Le Quotidien du pharmacien.- Quel regard portez-vous sur les groupes de pairs sur les réseaux sociaux comme Pigeons Pharmaciens, Pharmaction, PharmacyLounge ?
Hélène Decourteix.- Exercer la profession de pharmacien d’officine est un exercice solitaire. Ces groupes, parfois impulsés par les groupements qui endossent ce rôle-là via des canaux de discussion inter pharmacies, reflètent une volonté d’échanger avec des pairs sur des problématiques aussi variées que peut être l’exercice de la pharmacie.
Quelles sont leurs limites ?
Ces groupes les plus historiques sont sur Facebook, un réseau qui a fêté ses 20 ans. Ainsi, ils réunissent essentiellement des pharmaciens plus âgés (près de 60 % des Facebookers ont plus de 35 ans). Les jeunes étudiants vont-ils échanger sur de tels groupes sur Facebook ? Je n’en suis pas sûre. Ils fonctionnent plutôt avec des boucles WhatsApp, sur lesquels on rentre en étant cooptés. La limite à ce réseau du groupe Meta est que l'on ne peut pas faire une recherche sur WhatsApp dans le but de trouver un tel groupe et de l’intégrer.
Certains des groupes ne sont pas uniquement composés de pharmaciens : est-ce une limite du système, selon vous ?
Les membres sont acceptés selon le bon vouloir des modérateurs, selon leurs critères de sélection. Il y a forcément un biais du fait du créateur et des éventuels modérateurs. C’est la même chose concernant les sujets traités, la ligne éditoriale, la façon dont on peut se répondre… Ces groupes sont assez spécifiques à la pharmacie où se pratiquent beaucoup le corporatisme et la cooptation. Cela contribue peut-être à l’effet pervers beaucoup décrié sur les réseaux sociaux, celui de l’entre-soi. On peut facilement s’y monter la tête sur un sujet en particulier.
Cela dit, on n’est pas sur LinkedIn, plus réputé pour le BtoB ?
Là, les réseaux sociaux sont un peu détournés vers des usages professionnels. Mais il y a peu de pharmaciens sur X (ex-Twitter). Quant à LinkedIn, y sont actifs, par leur prise de parole, surtout des présidents de groupements, de syndicats et quelques titulaires portant des engagements politiques. À ma connaissance, il n’y a pas de communauté de pharmaciens animée au sein de ce réseau social. C’est pour cela que PharmacyLounge s’est créé. C’est un Facebook copylike. Or le modèle économique des réseaux sociaux repose sur de la publicité.
Y a-t-il d’autres modèles ?
D’autres acteurs comme les plateformes de recrutement - 24/7Services, Team Officine… (N.D.L.R. aussi sur LinkedIn et Instagram, en libre accès sans groupe)- créent une communauté et tâchent de l’animer. Or pour créer une communauté pour un pharmacien dont la moyenne d’âge est de 47 ans, il faut être sur le réseau social de prédilection de cette tranche d’âge : Facebook. (…) Avec le renouvellement de la profession, d’autres usages vont se créer. On voit déjà que WhatsApp se développe et cela reste sur Meta. Tout cela montre que face à une profession qui peine à attirer les jeunes générations, les usages restent encore hypercalqués sur des usages déjà dépassés selon les nouvelles générations.
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