Le Quotidien du Pharmacien.- Selon votre récente étude, quelle est la situation actuelle des pharmacies en matière de chiffre d'affaires et de marges ?
Bertrand Cadillon.- Les pharmacies de notre panel ont vu leur chiffre d'affaires progresser en 2023 par rapport aux années précédentes de 3,9 %. Toutefois, cette hausse s'accompagne d'une diminution de la marge brute en euros de 5 %, principalement en raison de la fin des prestations liées au COVID et de l'augmentation de la part des médicaments coûteux dans les ventes. Les chiffres montrent également que les pharmacies en centre commercial génèrent en moyenne un chiffre d'affaires plus élevé (3, 674 millions d’euros) par rapport aux officines urbaines (2, 226 millions d’euros) et rurales (1, 883 million d’euros), mais avec des marges brutes similaires autour de 29 % du CA HT.
Quelles sont les principales charges d’exploitation qui affectent la rentabilité brute les pharmacies ?
Les charges de personnel représentent une part significative des dépenses des pharmacies, ayant augmenté de plus de 12 % en 2023. Cette augmentation est due à la forte hausse des salaires dans un contexte de réelle difficulté de recrutement. On note également un renforcement de l’effectif moyen avec une moyenne de 5,1 employés par officine. Les charges externes, telles que les locations immobilières et autres dépenses, subissent les effets de l’inflation impactant également l'excédent brut d'exploitation.
Comment la trésorerie des pharmacies a-t-elle évolué ?
La trésorerie des pharmacies a diminué de 15 % en moyenne par rapport à l'année précédente ce qui souligne l'importance de maîtriser les coûts d'exploitation et la rotation des stocks. Les officinaux doivent ainsi veiller à optimiser leur gestion financière pour éviter des problèmes de liquidités, notamment en ajustant la durée de rotation des marchandises. La problématique des médicaments en rupture ne leur simplifie pas la tâche !
Quelles différences observe-t-on entre les pharmacies selon leur localisation ?
Les pharmacies situées en centre commercial continuent de bénéficier d'un avantage économique significatif en ce qui concerne leur chiffre d'affaires moyen avec comme corollaire une meilleure capacité à rémunérer les associés exploitants Cela étant précisé, les officines rurales et urbaines, bien que moins performantes dans leur activité globale, montrent une maîtrise des coûts plus marquée, notamment grâce à des charges externes en moyenne moins élevées. Par ailleurs, les officines rurales affichent une durée de rotation des marchandises plus courte, ce qui indique une plus grande facilité à faire tourner leurs stocks.
Quels sont les défis spécifiques rencontrés par les pharmacies en milieu rural ?
De manière générale, les pharmacies rurales font face à des défis spécifiques, notamment en matière de volume d’activité et de typologie de clientèle. Notre étude montre que le nombre de passages clients par an est généralement inférieur à celui des pharmacies urbaines et en centre commercial mais le panier est plus important (46 euros contre 44,60 euros en moyenne). Les officines rurales doivent souvent gérer des marges plus faibles sur les ventes comptoir du fait de la prédominance de l’activité ordonnance. Ce contexte nécessite donc une gestion stricte des coûts pour rester rentable. Le principal défi est, nous le savons tous, la désertification médicale qui handicape beaucoup d’officines de petits bourgs en rendant leur exploitation non viable. Le texte paru récemment sur les territoires fragiles pourrait apporter une bouffée d’oxygène à ces pharmacies mais cette mesure sera-t-elle suffisante sur le long terme ?
Dans une situation économique moins favorable, quels sont, selon vous, les leviers sur lesquels agir pour maintenir la rentabilité et stabiliser la trésorerie.
Pour améliorer leur rentabilité, les pharmacies doivent se concentrer sur plusieurs leviers : premièrement l’optimisation des coûts en maîtrisant les charges externes et en gérant finement les frais de personnel. La crise sanitaire a créé des situations d’urgence inédites sur lesquelles il fallait agir. Désormais il faut que les titulaires retrouvent une part de sang-froid et regardent avec l’aide de leur cabinet comptable leur marge de manœuvre avant de prendre des décisions qui ont un impact sur le long terme, comme une embauche.
En deuxième lieu, gagner du temps et accroître la productivité avec l’apport des technologiques numériques devient une obligation vitale ! Selon les cas, ce sera adopter des solutions comme la robotisation ou par exemple la mise en place d’étiquettes électroniques.
La troisième piste est la diversification des services en offrant et proposant des missions complémentaires désormais accordées aux pharmaciens. Même si c’est un long chemin, cet engagement permettra de fidéliser les clients et d’augmenter le panier moyen tout en donnant une autre image de l’officine.
Comment voyez-vous 2024 pour les pharmacies françaises ?
2024 sera une année de transition avec la mise en œuvre d’une nouvelle convention. L’activité en France dépendra largement de la capacité des officinaux à s'adapter aux évolutions des nouvelles missions et aux attentes des clients dans un contexte où la question du pouvoir d’achat est centrale. Les tendances actuelles montrent une forte augmentation de la part des médicaments chers et donc une nécessité accrue de services personnalisés. Les pharmacies devront aussi investir dans la formation de leur personnel, et adopter des technologies avancées. On ne peut conclure sans s’inquiéter sur les incertitudes politiques qui rendent difficilement visibles les contours de la prochaine Loi de Financement de la Sécurité Sociale.
*https://fiducial-newsroom.prgloo.com/resources/dgspq-v7zlv-gaba1-w9dxg-…
L’association, un mode d’exercice qui monte
Si la majorité des pharmacies de l’étude (65%) sont exploitées de manière individuelle, que ce soit en nom propre (11%) ou par l’intermédiaire de structures de type SELURL (36 %) ou EURL (13 %), voire SELASU (5%), l’association se renforce d’année en année. Cette diversification des modes d'exercice reflète une adaptation des pharmaciens aux contraintes économiques, légales et aussi fiscales, leur permettant de choisir la structure juridique la plus appropriée à leur situation. La SEL (Société d’Exercice Libérale) est la forme qui rencontre le plus de succès aujourd’hui.
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