« Des chiffres et des lettres », c’est par cette métaphore en référence au célèbre jeu télévisé que Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a présenté l’avenant économique à la convention pharmaceutique lors du Congrès national des pharmaciens qui s’est tenu à Deauville, les 8 et 9 juin. Le président de la FSPF se déclare satisfait tant sur le texte que sur les chiffres supérieurs aux niveaux actuels. Pour l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), en revanche, toujours pour filer la métaphore, « le compte n’est pas bon ».
Revalorisations des honoraires, des gardes et des entretiens, soutien aux pharmacies en territoires fragiles et substitution des hybrides et des biosimilaires, ces grands axes de négociations font certes l’unanimité au sein des deux syndicats. Cependant, l’enveloppe dégagée par l’assurance-maladie reste la principale pomme de discorde entre la FSPF et l’USPO. Bien que cette enveloppe soit insuffisante, la Fédération préfère des avancées timides à une stagnation de la rémunération pendant deux ans. La même enveloppe est jugée délétère, selon l’USPO, qui prédit suppression d’emplois (entre 18 000 et 22 000) au sein du réseau et même disparitions accélérées d’officines. Car, insiste Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, c’est la première fois dans une convention que l’enveloppe tient compte du tendanciel. Comprendre l’intégration des évolutions naturelles de la rémunération liée aux prix mais surtout aux volumes. « Par conséquent, l’enveloppe ne comprend pas uniquement des revalorisations et nouvelles missions mais aussi ce que nous aurions perçu de toute façon. Travailler plus pour ne pas gagner plus », résume en quelque sorte le président de l’USPO. Et d’ajouter : « L’effort financier consenti par la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM) se limite à seulement 220 millions d’euros cumulés… à l’horizon 2027, dont la moitié est issue de nouvelles missions ! »
Nouveaux entretiens
Les syndicats ont cependant obtenu gain de cause sur plusieurs points, notamment sur une revalorisation de leur cœur de métier qu’est la dispensation. Ainsi, l’honoraire lié à l’ordonnance passe ainsi de 0,51 euro à 0,61 euro TTC en 2025, puis à 0,66 euro TTC en 2027 (sous réserve de la clause de revoyure à la mi-2026). Quant à l’honoraire lié à l’âge, il augmentera de 10 centimes au 1er janvier 2026 pour atteindre 1,68 euro TTC. « Ces augmentations d’honoraires devraient apporter au réseau 110 millions d’euros, soit l’équivalent de 5 500 euros par pharmacie », précise Pierre-Olivier Variot.
Les syndicats ont obtenu gain de cause sur plusieurs points, notamment sur une revalorisation de leur cœur de métier qu’est la dispensation
Les pharmaciens voient également une nouvelle reconnaissance de leurs compétences : les entretiens destinés à l’accompagnement, dès la deuxième délivrance, des patients sous antalgiques de palier II, dits entretiens opioïdes, seront rémunérés 5 euros. Sur les 5,8 millions de patients concernés, 5 % pourraient être ciblés. Les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication (BPM) seront désormais payés à l’acte, avec revalorisation, notamment pour les BPM (+ 5 euros à + 10 euros TTC en 2025), en lien avec la mise en application d’une consultation longue de « déprescription » par le médecin traitant.
Annoncés à grand renfort médiatique, les TROD angine et cystite figurent en bonne position de cette convention à hauteur de 10 euros (au lieu de 6 euros actuellement sous ordonnances conditionnelles). À l’exception de l’accès direct (lorsque le patient se présente sans ordonnance à l’officine) et d’un test positif nécessitant la délivrance d’un antibiotique rémunéré 15 euros.
15 euros semble être le chiffre magique de cet avenant puisque c’est également cette somme que percevront les pharmaciens par vaccination, enfin… à partir du 1er avril 2027 (paiement à l’acte 7,50 euros ainsi que 7,50 euros pour l’honoraire). Jusqu’à cette date, afin de soutenir la montée en puissance de la vaccination à l’officine, le dispositif suivant a été convenu : en 2024, les pharmaciens percevront 3 euros supplémentaires par vaccination (rémunérée 9,60 euros) si le nombre de vaccins prescrits et injectés dépasse de 5 % celui de l’année dernière. En 2025, ce seuil passera à 15 % et en 2026 à 25 %.
