« La maladie de Parkinson (MP) à début précoce est particulièrement déchirante car elle frappe les personnes dans la fleur de l’âge. Cette recherche fascinante offre l’espoir qu’un jour nous pourrons détecter et prendre des mesures précoces pour prévenir cette maladie chez les personnes à risque », explique la neurologue Michèle Tagliati, du Centre médical Cedars-Sinai à Los Angeles, qui co-signe l’étude publiée dans « Nature Medicine ».
La MP est une maladie neurodégénérative caractérisée par la perte progressive de neurones à dopamine dans la substance noire et par la formation intraneuronale d’agrégats de protéines alpha-synucléines (corps de Lewy). Environ 10 % des patients développent une MP précoce, diagnostiquée entre 21 et 50 ans, et dans 80 % de ces cas, les patients n’ont aucune histoire familiale ou mutation connue.
L’équipe californienne a reprogrammé des cellules mononucléées sanguines de patients ayant une MP précoce (sans mutation connue), ainsi que celles de témoins, pour les faire revenir à un stade embryonnaire et produire ainsi des cellules souches pluripotentes induites (CSPi). Puis ils ont amené ces cellules souches (CSPi) à se différencier en neurones à dopamine.
Dysfonction des lysosomes
Vu que cette reprogrammation gomme les modifications épigénétiques majeures, les anomalies observées ne pouvaient être que d’origine génétique : c’est le reflet des premiers stades de la maladie. « Notre technique nous a permis d’ouvrir une fenêtre sur le passé pour voir comment les neurones à dopamine fonctionnent dès le début de la vie d’un patient », précise le Pr Clive Svendsen, directeur de l’Institut de médecine régénératrice au Centre Cedars-Sinai et auteur senior.
Les chercheurs ont découvert deux anomalies majeures dans les neurones à dopamine issus des CSPi des patients avec MP précoce : une accumulation d’alpha-synucléine, ainsi qu’un mauvais fonctionnement des lysosomes. C’est ce dernier dérèglement, dû à des protéines déficientes (dont LAMP1) dans la membrane lysosomale, qui est responsable de l’accumulation de la synucléine. « Il semble que les neurones à dopamine chez ces personnes soient incapables de dégrader correctement l’alpha-synucléine sur une période de 20 ou 30 ans, ce qui provoque l’émergence des symptômes de la MP », explique le Pr Svendsen.
Stimuler une autre voie de dégradation
Ce modèle a été utilisé pour dépister des composés pouvant stimuler la capacité des neurones à dégrader la synucléine. Et les scientifiques ont identifié avec succès un médicament : le PEP005. Cette molécule permet, en activant un autre mécanisme de dégradation, d’abaisser l’alpha-synucléine dans les neurones, ce qui a été montré en culture et chez la souris (par injection cérébrale). Le PEP005 est déjà approuvé par la Food and Drug Administration sous forme de gel pour traiter la kératose actinique, une lésion précancéreuse de la peau.
« Notre étude indique que les cellules cérébrales chez les patients atteints de MP précoce ne peuvent pas gérer la dégradation de la synucléine – une caractéristique des neurones mourants dans la MP – même avant la naissance, est-il expliqué dans l’étude. Cependant, cela ne tue les neurones que bien plus tard dans la vie. Nous pouvons maintenant réfléchir à des moyens pour réduire précocement la synucléine et nous pouvons utiliser ce modèle pour savoir si la MP a débuté. Nous démontrons que nous pouvons injecter du PEP005 directement dans le cerveau de la souris et ce médicament est efficace pour abaisser l’alpha-synucléine dans ce contexte ». Cette voie d’administration n’étant pas appropriée chez l’homme dans ce contexte, les chercheurs sont d’ores et déjà en train d’évaluer la voie intraveineuse, « mais ces études sont encore très préliminaires », est-il précisé.
« Il est important de souligner que les patients dans notre étude représentent une population ayant une MP sporadique. En démontrant que leurs neurones ont des anomalies, l’étude montre qu’une composante génétique notable, encore inconnue, contribue à la MP sporadique », souligne l’équipe. Les chercheurs envisagent d’explorer si ces anomalies existent aussi dans d’autres formes de la MP.
A. H. Laperle et al., "Nature Medicine", 10.1038/s41591-019-0739-1, 2020.
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