à la résection transurétrale s’adresse à des prostates volumineuses, les suites opératoires des deux techniques étant analogues.
- Incision cervicoprostatique. Cette technique alternative à la REP est intéressante lorsque le volume prostatique reste inférieur à 30 ou 40 ml ; elle n’expose que peu à un risque de dyséjaculation.
Le résultat du geste chirurgical est d’autant meilleur que la symptomatologie initiale est sévère. Avantage de la pratique : il n’y a pas lieu de réaliser une surveillance particulière des patients après l’intervention dès lors que l’examen histologique des prélèvements tissulaires ne retrouve pas de malignité (adénocarcinome).
Autres types de traitements.
Diverses alternatives non chirurgicales (dites souvent « mini-invasives ») peuvent être proposées aux patients présentant une HBP symptomatique mais non compliquée en cas notamment de contre-indication au geste invasif (âge, traitement anticoagulant, etc.).
- Thermothérapie par ondes radio. La thermothérapie par radiofréquence (TUNA = Transuretral needle ablation) est une procédure permettant de chauffer localement les tissus prostatiques et d’entraîner ainsi leur nécrose par coagulation. Des électrodes d’une puissance de 15 watts sont plantées sous contrôle endoscopique transurétral dans la zone prostatique à traiter, et un courant de radiofréquence monopolaire (environ 490 kHz) y entraîne pendant 3 à 5 minutes une température voisine de 100 °C dans un rayon limité à 5 millimètres autour de chacune des électrodes (la température de l’endothélium urétral est quant à elle maintenue en dessous de 46 °C grâce à des gaines protectrices). Ce traitement, qui nécessite une intervention comprise selon les équipes entre 15 et 45 minutes au total, est réalisé sous anesthésie locale ou par bloc nerveux prostatique. Une sonde vésicale est souvent laissée en place dans les suites immédiates du traitement (risque de rétention urinaire), pendant 24 heures à deux semaines selon les équipes. Le taux de réintervention à cinq ans est de l’ordre de 20 %.
- Thermothérapie par micro-ondes. La thermothérapie par micro-ondes transurétrales (TMTU) entraîne une nécrose de coagulation par élévation locale de la température intra-prostatique, supérieure à 50 °C. On introduit une sonde de traitement par l’urètre de façon à amener l’antenne émettrice des ondes (300 à 3 000 MHz) au regard de la glande. L’urètre est refroidi par circulation d’eau froide dans la sonde. La durée du traitement est alors comprise entre 30 et 60 minutes.
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