Alors que les groupements réunis au sein de l'UDGPO dénoncent depuis plus de quatre ans les plateformes de vente de médicaments (ou market places), l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne estime que les règles françaises régissant le commerce électronique de médicaments ne sont en rien discriminatoires puisque protégeant la santé publique.
Un litige oppose depuis 2019 l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO) aux market places, et plus précisément à la plateforme Doctipharma. Et il pourrait se conclure prochainement en faveur de la profession. En effet, l'UDGPO avait intenté un procès à cette filiale de DocMorris au motif qu'elle assurait des transactions financières pour le compte de pharmacies répertoriées. Un modus operandi qui se résume à celui d'un courtier numérique en médicaments.
Alors que les groupements avaient gagné en première instance, le jugement en appel leur avait été défavorable, puis finalement cassé en cassation, avant de retourner en appel. La cour d'appel de Paris s'en était finalement remise à l'Europe en posant une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cet imbroglio judiciaire devrait enfin connaître son dénouement. En attendant un arrêt de la CJUE à l'automne, un premier obstacle vient en effet d'être franchi. L'avocat général de la CJUE - dont la position est fréquemment suivie par les juges de cette autorité suprême - a reconnu la validité des règles françaises en matière de santé publique. « Plusieurs raisons impérieuses d’intérêt général relevant de la protection de la santé publique justifient une restriction à la libre prestation de services, parmi lesquelles la prévention contre l’utilisation irrationnelle et excessive de médicaments non soumis à prescription. »
En un mot, s'il laisse le soin à la cour d’appel de Paris d’examiner si l’interdiction d’un courtage numérique est nécessaire à la protection de la santé publique, l'avocat général rappelle que les États membres peuvent prendre des mesures préventives pour protéger la santé publique, et que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité européen. Or, comme l'avaient dénoncé l'UDGPO puis la Cour de cassation qu'elle avait saisie, Doctipharma (aujourd'hui DocMorris) agit en qualité de « courtier numérique » en médicaments, sans pouvoir justifier de sa qualité de pharmacien. La Cour de cassation, par arrêt du 19 juin 2019, a également rappelé « qu’il est interdit aux pharmaciens, de recevoir des commandes de ces mêmes produits par l’entremise habituelle de courtier ou d’intermédiaire » (articles L 5125-25 alinéa 2 et L 5125-26 du code de la santé).
L'UDGPO salue ces conclusions de l'avocat général et se déclare optimiste quant à la teneur de l'arrêt définitif de la CJUE. Muni de celui-ci, l'État français pourra alors faire valoir les règles françaises devant la cour d'appel de Paris, et par là même sa position, identique à celle de l'UDGPO. Comme l'a souvent alerté Laurent Filoche, président de l'UDGPO, l'enjeu est de taille. Car si les market places sont autorisées, c'est l'ouverture du marché à des acteurs comme Amazon et dans son sillage, tout un écosystème qui s'implantera : la téléconsultation, l'e-prescription, l'e-pharmacie…
Retrouvez ce sujet dans le journal du jeudi 7 septembre 2023.
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