LA LOI FOURCADE (10 août 2011) a apporté un vent frais sur la profession de pharmacien, en lui permettant d’intégrer officiellement les maisons de santé pluriprofessionnelles ou MSP, jusque-là réservées aux professionnels médicaux et auxiliaires médicaux. Réservées ? Oui et non, car ce n’est que lorsque les professionnels de santé, travaillant sur un même lieu et autour de projets de santé communs, veulent bénéficier de financements de l’État qu’ils doivent suivre un cahier des charges strict et ainsi décrocher une reconnaissance officielle. Finalement, une pharmacie intégrée à une maison de santé, cela ne date pas d’hier.
Le Dr Roland Muzelle est le coordonnateur et le fondateur de la maison de santé de Saint-Symphorien-de-Lay (Loire), créée en… 1986 ! Dans la commune depuis 1980, il connaît bien le pharmacien, Gérard Allary, un ami qui s’est installé quasiment en même temps que lui et ressent la même insatisfaction dans son installation. L’idée a germé dans leurs esprits de se regrouper et de proposer cette solution à d’autres professionnels de santé. « Nous avons entendu parler de regroupements, notamment à Saint-Jean-Soleymieux, près de Saint-Étienne. On a travaillé notre projet avec la banque, l’expert-comptable, le notaire… Cela n’a pas été pas simple car il n’existait aucun modèle. Il a aussi fallu vaincre les réticences des uns et des autres, chacun de nous étant habitué à travailler dans son coin. Et puis certains sont propriétaires de leurs murs, ce qui compliquait l’idée de se regrouper. Finalement, tout le monde a accepté l’idée de venir. On s’est retrouvé dans un ensemble de 450 m2, qui en est aujourd’hui à son 3e agrandissement pour atteindre les 1 070 m2 », explique le Dr Muzelle.
Aujourd’hui, la MSP de Saint-Symphorien-de-Lay regroupe quatre médecins généralistes (dont un maître de stage), une pharmacie, trois infirmières, deux kinésithérapeutes, un orthophoniste, un chirurgien-dentiste, un psychologue, un pédicure-podologue et deux psychomotriciens. Elle compte également une permanence hebdomadaire de la médecine du travail, une permanence mensuelle de la PMI et des services décentralisés du Conseil général de la Loire.
Inquiet pour l’avenir.
« On voulait relever le défi de travailler ensemble. Il a fallu convaincre les autres professionnels d’investir dans une SCI, on a beaucoup palabré. C’était intéressant parce qu’on a appris à se connaître. » Au début, la MSP est surtout un lieu commun où les professionnels travaillent, sans réel projet de santé collectif. Des collaborations se mettent en place de manière informelle, jusqu’à ce que, en 1992, la MSA lance les programmes d’éducation des professionnels de santé (PEPS). Les membres de la MSP collaborent alors à la création d’une association locale autour de la prévention. « Cela a créé une dynamique, nous avons véritablement travaillé en commun, mis en place des formations, mais on a fermé l’association en 2004-2005, faute de financement. Nous avons vraiment formalisé les choses il y a deux ans. » C’est en effet le moment choisi pour regrouper la MSP de Saint-Symphorien-de-Lay avec celle de Régny, à moins de 10 km de là, et former ainsi un pôle de santé pour entrer dans l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération (NMR). L’idée est de créer un service pour les enfants et les adolescents en difficulté psychologique (à la suite d’un divorce, d’un deuil, etc.). Le pôle de santé regroupant les deux MSP va prochainement prendre le statut de SISA, ou société interprofessionnelle de soins ambulatoires, afin de bénéficier de financements publics. Dans ce cadre, les professionnels de santé ont embauché une infirmière libérale à mi-temps pour coordonner le nouveau service et les réunions de travail interprofessionnelles. « Les réunions sont très régulières, que ce soit avec tous les professionnels de santé de la MSP ou avec certains seulement, selon les sujets abordés. Il ne manque plus que le système d’informatisation partagée que nous avons en projet et dont nous pensons être les pilotes. »
D’autres projets de santé communs ont été amorcés, notamment dans la prise en charge des maladies chroniques comme le diabète, et, prochainement, l’hypertension artérielle. « Nos métiers ont beaucoup changé, de par le travail en équipe, mais aussi parce que la plupart des référentiels avec lesquels on travaille n’existaient pas il y a trente ans. Je reste très inquiet pour l’avenir car les MSP ne vont pas résoudre le problème de désertification médicale. Elles sont une partie de la solution mais ne sont pas suffisantes pour régler le problème », assure Roland Muzelle.
Vieillissement médical.
Dans la même région, à Anneyron, une MSP s’apprête à faire ses tout premiers pas. Xavier Viossat ouvre sa pharmacie nouvellement installée dans la maison de santé ce mardi 29 mai. « On va essuyer les plâtres ! Les autres professionnels de santé arrivent entre le 15 août et le 1er septembre. » Xavier Viossat est l’initiateur du projet. Lorsqu’il s’installe à Anneyron, en 2006, il s’aperçoit du vieillissement médical, s’inquiète de la pérennité de sa pharmacie et en parle à Alain Genthon, conseiller municipal de l’opposition, conseiller général chargé de la santé et directeur de la maison familiale rurale d’Anneyron. Rien n’est envisageable à ce moment-là, mais Xavier Viossat continue à partager son constat autour de lui. « L’idée préexistait à l’arrivée de Xavier Viossat sur la commune, nous en avions parlé trois ans auparavant avec le médecin généraliste, le dentiste, les kinésithérapeutes et les infirmières. Cela n’a pas pu se faire pour des raisons financières. Xavier Viossat est arrivé avec cette idée au bon moment, lorsque le gouvernement a pris la mesure du problème de désertification médicale », se souvient le Dr Philippe Bismuth.
Puis, en 2008, Alain Genthon est élu maire d’Anneyron et donne un coup d’accélérateur au projet. « Sur les trois médecins d’Anneyron, seul le Dr Bismuth s’est montré intéressé – il a été porteur du projet – ainsi que le Dr Maurice Champion, installé à Albon. Cela nous a poussés à faire quelque chose d’intercommunal. Notre communauté de communes Rhône Valloire comprenant des communes dans la Drôme, mais aussi en Ardèche, deux projets ont vu le jour », indique Xavier Viossat. Ainsi la MSP d’Anneyron se trouve être le miroir de la future MSP d’Andance, moins avancée. Le projet de Xavier Viossat a fait des émules puisqu’il comprend désormais les six infirmières d’Anneyron, et deux orthophonistes qui se sont installées à Anneyron en attendant l’ouverture de la MSP, tout comme l’a fait le Dr Christelle Fleury, venue du Nord tout spécialement pour pouvoir intégrer la maison de santé. « Nous avons aussi un orthoptiste, un cabinet d’optique Optic 2000, un audioprothésiste Audio 2000, un dentiste qui sera rejoint par trois confrères et une psychologue. Les kinés n’ont pas souhaité nous rejoindre mais leur cabinet s’est étoffé et ils ne sont pas loin de la maison de santé. Enfin, l’hôpital de Romans-Saint-Vallier étant intéressé, nous aurons un local pour que des médecins spécialisés viennent faire des vacations. Nous aurons aussi une antenne de PMI (protection maternelle infantile – NDLR) et des services décentralisés du Conseil général au-dessus de l’officine », détaille le pharmacien. Les projets de santé à travailler en commun sont évidemment déjà arrêtés : amélioration de la couverture vaccinale, suivi de la BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive), de la coagulation sanguine (test INR) et du diabète.
Prendre la relève.
« Aujourd’hui 50 % des médecins ne veulent pas être généralistes et plus de 99 % ne veulent pas être tout seuls à la campagne, dans un village de 3 000 habitants, à exercer 12 heures par jour. Ils vont plus volontiers vers le système des MSP, où le manque des uns est compensé par d’autres. La permanence des soins est ainsi assurée. Attention néanmoins ! Nous ne sommes pas habitués à travailler ensemble et toute anicroche peut être une cause de divorce. Il faut se mettre d’accord sur le secrétariat, les locaux, la peinture… Avant même une coopération dans le travail, il faut se mettre d’accord sur quantité de sujets », insiste Philippe Bismuth, qui connaît déjà ce type de travail en groupe par son activité de médecin réserviste au service des armées. Les médecins ne sont pas les seuls à s’inquiéter face à cette nouvelle façon d’exercer. Selon le Dr Bismuth, les infirmières, qui ont souvent choisi le statut libéral pour échapper à la fonction de « sous-fifres des médecins », craignent de voir réapparaître ce schéma.
Les différences de statut inhérentes à chaque profession ont aussi un impact sur l’occupation de l’espace. Ainsi, le pharmacien, l’opticien et l’audioprothésiste sont propriétaires de leurs locaux et sont tous situés au rez-de-chaussée la MSP. Tous les autres professionnels sont locataires de leur cabinet et chacun a sa propre salle d’attente, ils sont situés au premier étage. Le 2e et le 3e étages sont occupés par des logements sociaux et pourront éventuellement être utilisés pour agrandir la maison de santé si le besoin s’en ressent d’ici à quelques années. La commune a trouvé le territoire pour l’implantation de la MSP, ainsi que l’opérateur immobilier pour porter ce projet. L’intercommunalité a participé en achetant le terrain. « C’est l’émergence d’un pôle structurant et d’un nouveau quartier car il n’y avait quasiment rien à cet endroit. La mairie a fait un gros investissement en refaisant le carrefour, l’électricité et l’assainissement. Sans ce projet, on verrait les professionnels de santé partir progressivement à la retraite sans être remplacés. Au lieu de cela, on compte de nouveaux médecins, dont une femme généraliste, ce qui manquait sur la commune, ainsi que deux orthophonistes, un orthoptiste, davantage de kinés, etc. Chaque médecin est maître de stage et s’engage à accueillir des étudiants stagiaires. On a bon espoir que parmi eux, certains aient envie de prendre la relève », remarque Alain Genthon, le maire d’Anneyron. Un espoir partagé par Philippe Bismuth : « On a même un studio pour les loger à nos frais. Sur la masse d’étudiants qui va venir, il y en a bien un qui va vouloir rester ! »
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