n BRUNO MÉTAIRIE (Cofisanté) :
Développer la part de l’honoraire
« Cette journée contribue à faire découvrir la réalité du monde officinal et permet à ceux qui en doutaient encore de prendre conscience que nombre d’officines sont aujourd’hui confrontées à de sérieuses difficultés économiques. Les données chiffrées qui ont été présentées apportent un éclairage particulièrement intéressant, à l’heure où les pharmaciens vont devoir faire des choix cruciaux. Si chacun connaît aujourd’hui la direction à prendre, nul ne sait en effet précisément ce que sera le modèle économique de l’officine demain. Seule certitude : il faut développer autant que possible la part de l’honoraire, au risque d’entraîner dans le mur l’ensemble du réseau. Et cette conviction est encore renforcée par les dernières mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013, qui prévoit des baisses de prix et un contingentement des volumes. J’ai d’ailleurs été surpris par le nombre d’officine en difficulté. Je crains qu’elles ne soient beaucoup plus nombreuses que ce que l’on veut bien nous dire ! Et je pense que l’année à venir risque de nous réserver de bien mauvaises surprises. Autant de raisons pour que les nouvelles missions puissent se mettre en place le plus rapidement possible. C’est dans cette optique que, au sein de Cofisanté, nous invitons nos adhérents à s’engager dans la démarche qualité et que nous encourageons les équipes officinales à se former sur les pathologies et à la prise en charge des patients. »
n WILLY HODIN (PHR) :
Se préparer au changement
« Alors que le nouveau modèle économique de l’officine a été discuté et approuvé par l’ensemble des composantes de la profession, je suis très surpris que des divergences ressortent aujourd’hui entre les trois organisations syndicales. Et c’est d’autant moins compréhensible qu’il y a urgence à s’éloigner d’une rémunération basée sur les volumes et les prix. Les mesures du PLFSS laissent en effet augurer d’un avenir sombre. D’où la nécessité de s’engager dès que possible dans la voie de l’honoraire et de se donner les moyens d’assumer ces nouvelles missions. Aussi entendons-nous, au sein de PHR, préparer au mieux nos confrères en mettant à leur disposition des solutions appropriées d’aménagement de l’officine, en leur proposant des protocoles centrés sur certaines pathologies ou encore en développant des certifications de services pour évaluer la qualité des pratiques et l’efficience du service proposé. C’est dans la même perspective que des formations e-learning ont été organisées et continueront de l’être sur des domaines thérapeutiques, tels que l’asthme, le risque cardio-vasculaire ou encore le risque respiratoire. C’est enfin la même logique qui nous a conduits à créer un groupement d’intérêt économique (GIE) d’employeurs, dont l’objectif est de pallier les difficultés d’organisation des officinaux en mettant à leur disposition des compétences instantanément opérationnelles, telles que des diététiciennes ou des infirmières. À charge ensuite aux pharmaciens de se réorganiser et de former leurs équipes ! »
n CHRISTIAN GRENIER (Népenthès) :
L’officine est à un tournant
« Fidèle de la journée de l’économie, puisque j’en ai suivi douze sur les treize organisées, je dois reconnaître que l’édition 2012 restera dans les annales. À la qualité des débats, qui est une constante de ce rendez-vous, s’est ajoutée, cette année, une réelle réflexion sur l’avenir de la profession, avec tous les éléments clés. Ce n’est pas une surprise, puisque tous les représentants de la profession étaient présents. Mais le contexte a certainement contribué à ce que tous les sujets qui agitent aujourd’hui la pharmacie aient été abordés. Car l’officine est clairement à un tournant. Et, en l’occurrence, il n’y avait pas d’autre solution que de prendre le virage de l’honoraire. Car cette évolution positionne le pharmacien comme professionnel de santé, acteur de la distribution de soins. Encore faudrait-il mesurer l’impact financier