Phénomène national, voire mondial, la pénurie de personnel touche de plein fouet de nombreuses branches. Et l’officine n'y échappe pas. Le recrutement est devenu un enjeu vital pour les titulaires confrontés à des collaborateurs démissionnaires et des candidats de plus en plus rares et exigeants. À la frontière suisse, une officine a été contrainte de fermer deux semaines faute de personnels. Autre exemple, des adjoints débutants qui s’arrachent sur le marché de l’emploi à un coefficient 700.
Et si, finalement, la meilleure solution à cette pénurie de personnels était de tout mettre en œuvre pour conserver ses collaborateurs ? Plusieurs leviers existent pour convaincre les salariés, convoités par la concurrence, de rester au sein de l’officine.
Même si, pour maintenir l’équipe en place, une politique salariale correspondant à l’investissement des salariés reste incontournable. Afin d’étudier une revalorisation des salaires après une hausse du point de 3 % en mars, une réunion de la CPPNI* s’est tenue le 7 juin. « Nous avons abordé ce nouveau round de négociations avec détermination, rappelant que les augmentations successives du SMIC ont « écrasé » la grille des salaires et que l’inflation atteignait 5,2 % fin mai », argumente Olivier Clarhaut, secrétaire général adjoint du syndicat Pharmacie LABM FO.
Aménager le planning
Autre évolution attendue, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) devrait, selon les prévisions du gouvernement, pérenniser et multiplier par trois la prime « Macron » initialement fixée à 1 000 euros par salarié, voire 2 000 euros en cas d'intéressement. À condition toutefois que le parti présidentiel obtienne la majorité à l'Assemblée nationale… Il s’agit d’un outil conjoncturel mis en œuvre par l’État pour répondre à la fois aux tensions sur le marché de l’emploi et à la baisse du pouvoir d’achat. Mais ce ne sont pas les seules incitations financières. L’intéressement et, avec lui, le plan d’épargne entreprise en sont une autre forme (voir ci-dessous).
Toutefois, avant même d’envisager ces leviers, un simple bilan de la qualité de vie au travail s’impose. Cette période post-Covid est en effet l’occasion de faire le point sur le fonctionnement de l’entreprise officinale. Pour Antoine Montant, avocat au barreau de Lyon et directeur du département conseil en droit social chez Fiducial, « il y a lieu de considérer si, après cette parenthèse, un retour à la normalité s’impose ou si une nouvelle normalité émerge au regard des enseignements de la crise sanitaire ». Ainsi, remarque Olivier Clarhaut, il est possible de répondre à la demande accrue des salariés qui souhaitent disposer de plus de temps libre pour eux et leurs proches en s’inspirant de modèles mis en place par les restaurateurs. « Plus de souplesse dans les horaires et des aménagements dans l’emploi du temps hebdomadaire permettant de libérer trois jours consécutifs renforce l’attractivité de l’officine. »
D’ailleurs, pour Jérôme Escojido, co-fondateur du groupement Médiprix, le critère principal de fidélisation n’est pas tant le niveau de rémunération que l’ambiance au travail. « C’est une erreur de penser que le salaire, ou encore l’emploi du temps, sont déterminants, c’est l’ambiance à l’officine qui les retient ! », affirme-t-il. C’est ainsi qu’il recourt à la cooptation des recrues par l’équipe officinale. « Ce sont les collaborateurs qui devront chaque jour travailler avec le candidat et le cas échéant pallier ses manquements s’ils ont fait une erreur de recrutement ! » Pour ajouter du lien dans l’équipe, Jérôme Escojido organise quatre fois par an des week-ends de team building. « Il ne s’agit pas d’événements sponsorisés par un labo mais d’une sortie en Espagne ou encore des soirées originales dans un ice-bar par exemple, que les collaborateurs choisissent eux-mêmes », décrit l’employeur de 12 salariées et dont la liste de candidats ne cesse de s’allonger. « Nous sommes, il est vrai, implantés à Montpellier », concède-t-il dans un sourire.
Comité d'entreprise externe
L’image de l’officine se doit d’être irréprochable, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. « Bien traiter un stagiaire va de soi. Dans le cas contraire, vous aurez dans les trois ou quatre années suivantes beaucoup de mal à recruter car les réseaux sociaux sont impitoyables avec la réputation », ajoute-t-il. De même, le départ d’un salarié se soigne autant que son arrivée. « Il ne s’agit pas tant d’instaurer un doute dans l’esprit du collaborateur qui souhaite nous quitter que de s’assurer qu’il gardera un bon souvenir et saura que la porte reste ouverte. »
Les salariés sont également sensibles aux « petits plus », les chèques cadeaux rétribuant les ventes de produits à la marque propre, voire des coups de pouce aux trajets domicile-travail sous forme de chèques carburants ou de vélos électriques. Daniel Buchinger, président du groupement Univers Pharmacie, a eu l'idée de regrouper l’ensemble de ces prestations sous la forme d’un CSE externalisé grâce à un partenariat avec la plateforme « La place des salariés ». Il s'agit du quatrième pilier instauré par le groupement pour renforcer la fidélisation des collaborateurs. « Après les challenges qui permettent de collecter l'équivalent d'un salaire net chaque année, la formation débouchant sur une montée en compétences, et enfin, il y a un an, la souscription à une nouvelle complémentaire santé proposant de meilleures couvertures aux salariés, en dentaire notamment », expose Daniel Buchinger, ajoutant « nos officines ne connaissent pratiquement pas de turn-over ».
* Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation.