Le Quotidien du pharmacien.- D’après notre étude, les médecins se montrent peu enthousiastes pour le partage de compétences. Seule la vaccination grippe ou Covid accordée aux infirmiers ont reçu leur assentiment. Cela vous surprend-il ?
Fabrice Camaioni.- Pas vraiment. Les professionnels de santé qui ont pris la peine de répondre peuvent penser qu’on déshabille l’un pour habiller l’autre. C’est d’autant plus flagrant pour le médecin, qui refuse la quasi-totalité des missions partagées. Même le droit de substitution générique ; 22 ans après sa mise en place, à peine la moitié des médecins la tolèrent ! Bref, encore aujourd’hui, chaque profession de santé reste arc-boutée sur des positions anciennes : les infirmiers vaccinent, les pharmaciens délivrent le médicament, etc.
Regrettez-vous ce manque d’entrain ?
Oui. C’est dommage, car le partage de compétences est judicieux quand on en a besoin sur le terrain, notamment en cas de désertification médicale. Car quand il manque des médecins, les patients, eux sont toujours là…
De plus, ce partage de compétences n’a pas pour objectif de faire plaisir à un professionnel de santé, mais de répondre à un besoin de santé. Par exemple, si l’on a octroyé le droit de vacciner contre la grippe aux pharmaciens, c’est pour tenter d’augmenter une couverture vaccinale très insuffisante. Idem pour la crise sanitaire du Covid. Les autorités de santé ont eu besoin des pharmaciens et leur ont confié de nombreuses missions… qu’ils ont d’ailleurs très bien rempli. Par la même occasion, le pharmacien a redoré son image, en devenant pour la population le professionnel de santé de premier recours.
Faut-il aller loin, confier d’autres missions aux pharmaciens ?
Ce sera à nos tutelles - la DGS, la DGOS -, d’en décider. Mais déjà, on voit que l’offre est insuffisante dans certaines situations, comme le dépistage du cancer colorectal. En effet, seulement 26 % des personnes qui y sont invitées par courrier le font réellement. Le pharmacien pourrait avoir un rôle complémentaire à jouer pour améliorer ces taux, dans le cadre d'une mission de dépistage du cancer colorectal. Nous commençons à en discuter avec l’assurance-maladie. Bien d’autres missions pourraient être proposées : il suffit de s’inspirer du Québec.
Peu de pharmaciens se sont lancés dans l’interprofessionnalité (34,9 %) même si beaucoup (77,7 %) estiment qu’elle est une bonne évolution. Pourquoi ce différentiel ?
Déjà on ne décide pas d’être en exercice coordonné. Pour ce faire, il faut être plusieurs. Et notamment s'appuyer sur des médecins. Or tant que l’exercice coordonné sera basé sur la présence obligatoire de médecins, ce sera difficile. De plus, créer une CPTS, une MSP, c'est long, compliqué, démotivant. C’est pourquoi je milite pour un autre type d’exercice coordonné : l’ESCAP ou Équipe de soins coordonnée autour du patient. Ce projet a reçu un accueil favorable de l’assurance-maladie. À la différence des exercices coordonnés type MSP ou CPTS, le critère de base dans l’ESCAP n’est pas le territoire mais le patient. Et il n’y a pas de projet de santé avec l’ESCAP. Une simple grille d’inclusion va permettre au professionnel de santé de voir si le patient doit bénéficier de la coordination. Parmi ces critères, on retrouve l’âge, le nombre de professionnels de santé intervenant autour du patient, les pathologies associées, le nombre de médicaments pris, la continence, etc. Ensuite, on réunit autour de ce patient tous les professionnels de santé dont il a besoin : son médecin, son kiné, son infirmière, son pharmacien… Les membres de l'équipe ainsi créée communiqueront ensuite via une messagerie sécurisée. Avec l’ESCAP, c’est très simple : on ne fait que coordonner le travail de tous les jours. Alors que les structures de coopération interprofessionnelle (MSP, CPTS, équipes de soins primaires) demandent beaucoup d’efforts pour passer des paroles aux actes.
* Président de la commission Métier à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et vice-président de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS).
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