de ces nouvelles missions car le bénéfice d’une vingtaine de patients sous anticoagulants ne rapportera pas mille euros par an et par officine. Sans oublier les effets collatéraux, et, en particulier, l’impact que ce milliard et demi dégagé de la dispensation aura sur la répartition… En clair, il me semble désormais urgent d’évaluer les conséquences économiques de cette mesure et, peut-être, d’envisager d’adapter le réseau en facilitant les regroupements et les transferts. En outre, j’aimerais que nos responsables évaluent le risque, à terme, de la mesure tiers payant contre génériques, qui risque de pénaliser les pharmaciens en limitant leurs marges de manœuvre. »
n PIERRE-FRANÇOIS CHARVILLAT (Forum Santé) :
Réfléchir à l’évolution de la structure professionnelle
« Il me semble que la santé publique et l’accessibilité aux soins de la population française sur l’ensemble du territoire ont été les deux grands absents de cette journée. Comme ils le sont d’ailleurs de l’ensemble des réflexions sur l’avenir de l’officine. J’en veux d’ailleurs pour preuve l’orientation des débats sur le PLFSS ! Seul l’impact économique est pris en compte ; alors même que ces mesures ne seront pas sans effets sur la santé publique. C’est d’autant plus regrettable que le service apporté par la profession est légitime et nécessaire. D’où l’obligation de lui donner les moyens économiques nécessaires, au risque de voir, sinon, tout un pan du système de santé s’écrouler. Et, aujourd’hui, je crains que nous ne soyons arrivés au bout de la logique économique. Il ne me semble pas possible d’aller plus loin, au nom de l’efficience, sans mettre en danger un certain nombre d’officines, et, donc, l’homogénéité du réseau. On constate une baisse croissante de motivation des officinaux avec, pour conséquence, l’absence d’attractivité de la profession. Il est par ailleurs urgent de réfléchir à l’évolution de la structure professionnelle pour lui permettre d’accueillir ces nouveaux services. En clair, une réflexion poussée doit être initiée sur l’entreprise officinale en termes de formation, de compétences et de gestion des ressources humaines. Or je crains que les pharmaciens ne disposent pas des moyens nécessaires pour assumer les nouvelles missions qui leur sont dévolues. D’où l’intérêt également de réfléchir à une restructuration du réseau avec d’éventuelles pharmacies succursalistes. »
n MICHEL QUATRESSOUS (Optipharm) :
Réussir le virage
« Il est évident que la voie de l’honoraire est la seule possible pour l’officine. Je regrette toutefois que la situation, telle qu’elle a été évoquée par les syndicats représentatifs, soit encore trop floue. En clair, il est désormais urgent que le protocole et les référentiels d’application soient publiés afin que nous puissions avancer concrètement. Car l’échéance de janvier est désormais très proche. Dans cette perspective, j’aurais aimé qu’un représentant de la CNAMTS soit présent à la Journée de l’économie. Il me semble par ailleurs difficile pour des pharmacies réalisant un petit chiffre d’affaires, et travaillant seules dans leur coin, de prendre le tournant que la profession est en train réaliser. Ma crainte n’est pas tant fondée sur une superficie a priori insuffisante, qui ne permettrait pas d’accueillir un espace de confidentialité, que sur un manque de volonté de ces confrères pour s’engager dans ces nouvelles missions. Car la taille de l’officine n’est pas forcément proportionnelle au chiffre d’affaires. Au sein d’Optipharm, nous entendons néanmoins procurer tous les moyens nécessaires à nos adhérents pour qu’ils réussissent ce virage des nouvelles missions. Dès que les protocoles seront publiés, des formations par e-learning seront ainsi proposées, tant sur les pathologies que sur la préparation à l’entretien. En outre, nous allons poursuivre notre démarche qualité afin que plus de la moitié de nos adhérents soient certifiés ou engagés dans un process de certification d’ici à la fin de l’année prochaine. »
