LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Pourquoi est-il urgent que le décret sur les SPFPL paraisse, plus de dix ans après l’adoption de la loi qui les a créées ?
THOMAS CROCHET.- Parce que le marché des transactions d’officines connaît une importante mutation. Alors que, traditionnellement, les cessions portaient majoritairement sur les fonds de commerce, elles portent désormais de plus en plus fréquemment sur des parts ou des actions de SEL. Cette mutation va d’ailleurs s’accélérer dans un futur proche, compte tenu de l’évolution des structures d’exercice. Or l’achat par un pharmacien de parts ou d’actions d’une SEL se réalise dans un contexte fiscal relativement épouvantable, puisque les intérêts d’emprunt ne sont déductibles qu’en partie et que le capital de l’emprunt est remboursé après que le titulaire a dû acquitter ses cotisations sociales personnelles ainsi que l’impôt sur le revenu. Pour couronner le tout, le législateur a supprimé, depuis le 1er janvier 2012, la réduction d’impôt afférente aux intérêts d’emprunt acquittés dans le cadre de la reprise d’une entreprise. Dans ce contexte, par ailleurs toujours marqué par un prix élevé des officines, il est devenu de plus en plus difficile de boucler le financement de l’acquisition de parts ou d’actions d’une SEL exploitant une officine. Les SPFPL, qui sont un outil juridique et fiscal de premier ordre pour réaliser une telle acquisition, deviennent, par conséquent, de plus en plus incontournables.
Comment expliquer le retard dans la rédaction et la parution du décret d’application ?
Une SPFPL est une société holding. À ce titre, elle peut jouer deux rôles principaux : constituer un outil juridique et fiscal d’acquisition de parts ou d’actions de SEL, comme nous l’évoquions à l’instant, mais aussi permettre de multiplier les prises de participation et, ainsi, constituer des regroupements d’officines. C’est, selon moi, ce second aspect qui pose problème - l’Ordre des pharmaciens et les syndicats n’étant, à ma connaissance, toujours pas parvenus à arrêter une position commune sur cette question - ainsi que celle très voisine de la dissociation des droits plus connue sous le nom « d’article 5-1 ». À cet égard, on peut regretter, d’une part, que l’État n’ait pas tranché les désaccords de la profession, et que, d’autre part, les parties intéressées n’aient pas écarté cette question en prévoyant que jusqu’à nouvel ordre une SPFPL ne pourrait détenir qu’une seule SEL, ce qui aurait évacué le problème – c’est d’ailleurs peu ou prou ce qui avait été voté dans le cadre de la proposition de loi Fourcade avant qu’elle ne soit invalidée par le Conseil Constitutionnel pour des questions de procédure.
Une évolution à court terme vous paraît-elle dès lors envisageable ?
Je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais je peux vous préciser que, aux côtés de l’Association nationale des sociétés d’exercice libéral (ANSEL), qui regroupe environ un millier de professionnels exerçant en SEL, nous nous sommes efforcés de faire avancer ce dossier sur le terrain judiciaire.
Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Nous avons tout d’abord tenté de constituer une SPFPL pour le compte d’un ophtalmologiste d’Ile-de-France sans attendre la parution du décret d’application, au motif qu’une loi est immédiatement applicable, même si ses textes d’application n’ont pas été édictés, sauf impossibilité manifeste. Nous nous sommes naturellement heurtés à une opposition du Conseil national de l’Ordre des médecins, qui a refusé d’inscrire la SPFPL au tableau. Un recours a été formé devant le Conseil d’État à l’encontre de ce refus. Parallèlement, nous avons avec l’ANSEL saisi le Conseil d’État d’une demande tendant à la condamnation du Premier ministre à édicter sous astreinte les décrets d’application relatifs aux SPFPL. Édicter les textes d’application des lois est en effet une obligation qui pèse sur le gouvernement et qui peut faire l’objet d’une condamnation sous astreinte si un délai important s’est écoulé depuis le vote de la loi. C’est le cas en l’espèce puisque, comme vous le rappeliez, il excède maintenant dix ans.
Dans quel délai le Conseil d’État rendra-t-il sa décision et quelles sont les chances de succès ?
Nous avons saisi le Conseil d’État au mois de mai 2011. La décision sera donc a priori rendue avant l’été. Quant aux chances de succès, elles sont tout à fait significatives, ce type de procédure étant somme toute relativement classique. En excluant les questions de procédure, il me semble que deux solutions s’offrent au Conseil d’État. Il peut condamner le Premier ministre à édicter les décrets d’application – dont celui des pharmaciens -, en principe dans un délai de six mois à compter de la décision. Il peut, au contraire, décider que la loi relative aux SPFPL se suffit à elle-même et que les décrets d’application ne sont, par conséquent, pas absolument nécessaires. Dans cette seconde hypothèse, des SPFPL pourraient être créées dès que la décision du Conseil d’État aura été rendue, même si à n’en pas douter l’absence de décret soulèverait quelques difficultés pratiques, au moins dans les premiers temps. Quoi qu’il en soit, les choses devraient évoluer très rapidement.
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