Prolongée d'un an jusqu'à fin mars 2024, l'expérimentation du cannabis médical a exigé un nouvel appel d’offres pour la fourniture des différents produits. Mais l'huile de CBD pur, qui représente la plus grande partie des prescriptions, n'a pas trouvé preneur, obligeant les pouvoirs publics à lancer un second appel d’offres et à mettre en place des mesures de substitution. Un manque d'anticipation qui laisse désemparés médecins, pharmaciens et patients impliqués dans l'expérimentation.
Au premier jour de la troisième année d’expérimentation du cannabis médical, le manque d’anticipation des pouvoirs publics est criant. « Depuis le 27 mars, des pharmaciens reçoivent des messages de fournisseurs qui expliquent arrêter de les approvisionner », déplore Nicolas Authier, psychiatre au CHU de Montpellier et président du Comité scientifique temporaire (CST) de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dédié au suivi de l’expérimentation.
Deux formes galéniques sont utilisées dans cette expérimentation : les huiles par voie orale pour le traitement de fond, qui représentent 95 % des prescriptions ; et les fleurs séchées à inhaler par vaporisation, utiles pour obtenir un effet très rapide. Pour assurer l’approvisionnement, un appel d’offres spécifique a permis de réunir des binômes fournisseur-distributeur qui se sont engagés à fournir gratuitement les volumes de produits nécessaires pendant deux ans. Avec la prolongation, un nouvel appel d’offres a été lancé, mais un lot n'a pas trouvé preneur : l'huile de CBD pur 50 mg/ml. Le binôme qui le fournissait jusque-là, Little Green Pharma et Intsec Chimos, n'a pas souhaité signer pour une année supplémentaire.
Or toute primoprescription de cannabis médical se fait avec l’huile de CBD pur, non seulement pour juger l’effet du CBD seul, mais aussi pour introduire le THC progressivement si nécessaire. Informée d’un problème d’approvisionnement sur l’huile de CBD pure, l’ANSM a diffusé fin mars des mesures de substitution, notamment son remplacement par de l’huile à 20 mg/ml de CBD et 1 mg/ml de THC pour toutes les initiations de traitement et, dans la mesure du possible, chez les patients traités par CBD seul. En cas de rupture sèche, il est possible de prescrire Epidyolex dans l’épilepsie réfractaire. Mais… le transfert de la plupart des prescriptions sur l'huile de 20 mg/ml de CBD et 1 mg/ml de THC, également fournie par Little Green Pharma et Intsec Chimos, entraîne une rupture sur ce produit.
Pour Nicolas Authier, la situation devient intenable puisque la seule solution est alors de proposer à l’ensemble des patients une huile à ratio équilibré entre THC et CBD. Ludovic Rachou, président de l'Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC) se veut néanmoins rassurant. « Un seul lot n'a pas trouvé de fournisseur lors du premier appel d’offres, ouvert du 29 janvier au 24 février : l'huile de CBD pur à 50 mg. C'est pourquoi un second appel d’offres a été lancé spécifiquement sur ce lot début avril, dont le but est de pouvoir assurer les premières livraisons fin mai. En revanche, le premier appel d’offres a permis de trouver un fournisseur pour l'huile au ratio 1:20 en THC-CBD. Les ruptures évoquées ces derniers jours sont dues au report des prescriptions de l'huile de CBD pur vers ce produit, mais l'approvisionnement devrait rapidement reprendre son cours normal. »
En attendant, le risque est grand de voir des patients et des professionnels de santé quitter l’expérimentation. À se demander si la volonté de la France d’autoriser le cannabis médical ne s’est pas émoussée au fil des années. Au sortir ce matin d'une réunion avec la DGS et le CST cannabis médical, le président de l'UIVEC reste optimiste. « La DGS a acté le fait que le cannabis médical nécessite la création d'un statut ad hoc, ce qui introduit la notion de remboursement avec, certainement, un parcours classique passant par la Haute Autorité de santé (HAS) et le Comité économique des produits de santé (CEPS). »
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