Le 8 mai, l’hebdomadaire dominical « Welt am Sonntag », a publié un dossier à charge particulièrement virulent sur certains « arrangements » passés entre des pharmaciens, des médecins et des patients : s’appuyant sur deux affaires actuellement en cours d’instruction, l’une à Francfort et l’autre à Potsdam, le journal s’est lancé dans des extrapolations un peu hasardeuses sur la « malhonnêteté » des pharmaciens.
Selon certains experts cités dans l’article, ils parviendraient à « détourner » plusieurs dizaines, voire des centaines de millions d’euros par an à l’assurance-maladie. Les méthodes seraient comparables à celles des affaires de Francfort et de Potsdam.
Dans la première, un pharmacien marron, de mèche avec un coursier effectuant des livraisons de médicaments à domicile, remplaçait des médicaments onéreux par des génériques bon marché, mais facturait les princeps et se partageait la différence avec le coursier. Dans la seconde affaire, un pharmacien proposait à certains patients de leur « racheter » leur ordonnance contre de l’argent liquide… et encaissait à son profit les médicaments non délivrés.
Selon le journal, qui a interrogé l’association anti-corruption Transparency International, « beaucoup de médecins et de pharmaciens s’entendraient pour prescrire des médicaments chers qui ne seraient jamais délivrés », les deux professions se partageant alors les bénéfices, éventuellement avec la complicité de patients. Les ordonnances, toujours selon cet article, se négocieraient très facilement et circuleraient « comme de l’argent liquide » en lieu et place des médicaments.
Pour les pharmaciens, ulcérés par ces accusations collectives, les « moutons noirs » qui se livrent à de telles pratiques doivent bien entendu être sanctionnés, et le sont d’ailleurs sévèrement lorsqu’ils se font prendre, mais il est injuste et malhonnête de pratiquer des extrapolations invérifiables à l’ensemble de la profession.
Les quelques cas isolés révélés ces dernières années sont à comparer avec les 21 000 officines allemandes qui ont délivré l’an dernier pour 35 milliards d’euros de médicaments, dans le respect de la légalité et de la sécurité. De plus, les organisations professionnelles regrettent que l’auteure de l’article se soit contentée d’interroger des associations, des magistrats et des caisses de maladie, sans étudier d’un peu plus près les innombrables mécanismes de contrôle qui surveillent en permanence l’activité et la comptabilité des pharmaciens.
« Quand les caisses décèlent une erreur de 10 euros dans une comptabilité d’officine, elles n’hésitent pas à prendre de lourdes sanctions contre elle : croyez-vous vraiment que si nous passions notre temps à détourner des ordonnances, elles continueraient à les payer sans s’en apercevoir et sans broncher ? », ont relevé plusieurs pharmaciens lors des débats qui ont suivi la parution de l’article. Cela étant, pour l’Ordre comme pour le syndicat national des pharmaciens, « les coupables de tels agissements doivent être sévèrement punis et n’ont plus leur place au sein de notre profession ».
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