- Je te revois en terminale, venir avec ta mère pour nous poser un tas de questions sur le métier de pharmacien. Et dans quelques mois, tu deviendras à ton tour pharmacienne, sourit Karine en feuilletant le livret de stage de sixième année.
Assise en face d’elle, Alice ne cache pas son plaisir :
- Je ne crois pas que j’aurais pu faire un autre métier. Je ne sais pas pourquoi j’ai toujours été attirée par votre travail, par l’ambiance de la pharmacie. On s’y sent en sécurité. Du moins, c’est ce que je ressentais quand j’étais petite.
- Tu travailles à la pharmacie depuis deux ans maintenant. L’avantage, c’est que tu connais par cœur le fonctionnement et l’organisation. Mais pendant ton stage, nous allons approfondir l’aspect entrepreneurial, le management, etc. Nous allons également creuser certaines missions, comme les entretiens d’accompagnement ou la gestion des stupéfiants. On fera un point par semaine. Nous faisions comme cela avec Théo, ça fonctionnait plutôt bien.
- C’est super.
- Si ce stage existe, c’est pour perfectionner l’apprentissage de l’activité officinale. Tu sais déjà beaucoup de choses, notamment au comptoir. Mais il y a encore beaucoup à apprendre. Moi-même, j’en apprends tous les jours. Donc à partir de maintenant, tu n’es plus l’étudiante qui vient aider les samedis. Tu es une étudiante stagiaire de sixième année. Je te considère même comme une interne en pharmacie d’officine. J’espère que ce statut sera un jour reconnu, poursuit Karine.
Dans le back-office, Emmanuel observe Maëlys. L’apprentie enregistre une commande de produits de soin pour la peau. Il se décide à lui parler, l’interrogeant sans détour :
- Maëlys, comment as-tu récupéré les produits Pierre de Posé que tu as offerts à tes amis de promo ? C’est très généreux de ta part, mais…
- Je les ai pas volés. Je jure.
- Nous le savons. Mais tu ne les as pas achetés non plus. Alors d’où viennent-ils ?
La jeune fille est embarrassée.
- Tu peux me parler franchement, je veux juste t’aider, continue Emmanuel, le regard fixé sur elle.
- Je les ai pris là, répond Maëlys en montrant du doigt un carton sur lequel est inscrit au marqueur rouge « périmés ». Franchement, c’est pas parce que c’est périmé que ce n’est plus bon à utiliser…
- Maëlys, il faut que je t’explique quelque chose : les périmés qu’on retire de la zone de vente sont repris par le laboratoire. Tu ne peux pas te servir toute seule, sans demander rien à personne.
- Les autres le font bien. Pourquoi pas moi ?
- Quels autres ?
- Je suis pas une balance moi, lance l’apprentie en se braquant définitivement.
Emmanuel n’insiste pas. Comme il le pensait, Maëlys n’est pas malhonnête ou malveillante. Elle manque juste de discernement, de réflexion et de maturité.
En fin de journée, le préparateur se décide à aborder le sujet avec les titulaires. Alors qu’il s’apprête à les rejoindre dans le bureau, il entend leur conversation :
- Pourquoi tu ne m’as jamais rien dit ? Enfin, J-C… tu te doutais bien que ces méthodes n’étaient pas normales, s’énerve Karine.
- À l’époque, ça ne m’a pas choqué. Et puis c’était tentant. Un home cinéma, j’en rêvais…
- Et le labo te l’a payé.
- Je me suis fait avoir comme un bleu, j’admets.
(à suivre…)
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