UN IMPORTANT TRAFIC de Subutex a été démantelé en 2007 en Île-de-France. Trente-deux mises en examen ont été effectuées dont sept concernent des médecins et treize des pharmaciens. L’instruction de cette affaire s’est achevée au printemps dernier. Elle est actuellement devant la justice et le tribunal correctionnel de Paris devrait rendre son verdict prochainement. Ce trafic consistait à établir de fausses ordonnances, à partir de vols ou avec l’aide de complices, qui étaient ensuite délivrées en pharmacie au moyen d’attestations de CMU complémentaire ou d’AME offrant une prise en charge à 100 %. « Il représente un préjudice important pour l’Assurance-maladie », selon Pierre Albertini, directeur coordonnateur de la gestion du risque pour l’Assurance-maladie d’Île-de-France. D’où la volonté de contrôler le mieux possible les traitements de substitution à l’héroïne, tout en en préservant la souplesse de prescription qui permet à quelque 100 000 personnes de bénéficier d’une prise en charge par l’Assurance-maladie en France, dont 14 000 pour la seule région parisienne.
Un risque sous-estimé.
Les pharmaciens représentent un maillon clé dans la lutte contre ces trafics. Le Subutex fait l’objet d’une réglementation spécifique pour sa dispensation qui engage la responsabilité pénale, disciplinaire et civile des officinaux. Seule, bien sûr, une très faible proportion de la profession se trouve impliquée dans ces affaires. D’où la vigilance accordée à l’information. Car, à côté des trafics organisés par des bandes, où là on est dans le domaine de la grande délinquance, certains pharmaciens font simplement preuve de légèreté en vendant du Subutex à partir de fausses ordonnances. « Un certain nombre d’entre eux sous-estiment le risque qu’ils prennent, note ainsi le Dr Bernard Schmitt, directeur régional du Service Médical, ils ne doivent pas délivrer de Subutex dès lors que l’ordonnance paraît douteuse. Beaucoup d’entre elles sont volées ou falsifiées, et il existe différentes techniques d’analyse permettant de les identifier. De telles ordonnances sont par exemple souvent raturées ou surchargées. »
Par ailleurs, l’Assurance-maladie veille à signaler le comportement nomade d’un patient aux médecins et aux pharmaciens lui ayant prescrit ou délivrés des traitements de substitution aux opiacés (TSO). « Nous avons ainsi adressé 800 courriers cette année aux professionnels de santé de la région, ajoute le Dr Bernard Schmitt. Dans les cas de patients avec une prescription de Subutex qui ne sont pas connus du pharmacien, il convient de contacter le médecin prescripteur. » Autant de précautions à prendre pour éviter de mauvaises surprises.
L’Assurance-maladie a d’autres ressources pour lutter contre ces trafics de Subutex. À commencer par un accès régional aux bases de données des caisses locales, qui permet d’avoir une vision francilienne de la consommation des usagers. Un outil important car la surveillance de la prescription, de la consommation et de la délivrance de Subutex, ou de Méthadone, permet parfois de repérer des comportements atypiques et de détecter des trafics potentiels. Dans toutes les situations, l’Assurance-maladie est « rigoureuse dans les preuves qu’elle apporte », précise Pierre Albertini. Un travail exigeant face à un trafic difficile à évaluer. L’affaire qui est actuellement devant la justice n’est que la partie visible de l’iceberg.
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