Une analyse de l'ensemble de la littérature scientifique parue sur le sujet, publiée par une équipe de chercheurs britanniques, met en doute la base biochimique de la dépression, plus particulièrement l’hypothèse d’une carence en sérotonine.
La dépression est-elle associée ou causée par des concentrations réduites de sérotonine ? Des chercheurs de l’University College London (UCL) se sont penchés sur cette question, analysant pas moins de 361 publications. Cinq domaines ont été explorés, sérotonine et 5-HIAA, récepteurs de la sérotonine, transporteur de la sérotonine (SERT), déplétion de la sérotonine et interactions entre sérotonine et expressions génétiques. Les résultats publiés dans la revue « Molecular Psychiatry » sont pour le moins troublants car ils battent en brèche la théorie du déséquilibre chimique, plus particulièrement du déficit en sérotonine, à l’origine de la dépression. Et démontent par là même le mécanisme d’action des antidépresseurs, la plupart étant des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).
« Aucune preuve convaincante n’a pu être apportée que la dépression est causée par des anomalies de la sérotonine », affirme l’équipe britannique. Les scientifiques appuient leurs conclusions sur deux constats. D’une part, la plupart des études n'ont pu apporter aucune preuve d'une réduction de l'activité de la sérotonine chez les personnes souffrant de dépression par rapport aux personnes exemptes de cette pathologie. D’autre part, les méthodes visant à réduire la disponibilité de la sérotonine en utilisant la déplétion en tryptophane n'abaissent pas systématiquement l'humeur des volontaires. Enfin, les études génétiques fiables excluent une association entre les génotypes liés au système sérotoninergique et la dépression.
Certes, conviennent les chercheurs britanniques, certaines études portant sur les récepteurs de la sérotonine 5-HT1A et les niveaux de SERT émettent l’hypothèse d’une possible association entre l'activité accrue de la sérotonine et la dépression. Pour autant, un recours antérieur à des antidépresseurs et ses effets sur le système sérotoninergique pourraient constituer un biais. A contrario, une étude révèle que l'utilisation prolongée d'antidépresseurs peut être associée à une réduction de la sérotonine plasmatique. « Il est possible que les preuves de réductions de la densité de SERT et des récepteurs 5-HT1A dans certaines des revues d'études d'imagerie puissent refléter des adaptations compensatoires aux effets hyposérotoninergiques de l'utilisation antérieure d'antidépresseurs », suggèrent les auteurs. Ainsi, les antidépresseurs pourraient produire des changements compensatoires opposés à leurs effets aigus. Cette observation est corroborée par des études animales qui ont également démontré une diminution de la disponibilité de la sérotonine après un traitement sous antidépresseur prolongé. Un effet paradoxal en quelque sorte mais qui ne doit, en aucun cas, inciter les patients à interrompre leur traitement sans avis médical.
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