LA GESTION DU TIERS PAYANT est si chronophage que toute aide pour la rendre plus efficace est bienvenue dans les officines. Jusqu’à parfois un tiers de temps d’un salarié pour mener à bien cette gestion en interne. L’informatique est bien sûr en première ligne pour aider les titulaires à mieux gérer le tiers payant, mais ce n’est pas la seule, puisqu’une sous-traitance s’est développée depuis des années permettant de soulager les pharmaciens pour tout ou partie de la tache. Et sur le plan purement informatique, plusieurs niveaux permettent de faciliter cette gestion, des niveaux d’ailleurs mis en avant de manière sensiblement différente selon les éditeurs.
Ainsi Isipharm insiste-t-il d’abord sur la compatibilité des logiciels de gestion avec le standard imposé par l’assurance-maladie par le biais du Centre National de Dépôt et d’Agrément (CNDA) qui délivre un agrément obligatoire aux éditeurs. Standard qui est depuis plusieurs années déjà la version 1.40 de la carte Sésame Vitale et qui a fait l’objet de nouveaux développements puisqu’à ce jour, les éditeurs sont agréés, ou en voie de l’être, à la version 1.40 addendum 4. « Alors que l’assurance-maladie a déjà développé l’addendum 6 » note David Derisbourg, responsable marketing Leo chez Isipharm.
Voilà qui crée d’ailleurs un étonnant déphasage entre le travail de l’assurance-maladie et la réalité du travail quotidien des pharmaciens, puisque ces derniers n’ont pas encore basculé de la version 1.31 à la version 1.40. « Plus de 90 % sont encore à la version 1.31 » estime David Derisbourg. Une proportion qui atteint ni plus ni moins les 99 % pour Jérôme Lapray responsable marketing de Pharmagest. Il est vrai que les pharmaciens n’ont pas d’obligation à évoluer vers la version la plus récente de la carte Sésame Vitale, à ceci près que de toute façon « la version 1.31 s’arrêtera en pratique au 31 décembre 2012 », selon Erick Cordier, responsable réglementation d’Isipharm. De fait, les pharmaciens seront contraints de passer à la 1.40 dans l’année qui vient. De nombreux changements les attendent, une gestion des flux différenciée entre les caisses d’assurances maladie et les mutuelles, l’obligation de mise à jour annuelle des cartes Sésame Vitale des patients, une gestion plus pointue des oppositions aux cartes volées ou encore la modification des codes CIP pour y intégrer la norme EAN 13, pour une meilleure traçabilité des produits.
Avantages et contraintes.
Ces changements apporteront certes des améliorations sensibles du travail quotidien des pharmaciens, mais aussi plus de contraintes, car la philosophie qui prévaut aujourd’hui est « un contrôle plus fort des actions des pharmaciens de la part de la CNAM » estime Erick Cordier. Une chose paraît sûre, le temps passé à la délivrance sera un peu plus long qu’avec la version 1.31. D’où l’opportunité offerte aux éditeurs de fourbir leurs atouts afin de fluidifier plus encore la gestion du tiers payant.
Pour Jérôme Lapray, l’un de ces atouts est de sécuriser au mieux le tiers payant, notamment les cartes mutuelles, d’où la possibilité via le LGPI de se connecter aux serveurs de Cleyris Almerys et de la carte Duo auxquels adhérent de nombreuses mutuelles (ces deux systèmes sont concurrents). Ces serveurs permettent de gérer les droits des patients sans que ceux-ci aient à présenter leurs cartes. « Cela permet au pharmacien de s’assurer qu’il sera bien payé » affirme ainsi Virginie Boissier, responsable marketing d’ASP Line.
L’apport des éditeurs peut aussi se révéler intéressant au niveau de ce qui prend sans doute le plus de temps aux pharmaciens, la gestion des impayés. Ils proposent des fonctionnalités qui permettent de mieux identifier les rejets, ce que Franck Laugère, directeur général de C.E.P.I nomme « un travail visuel sur les factures. » « Il s’agit de donner les moyens d’établir la recherche multicritères la plus poussée possible afin d’identifier les causes de rejet de même type et accélérer ainsi le recyclage de la facture. » Idem pour Pharmagest dont un module permet d’identifier les origines des rejets, droits de mutuelles clos, code LLP incohérent etc… Et à côté de la gestion des impayés, Alliadis propose pour sa part un module de rapprochement bancaire, « pharmabanq », « qui rapproche automatiquement les lots des retours Noemie de l’assurance-maladie à l’état du compte bancaire » explique Sophie Roussel, directrice marketing et communication.
