Originaire de la Thiérache, une région pauvre et agricole au nord de l'Aisne, Anne Thomas est pharmacienne à Arrest, un gros village à l'ouest de la Somme, autrefois très industriel, aujourd'hui entouré de grosses exploitations agricoles. De la Thiérache, elle se souvient de paysans morts d'un cancer, avant 65 ans. À Arrest, trois sur quatre de ses clients malades de Parkinson sont d'anciens agriculteurs. Alors, quand on lui a proposé d'adhérer, puis de prendre des responsabilités au sein de l'Association pour la promotion de l'environnement dans le Vimeu (APEV), elle a tout de suite dit oui.
« Serge Frété était un client, ancien forgeron d'un village voisin, et le président de l'APEV. Il est venu me demander de l'aide pour une exposition mycologique. Un confrère de Saint-Michel-en-Thiérache, Gérard Chanut, m'avait intéressée aux champignons, et je leur avais consacré ma thèse. On a fait une sortie en forêt d'Eu, une en forêt de Crécy, et on a identifié plus de cent vingt espèces. Et puis, Arrest se trouve près de Saint-Valery-sur-Somme, où Marcel Bon, qui a écrit des ouvrages de référence, était pharmacien. »
L'écologie est notre survie
L'APEV est un révélateur pour Anne Thomas. « L'écologie est notre survie, affirme-t-elle ; j'ai vu des agriculteurs passer leur vie à la détruire, en se disant que cela faisait partie des risques du métier ! Mais je ne comprends pas pourquoi, alors qu'on connaît les risques, on ne prend pas plus de précautions. La maladie de Parkinson est un cas flagrant chez les agriculteurs. Et le maire du village, ancien agriculteur, est mort d'un cancer à 63 ans. »
L'APEV, où elle milite, est une curieuse association. Son président, Serge Frété, précise que le P signifie promotion, l'association se bat « pour », et non pas « contre » quelque chose. Bien sûr, l'APEV s'est battue contre la création d'une décharge d'ordures ménagères à ciel ouvert, mais elle promeut les pommes, les pommiers, les vergers, un verger conservatoire. Elle a aussi obtenu de faire replanter des tilleuls le long d'une route. Elle recueille des plants d'arbres, les fait se développer, greffe les fruitiers, et les redistribue, en particulier aux communes. Plus de 7 000 arbres en une trentaine d'années. Chaque année, elle organise des journées expositions sur les champignons, les pommes, les abeilles, et présente métiers et savoir-faire.
Essayer de convaincre
Anne Thomas se dit « choquée » qu'on avance si peu en matière d'écologie, et que les agriculteurs continuent d'employer des produits qui les tuent. « Il faut parler d'écologie, essayer de convaincre, surtout les jeunes, déjà sensibles à la question. C'est un problème d'éducation et de moyens. Adhérer à une AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne, un abonnement à un panier hebdomadaire de légumes bio) coûte un peu plus cher parce que le maraîchage se perd, ce qui est regrettable. »
« Mais le rôle d'une association comme l'APEV est essentiel pour ne pas perdre les savoir-faire, pour sensibiliser les enfants, par exemple à l'alimentation, pour fédérer. Il faut toujours essayer de transmettre, assure la consœur, il y a une graine à semer. »
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