Le Quotidien du pharmacien.-Comme le démontre votre dernière étude, un pharmacien débourse en moyenne environ 25 000 € par an pour son loyer professionnel, avec une différence marquée entre l’officine rurale et celle située en ville. On peut noter que sur les 498 officines de notre panel, 487 sont locataires de leurs murs. Est-ce à dire qu’être propriétaire n’a pas d’intérêt lorsque l’on est pharmacien ?
Philippe Becker.- Il faut considérer que la plupart des officines du panel louent les murs professionnels à une société civile immobilière (SCI) dont le titulaire est l’unique ou principal associé. Ce type de montage, qui est courant, donne une perception de la réalité qui n’est pas la bonne : les pharmaciens sont majoritairement locataires d’eux-mêmes !
C’est donc un conseil que vous leur donnez : devenez propriétaire de vos murs !
Christian Nouvel.- Disons plutôt que c’est un investissement qu’il faut envisager en fonction de différents critères : le local doit être situé au bon endroit et il doit être aménageable pour une meilleure offre de service. Par ailleurs, le pharmacien doit être en capacité de rembourser un emprunt supplémentaire et surtout ce local doit être à vendre ! Aujourd’hui, c’est une stratégie tant professionnelle que patrimoniale.
Qu’entendez-vous par stratégie professionnelle dans ce cas précis ?
Philippe Becker.- Il s’agit de prendre en compte l’organisation du local pharmaceutique avec la perspective d’évolution marquée vers une pharmacie de services qui demande une adaptation forte des locaux pour répondre au déroulement technique de tous les actes : vaccinations, télémédecine… Aujourd’hui, la structure de base d’une pharmacie est orientée sur la délivrance et la vente en rayon, mais globalement, dès qu’il s’agit de s’isoler avec un patient pour un simple vaccin, cela devient vite compliqué. Lorsque l’on est locataire, dès que l'on veut effectuer des travaux d’une certaine ampleur, il faut en demander l’autorisation au bailleur qui fait parfois preuve de mauvaise volonté et qui en profite pour monnayer son accord contre une augmentation de loyer. De plus, toutes les améliorations apportées lui reviendront en fin de bail sans indemnité pour le titulaire locataire. Être propriétaire c’est s’acheter de la liberté pour avoir de l’ambition !
Quel en est l’intérêt sur le plan patrimonial ?
Christian Nouvel.- Il s’agit là de se constituer un capital ou un complément de retraite pour le futur. Il faut être lucide, les niveaux de retraite ne pourront mécaniquement pas se maintenir ! Nombre de nos clients font ce constat et comprennent que l’immobilier est l’une des facettes de la démarche pour s’en sortir financièrement lorsqu’ils auront cédé leur pharmacie. Beaucoup d’ailleurs constatent amèrement que la valeur que l’on peut retirer de la vente d’une officine est loin du niveau d’il y a 20 ans. Cependant, la première chose est d’acheter sa résidence principale car c’est aujourd’hui le socle de base qui bénéficie d’un régime fiscal favorable en ce qui concerne la plus-value de revente, l’achat des murs de l’officine pouvant intervenir en numéro 2 quand cela est possible.
Philippe Becker.- N’oublions pas que le niveau des taux d’intérêt est historiquement bas, ce qui signifie que chaque échéance est composée de capital, donc d’une épargne forcée. Au-delà de ce constat conjoncturel, il n’est pas inutile de rappeler que l’investissement immobilier représente un gage de la solidité et de la stabilité d’une entreprise – c’est un peu la quille du bateau…
Vous avez mentionné que les pharmaciens utilisent majoritairement la société civile immobilière (SCI) pour l’achat des murs de l’officine. Quelle en est la raison ?
Christian Nouvel.- Des raisons fiscales les incitent à faire ce choix : une fiscalité plus douce en cas de revente à moyen ou long terme comparée à l’achat en direct par la pharmacie. Cela permet aussi d'éviter une indivision en cas de pluralité de co-titulaires : chacun d’eux sera associé et pourra plus librement sortir à la fois de la société de pharmacie et de la SCI.
Comment sont imposés les revenus tirés de la SCI ?
Philippe Becker.- Il y a deux choix : de plein droit, la SCI est imposée selon les règles des revenus fonciers, ou sur option, la SCI peut être soumise à l’Impôt sur les sociétés. La décision ne peut être prise qu’au travers d’une étude approfondie portant sur la fiscalité du pharmacien titulaire, du montant des investissements et d’une potentielle plus-value à terme ; à cela j’ajoute bien entendu les modalités du financement envisagé et les objectifs du pharmacien. Dans la majorité des cas, il faut le souligner, le choix se porte sur le revenu foncier.
Dans le cadre d’une SCI, est-il possible d’avoir comme associé son conjoint et/ou ses enfants ?
Christian Nouvel.- Oui, bien sûr, le caractère civil de la société le permet. On mettra néanmoins quelques réserves si les enfants sont mineurs et on prendra l’attache d’un avocat ou d’un notaire dans ce cas. Dans le cadre d’une SCI, il sera possible de donner en plusieurs fois des parts sociales avec ou sans démembrement et ainsi de bénéficier plusieurs fois de l’abattement de 100 000 € applicable aux donations parents/enfants. Il va de soi que ce type d’opération suppose une bonne entente familiale et une volonté de partager équitablement en cas de pluralité d’héritiers.
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