La difficile gestion des rejets.
Mais au-delà, « c’est au pharmacien de s’organiser » affirme Jérôme Lapray. Les éditeurs ne peuvent pas aller plus loin, seule l’intervention humaine permet de gérer les rejets. Et ceux-ci peuvent représenter un volume non négligeable si on ne les gère pas avec attention. Pour Jérôme Lapray, cela peut aller jusqu’à 0,95 % du chiffre d’affaires. « Pour une officine qui réalise environ 1,5 million d’Euros de ventes, cela peut constituer des pertes allant de 3000 à 4000 euros par mois. » D’où une tendance à sous-traiter la gestion de ces rejets, et d’une manière générale, de l’ensemble du tiers payant par des sociétés spécialisées. Et elles sont nombreuses, des concentrateurs jusqu’à des filiales de banques spécialisées, l’offre ne manque pas. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux plus importants éditeurs du marché proposent chacun les services d’une société spécialisée.
Alliadis peut compter sur SPS, une plate-forme dédiée appartenant à sa maison mère, le groupe Cegedim, tandis que Pharmagest conseille son partenaire Emis Santé. Les éditeurs font en sorte que les prestataires sous-traitants des pharmaciens puissent accéder facilement à l’informatique de leurs clients par le biais de la télémaintenance.
Deux types de sous-traitance.
Cette sous-traitance est aussi vieille que le tiers payant, la société Agetip par exemple, au début un GIE constitué de pharmaciens, devenue depuis une SARL, est née dans les années 1976-1977. Rien de nouveau sous le soleil donc. Sauf que pour certains acteurs de ce marché de la sous-traitance, c’est un sujet qui arrive enfin à maturité. « Il y avait des réticences, raconte ainsi Lucien Desert, directeur de CPO, concentrateur technique pour les régions de l’Ouest, et par ailleurs, tout le monde n’était pas occupé à 100 %, ce qui permettait de déléguer un salarié sur le sujet. Mais aujourd’hui, le personnel en trop, ça n’existe plus, de plus, il y a eu un rajeunissement des titulaires qui facilite le recours à la sous-traitance. »
Il existe globalement deux types de sous-traitance, la gestion des rejets et le rapprochement bancaire d’une part, réalisée par les concentrateurs comme CPO, et, en plus, la gestion des flux financiers telle que proposée par Agetip. Une sous-traitance totale qui permet au pharmacien d’être payé quoiqu’il arrive puisque l’intermédiaire paie le pharmacien systématiquement à réception de la télétransmission, charge à lui ensuite de gérer les rejets. Une avance de trésorerie qui suppose des reins solides : « certes, nous prenons un risque, mais nous avons un capital ainsi que divers outils qui permettent de traiter ces flux » affirme Jean-François Warlop, directeur d’Agetip. « Et quand il y a des rejets, les frais de gestion ne sont pris qu’une seule fois » précise-t-il. Cela peut en effet soulager grandement les titulaires, à condition toutefois de bien évaluer ce qu’une telle sous-traitance, réputée chère, lui coûte.
Un investissement à peser.
Pas d’accord, rétorque Jérôme Lapray : « avec Emis Santé, il suffit d’un forfait de 500 à 1 000 euros par mois pour récupérer de 1500 à 2000 euros d’impayés par mois, sans compter le temps gagné consacré à autre chose. » C’est néanmoins un vrai choix qui se présente pour le pharmacien, et sans doute sera-t-il tenté de peser l’investissement dans de nouveaux outils informatiques face à la sous-traitance totale ou partielle, les premiers pouvant peut-être suffisamment aider pour se passer des seconds dont les tarifs peuvent rebuter.
Même s’il existe de nombreuses formules de paiement adaptées aux besoins des titulaires, notamment quand ils sont ponctuels, Agetip, par exemple, demande un pourcentage du tiers payant traité, de 0,07 à 0,09 % environ selon les pharmacies, ce qui correspond environ à 700 euros l’année pour un chiffre d’affaires de 1 M d’euros, selon Jean-François Warlop.
Dans cette équation, un facteur essentiel va faire pencher la balance, la numérisation prochaine des ordonnances, actuellement expérimentée dans toute la France (Sujet qui fera l’objet d’un prochain article dans nos colonnes). C’est l’élément technologique décisif qui va permettre de gagner ce temps si précieux pour les pharmaciens et de faciliter une gestion fastidieuse. Peut-être même de se passer de sous-traitants ? Jean-François Warlop estime que cela sera neutre pour la sous-traitance.
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