n SERGE CARRIER (Pharmactiv) :
Des regroupements inéluctables
« Bien que les enjeux soient aujourd’hui connus, peu nombreux sont les acteurs qui peuvent prétendre mesurer tous les facteurs macroéconomiques. Cette journée de l’économie de l’officine n’en revêt que plus d’intérêt ! L’évolution de la marge de l’officine, la part de l’honoraire et l’ensemble des éléments de la convention ont ainsi pu être mieux compris au regard des véritables objectifs de ce texte. Et il est à la fois intéressant et surprenant de constater qu’aucun des acteurs ne l’analyse de la même manière. Les industriels n’ont, par exemple, pas encore réalisé que l’officine avait clairement basculé dans le secteur de la santé. Quant aux officinaux, ils n’ont pas encore intégré le fait qu’ils avaient signé un contrat avec l’État. Et un contrat comporte toujours des droits et des devoirs ! Le tout est de savoir si celui-ci n’intervient pas un peu tard, car je crains que le nombre d’officines en difficulté n’aille crescendo. D’autant qu’un fossé est en train de se creuser entre les différents types d’officines et en particulier entre celles qui, avec un seul pharmacien, réalisent moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires, et les autres. Or la mise en place des nouvelles missions va nécessiter un personnel plus ou moins important ; ce qui accroîtra les charges et viendra se surajouter au loyer souvent problématique en ville. À défaut de grain à moudre, la préservation d’un maillage cohérent va donc nécessiter qu’un certain nombre de regroupements soient mis en place. D’où l’urgence de voir le décret sur les SPFPL enfin sortir ! »
N JEAN-LUC TOMASINI (EUROPHARMACIE) :
L’HONORAIRE PHARMACEUTIQUE ME LAISSE SCEPTIQUE
« Je suis très surpris et de plus en plus inquiet que personne ne s’inquiète du niveau d’endettement des pharmacies françaises. Il est pourtant considérable. Et nombre de confrères reconnaissent aujourd’hui avoir du mal à rembourser leurs emprunts. Dans la mesure où le collectif ne peut être officiellement entendu, il me semble donc urgent que les syndicats s’emparent de ce dossier et alertent les pouvoirs publics du risque de voir disparaître une partie des officines. D’autant que je ne suis pas convaincu que cette situation de crise débouchera nécessairement sur des regroupements d’officines… Je préférerais donc que tout ce qui est en rapport avec la dispensation reste attaché à une marge commerciale. Je demeure par ailleurs sceptique sur l’honoraire pharmaceutique qui, à l’instar du forfait à la boîte, risque de ne jamais être réévalué. En tout état de cause, les nouvelles missions ne pourront être réellement mises en place que le jour où le pharmacien sera formé pour les assurer et qu’une évaluation de son action sera mise en place. À charge pour mes confrères, d’ici là, de s’investir dans la prévention. C’est dans cette optique qu’Europharmacie a mis en place, depuis le début de l’année, diverses actions de sensibilisation, directement inspirées de la loi HPST. Et nous comptons bien poursuivre cette démarche préventive et d’éducation thérapeutique tout au long de l’année prochaine. »
n PASCAL GEFFRAY (Evolupharm) :
La moitié des pharmacies françaises sont invendables
« Je suis très inquiet sur l’avenir du réseau officinal. Et encore plus, depuis la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le déplafonnement des cotisations sociales et la hausse des plus-values rendent en effet impossible la vente de la moitié des pharmacies françaises. Or les diverses mesures qui ont impacté la marge et le prix des médicaments ont déjà fortement fragilisé le réseau… En clair, les pharmaciens ne gagnent plus leur vie et ne peuvent même pas espérer récupérer une part de leur investissement au moment de la cession de leur officine. Je me pose donc aujourd’hui la question de la nécessité de poursuivre le combat ! D’autant que nos gouvernants semblent totalement déconnectés des réalités économiques, et, en particulier, de la démarche entrepreneuriale. Aussi