Nouvelles ROSP et nuit profonde
L’avenant innove également en créant deux nouvelles rémunérations. Ainsi, une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) éco-responsabilité, pouvant aller de 200 euros à 600 euros, rémunérera tout titulaire qui aura fourni les efforts nécessaires pour se mettre en conformité avec un cahier des charges fourni. La lutte contre les fraudes, au cœur de la politique de la CNAM, est désormais incarnée par une ROSP, rétribuant 100 euros la connexion au dispositif ASAFO-PHARMA au moins une fois par semaine pendant 46 semaines.
Une nouvelle ROSP fait son apparition : 100 euros pour la substitution d’un hybride et d’un biosimilaire en 2024
2024 qui sera une année blanche au niveau conventionnel aura cependant son lot de consolation : des « ROSP exceptionnelles » versées après avoir réalisé au moins un entretien femme enceinte (50 euros), un TROD angine (50 euros), un entretien pharmaceutique ou un bilan partagé de médication (400 euros), ou après avoir aménagé ses locaux pour effectuer le TROD cystite (100 euros). Si le nombre de kits de dépistage du cancer colorectal remis en 2024 excède de 10 % celui de l’année 2023, 250 euros seront perçus. Une nouvelle ROSP fait son apparition : 100 euros pour la substitution d’un hybride et d’un biosimilaire en 2024. Pour 2025, le montant de la ROSP lié à la pénétration des médicaments génériques intégrera les hybrides et les biosimilaires et l’enveloppe passera de 10… à 12 millions d’euros. Ce dernier volet, la substitution des hybrides et des biosimilaires constitue sans aucun doute l’une des principales avancées de cet avenant conventionnel. Et reste la plus discutée puisque liée à la parution de plusieurs textes et au Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 (voir ci-dessous). Et par conséquent au bon vouloir des futurs parlementaires ! (voir page 8)
Les syndicats sont également parvenus à avancer sur un dossier qui leur tenait à cœur, celui de la revalorisation des gardes et même de la création d’une majoration de la nuit profonde (minuit à 6 heures). L’indemnité d’astreinte passe de 190 euros à 200 euros. L’honoraire à l’ordonnance délivrée entre 20 heures à minuit et de 6 heures à 8 heures est fixé à 10 heures (contre 8 euros actuellement). L’honoraire de la nuit profonde bénéficie de la plus forte revalorisation : il passe de 8 euros à 20 euros. La délivrance d’une ordonnance un dimanche ou un jour férié entre 8 heures et 20 heures sera honorée de 6 euros par ordonnance (contre 5 euros aujourd’hui), la délivrance d’une ordonnance en jour ouvrable en dehors des heures d’ouverture, reste majorée à 2 euros.
Un souhait est par ailleurs de restreindre la dispensation de produits aux médicaments remboursables et remboursés, précise Philippe Besset, annonçant que des travaux réuniront les syndicats, l’Ordre et le ministère de la Santé sur ce sujet. Parallèlement, une expérimentation en cours en Bretagne pourrait être source d’inspiration à ce nouveau dispositif.
Des aides aux pharmacies « essentielles »
Enfin, c’est sans doute la mesure la plus symbolique d’un avenant qui tient compte des difficultés économiques du réseau : l’assurance-maladie va dégager une enveloppe de 20 millions d’euros pour garantir le maillage officinal et à travers lui l’accès aux soins. Le principe de ce nouveau dispositif est simple : il s’agit de fournir un soutien financier aux officines en difficulté situées en territoires fragiles. C’est-à-dire de la marge supplémentaire, résume Philippe Besset qui fait le parallèle avec « le mode de financement des hôpitaux de proximité qui perçoivent une enveloppe en complément de la T2A. »
D’un montant maximal de 20 000 euros, renouvelable trois fois, cette aide annuelle sera accordée à toute officine répondant aux critères d’éligibilité suivants : enregistrer un chiffre d’affaires déclaré à l’ARS inférieur à 1 million d’euros, être la seule pharmacie dans la commune et surtout être implantée dans l’un des territoires dits « fragiles », dont le zonage doit cependant être défini par décret.
On l’aura compris, tant sur ce dernier volet que sur celui de la substitution des biosimilaires, les applications découleront de la parution de textes. Mais quand ?
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