Peut-on comparer des groupements de pharmaciens comme on compare des assurances, des banques, voire comme des produits de consommation ? Les pratiques de deux comparateurs en ligne récemment apparus sur le Net interrogent les acteurs de la profession.
Des pharmaciens, mais aussi des dirigeants de groupements, ont été approchés par deux sociétés, DK digital, spécialisée dans les enseignes lumineuses et éditrice du site meilleurgroupement.com, et CMG net, société d’informatique, qui a mis en ligne le comparateur choisirmongroupement.com. Toutes deux promettent aux pharmaciens de les aider à trouver le groupement qui leur correspond. Les deux sites les recensent de manière très exhaustive sous forme d’annuaire ; l’un redirige après une courte présentation vers le site du groupement, l’autre se contente d’une simple liste, de nombreux logos sont absents, idem pour la plupart des présentations.
Meilleurgroupement.com opère en deux temps : collecte en ligne via un formulaire des données de l’officine (tranches de CA, surface de vente, nombre de titulaires et le nom du groupement auquel la pharmacie est affiliée puis profil du groupement idéal souhaité). Une fois le dossier complété, le pharmacien reçoit en réponse un classement des acteurs répondant potentiellement à ses attentes. Sollicité à plusieurs reprises, le directeur de la publication n’a pas souhaité répondre au « Quotidien du pharmacien ». Pour Christophe Hirth, responsable du comparateur Choisirmongroupement.com, il s’agit de répondre à une problématique rencontrée par les pharmaciens : trouver un groupement. Son équipe, dit-il, « a identifié ce besoin il y a quelques mois, ainsi que l’absence d’outil fiable et indépendant ». Depuis la rentrée, le site intensifie ses recueils de témoignages et ses notations. Chaque pharmacien - directement sur le site ou démarché au téléphone par une centrale d’appels - est invité, après avoir décliné ses données, à noter son groupement de 1 à 5. Des avis « certifiés par des consultants » qui serviront à orienter les choix des autres pharmaciens, promet le site. Un tripadvisor des groupements en quelque sorte, ironise un observateur.
Un besoin de certification
Car ces collectes de données laissent dubitatif les acteurs de la profession. D’aucun craignant que ces sites n’aient pour vocation d’absorber les données. Quoi qu'il en soit, leur business model interpelle. Contacté par l’un de ces sites, Laurent Filoche, président du groupement Pharmacorp et de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), observe que ces sociétés « essaient de vendre aux groupements des « prospects » qualifiés à un prix exorbitant pour un abonnement de 5 000 euros par mois ». Il est, de plus, sceptique sur l'intérêt de ce service pour les pharmaciens, ces comparateurs ne pouvant récupérer les conditions commerciales des groupements. Comme lui, la plupart des dirigeants de groupement mettent en doute la pertinence du concept. Hervé Jouve a été contacté par l’un d’eux qui lui a proposé de payer pour figurer à l’annuaire. « Le comparateur n’est pas une méthode appropriée au marché pour recruter des adhérents » estime le président de Lafayette Conseils, qui a par ailleurs mis en garde ses adhérents contre ces pratiques. « Le groupement c’est du B to B, renchérit Cyril Tétart, président de Pharmacyal et de l’association française des pharmacies en ligne (Afpel), il faut passer plusieurs mois, voire un an, pour approfondir sa connaissance d’un groupement, ses conditions commerciales, les laboratoires partenaires, la centrale d’achat, etc. » « Ça ne se compare pas comme le prix d’un produit sur un comparateur B to C. Un groupement, c’est comme la conciergerie d’un hôtel cinq étoiles. Il va aider le pharmacien dans son métier de tous les jours, il va lui trouver des masques, du gel hydroalcooliques… Et cela ne se voit pas en quelques clics ! », s'insurge-t-il.
Loin du monde virtuel, les groupements continuent de miser sur le réseau informel et la proximité pour recruter leurs adhérents. En témoigne David Abenhaim, président de PharmaBest, qui plaide pour une approche à taille humaine : « Le comparateur n'est pas un bon outil, nous, nous prenons l’avion ou notre voiture pour rencontrer les titulaires, sur leur point de vente. » Pierre-Alexandre Mouret, directeur des opérations et de la stratégie chez Pharmavie, a une analyse plus différenciée du phénomène. Les comparateurs auraient, selon lui, toute leur place comme appui dans la stratégie de recrutement d’un groupement, « ils feraient gagner en efficacité les équipes commerciales. À condition toutefois, que ces comparateurs soient certifiés ISO ». Ce qui n’est visiblement pas le cas de ces deux sites. Or rien ne garantit aujourd'hui, déplorent les groupements, que les 10 prospects qui leur sont promis au bout d’un an à raison d'un abonnement mensuel de 1 500 euros, soient réellement qualifiés. C’est également le constat que fait Alain Berthaud, qui éditera prochainement la 13e édition de l’Observatoire des groupements : « Le concept de comparateur répond à un besoin de l’écosystème de la pharmacie. Mais la configuration des sites actuellement en ligne est trop sommaire. »
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