C’est un scénario que pas même les groupements, pourtant nombreux à s'être engagés dans le déploiement de la téléconsultation, n’auraient imaginé. Il n’a fallu que deux mois pour que cette nouvelle forme de consultation médicale se taille une place dans le système de santé français. De quelques milliers par semaine avant le confinement, le nombre moyen hebdomadaire de téléconsultations a bondi pour atteindre près d’un million au plus fort de la crise sanitaire. L’assurance-maladie indique ainsi avoir remboursé 5,5 millions de téléconsultations entre mars et avril.
Certes, l’engouement est aujourd’hui retombé mais les téléconsultations constituent toujours 10 % des consultations médicales, contre 0,2 % avant l’épidémie. Preuve que la téléconsultation est devenue une solution incontournable dans notre système de soins durement éprouvé par le Covid, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 prévoit le prolongement de sa prise en charge à 100 %, instaurée pendant la crise sanitaire, jusqu'à fin 2021.
Les groupements, tout comme aucun autre acteur, n’avaient pu anticiper cette accélération. Et pour cause. Ils ont cependant su réagir rapidement et se saisir de cette opportunité pour amplifier un dispositif qu’ils avaient jusqu’alors paramétré pour les officines victimes de la désertification médicale, ou pour des pharmacies de typologies bien particulières, en zone touristique notamment. Envisagée jusqu’alors comme l’une des solutions digitales applicables à l’officine, la téléconsultation est désormais considérée comme l’une de principales portes d’entrée des services à l’officine (télésoins, livraison à domicile…). À tel point que, à la fin de l’été, la plupart des groupements annonçaient que le nombre de leurs adhérents pratiquant la téléconsultation doublerait d’ici au 31 décembre !
Levier de croissance
Les groupements mettent en place la téléconsultation dans le sillage des missions du pharmacien au service de la santé publique. Ils accompagnent ainsi une évolution sociétale, « une solution dans le sens de l'Histoire », comme le définit Raphaël Grosjean, PDG de Pharmodel. La crise Covid-19 a sans aucun doute contribué à accélérer la digitalisation du système de santé. « Elle a fait émerger un parcours de soins plus fluide et efficace, où le pharmacien doit jouer un rôle central », estime Gilles Unglik, directeur général opérationnel de Giropharm. De fait, la téléconsultation est appelée « à suivre le même chemin que la visioconférence ou le télétravail. Par conséquent, nous pensons que la demande va exploser dans les prochaines années », juge Alexis Bocahut, président de Pharmacyal, l'un des premiers groupements à avoir mis en place la téléconsultation en officine.
L'intérêt des groupements pour cette innovation se double également d’une préoccupation économique, la profitabilité de l’entreprise officinale étant, faut-il le rappeler, au cœur des missions des groupements. Facteur de fidélisation de la clientèle, et même d’augmentation de flux dans l’officine, ce service supplémentaire qu'est la téléconsultation est perçu aujourd’hui comme un potentiel levier de croissance de l’activité. Pourvu que le juste modèle économique soit identifié. Et c’est là tout le rôle des groupements que d’accompagner, voire de précéder, leurs adhérents dans cette quête de la « bonne » solution de téléconsultation.
En quête de solutions
Fabricants de cabines, bornes et autres dispositifs, opérateurs pléthoriques de plateforme de téléconsultations n’ont en effet pas attendu les effets inédits du confinement pour s’intéresser de près au marché officinal. Très convoités, les titulaires sont démarchés depuis plusieurs années à titre individuel. Il n'est pas rare que certains, n’ayant pu résister à l’appel de la technologie, se retrouvent aujourd’hui encore pieds et poings liés par le leasing à une technologie aussi onéreuse que superflue. Pionnière dans la téléconsultation, une pharmacienne de la région parisienne en a fait les frais. L'acteur de santé connectée avec lequel elle avait conclu un contrat était très performant à ses débuts, mais au fil du temps ses tarifs ont sensiblement augmenté, tandis que, proportionnellement, la qualité des prestations chutait.
« À moins d'être un expert, il est difficile pour un pharmacien de choisir parmi la pléthore d'acteurs de télémédecine. Nous en avons rencontré une dizaine, certains avec des degrés de maturité différents, d'autres tout récents dans le domaine de la pharmacie, à la conquête du marché. Et quelques-uns au modèle économique totalement éloigné du monde réel de la pharmacie », commente Hervé Jouves, président de Lafayette Conseil. « La force du groupement a été de faire gagner du temps à nos pharmaciens. Beaucoup d'acteurs que nous avons reçus étaient loin de répondre à notre cahier des charges réglementaires », poursuit-il.