ne serais-je pas surpris que nombre de confrères baissent les bras et ne s’investissent guère dans ces nouvelles missions. C’est d’autant plus regrettable que le groupement s’est donné les moyens de gagner ce pari en allant informer et former l’ensemble de ses membres. Je suis pourtant convaincu que la répartition démo-géographique, telle qu’elle existe aujourd’hui sur l’ensemble du territoire, est un atout considérable. Il faudrait juste que les pouvoirs publics en prennent conscience et acceptent de donner les moyens au réseau de jouer son rôle en allant bien au-delà de ces deux missions expérimentales. »
n PASCAL LOUIS (CNGPO) :
Ne pas rater le rendez-vous
« Je me réjouis que les problèmes économiques de l’officine aient été abordés sous l’angle des achats et du point de vue de l’entreprise pharmaceutique. Ce sont deux approches trop rares, alors même que les rôles d’acteur économique et de chef d’entreprise du pharmacien sont incontournables. Le nombre de pharmacies en difficulté me laisse d’ailleurs craindre un avenir sombre pour la profession. D’où l’intérêt de la convention qui a été signée avec l’assurance-maladie et qui devrait procurer un ballon d’oxygène aux confrères. À ce titre, l’incitation à la substitution des génériques, avec un taux de 85 % comme objectif, est particulièrement attractive. En outre, dans le cadre des nouvelles missions, l’accompagnement du patient présente un double avantage : il va permettre une indemnisation du pharmacien, à partir de rendez-vous pharmaceutiques, et contribuer à revaloriser les officinaux en les consacrant professionnels de santé. Pour ne pas rater ce rendez-vous, les groupements vont d’ailleurs expliquer à leurs adhérents l’intérêt de ces rendez-vous pharmaceutiques et leur donner les moyens de les réaliser dans de bonnes conditions. Seul bémol : il faut attendre que les protocoles soient définis par la CNAMTS et les syndicats. Bien que la baisse tendancielle du nombre d’unités vendues et la pression sur les prix posent clairement problème, je suis en revanche extrêmement dubitatif quant à transférer une partie de la marge commerciale en indemnité à la dispensation. Cette évolution n’est pas sans risque et mériterait de plus amples explications. Je m’interroge d’ailleurs sur le montant de l’enveloppe prévue par la CNAMTS pour la profession. »
n GILLES ALBERTI (Cooper) :
Trouver des relais de croissance
« Il est fondamental que l’ensemble de la profession – laboratoires pharmaceutiques, groupement de pharmaciens, grossistes répartiteurs, officinaux… – puissent se rencontrer pour échanger et confronter leurs points de vue. D’autant que le nouveau modèle économique de la pharmacie reste encore flou. Seule certitude : après trois années consécutives de baisse de leur marge, les officines doivent trouver de toute urgence des relais de croissance. Je reste néanmoins dubitatif à l’égard des solutions proposées ! Bien que la mise en place d’honoraires apporte une bouffée d’oxygène, je crains qu’elle ne suffise à sauver le réseau. Elle permettra sans doute d’arrêter l’hémorragie, mais guère plus. Il aurait sans doute été préférable de sauter le pas plus franchement pour compenser la baisse de marge. Je ne veux pas pour autant noircir le tableau à outrance ni sombrer dans le misérabilisme car, sur ses segments, la Cooper, qui rencontre régulièrement les quelque 22 000 officines, n’a pas constaté de dégradation du business. Il n’en faudrait pas moins que les pouvoirs publics acceptent de donner les moyens de développer le marché de l’automédication qui, aujourd’hui, ne progresse guère suffisamment. Il leur suffirait ainsi de lever les freins qui avaient été identifiés par le rapport d’Alain Coulomb et Alain Baumelou. Il faudrait, par exemple, créer un nouveau parcours de soins pour le consommateur en l’incitant à ne pas aller systématiquement voir son médecin pour des pathologies qui pourraient être prises en charge à l’officine. »
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