Fin 2015, le cas de Mme Ho, alias Mme Tran, a ébranlé la profession. Cette « consœur » installée au cœur de Paris, n’en était pas une. C’est une enquête diligentée par la CPAM pour des volumes de remboursements « hors normes », qui a permis de mettre la puce à l’oreille de l’agence régionale de santé (ARS), puis de révéler la supercherie. Cette « titulaire », qualifiée de coquette et de dynamique par la presse parisienne, exerçait sans aucun diplôme depuis au moins 2008.
Ce cas est extrême et il faut remonter plus d’une dizaine d’années en arrière pour trouver trace dans les chroniques judiciaires d’un pharmacien exerçant sous faux diplôme. Un titulaire du XVIIe arrondissement de Paris avait ainsi été informé par les policiers que son adjointe n’était pas plus pharmacienne qu’eux. Elle avait imité le diplôme de l’université de Châtenay-Malabry, grossièrement mais assez scrupuleusement en tout cas pour berner son employeur.
Vigilance et intransigeance
La profession n’est pas la seule à avoir ses faussaires. Faux infirmiers ou faux dentistes sont tôt ou tard confondus par une mauvaise maîtrise de leur art. En février, un faux médecin avait effectué sa première journée de travail aux urgences de l’hôpital de Chartres quand une enquête interne a mis fin à ses agissements. Les soupçons s’étaient rapidement confirmés, l’homme avait bel et bien usurpé l’identité et le titre d’un médecin de Bordeaux. Il y a sept ans, l’hôpital d’Arles avait été lui aussi victime d’un réseau de « faux médecins » tandis qu’un faux praticien français mettait en émoi la Roumanie et l’Italie du Nord.
« Notre profession est relativement épargnée par les faussaires. Nous le devons à la vigilance des pharmaciens et à celle de l’Ordre », confirme Jérôme Parésys-Barbier, président du Conseil central de la section D de l’Ordre (adjoints). Dès 2009, alors que cessent les contrôles a priori par le « certifié conforme » dans les mairies et les commissariats et a posteriori par les DDASS*, l’Ordre n’a plus qu’une copie du diplôme en main. Le rôle de l’instance est clair : si l’université fait le diplôme, l’Ordre fait le pharmacien. À lui, donc, d’attester de la qualité de pharmacien.
Dialogue européen
Contrairement aux idées reçues, si certains faux diplômes circulent dans la profession, ils ne proviennent pas nécessairement de l’étranger. Du reste, les demandes d’inscription à l’Ordre émanant de pharmaciens diplômés à l’étranger restent marginales dans le flux des enregistrements effectués chaque mois par les sections de l’Ordre, dont quelques milliers pour la section D.
« La question de l’authentification des diplômes de pharmaciens en provenance de l’Union européenne est assez simple à régler puisque nous disposons d’outils depuis les directives de 2005 et 2013 », explique Jérôme Parésys-Barbier. Ainsi, en cas de suspicion, l’Ordre peut dialoguer avec ses homologues européens via l’application IMIS (Internal market information system) sur la conformité du diplôme. Quant aux titres émis hors de l’Union européenne, c’est au ministère de la Santé de statuer. Sa décision est ensuite rendue publique au « Journal officiel ».
Difficile, donc, de passer à travers les mailles du filet. À moins, comme Mme Ho, de disposer d’un faussaire habile. La copie de son diplôme transmise à l’Ordre des pharmaciens mentionnait qu’il avait été délivré en 1997 par l’université Paris-V. Une faculté dont elle n’avait, bien entendu, jamais connu les bancs.
Cette catégorie d’escrocs est rare. Plus courants sont, selon le président de la section D, les cas de personnes exerçant non pas avec de faux diplômes, mais sans aucun diplôme, tels les étudiants en pharmacie qui n’ont pas encore soutenu leur thèse. Il s’agit de salariés exerçant à titre de pharmaciens adjoints qui ne vont finalement pas au bout de leur cursus universitaire. « Ils sont parfois embauchés sur leur bonne foi car ils affirment qu’ils vont terminer leurs études, ce qu’ils ne font pourtant jamais pour une raison ou une autre », décrit Jérôme Parésys-Barbier.
Un RPPS provisoire
Les titulaires doivent être très vigilants pour éviter ce type de situation (voir encadré). Comme pour les faux diplômes, ces personnes indélicates « devraient être bientôt confondues par les juridictions pénales saisies pour les cas identifiés par l’Institution », indique le président de la section D. Car l’Ordre a trouvé la parade. Il travaille actuellement à l’instauration d’un dispositif qui consiste à doter chaque étudiant, dès la troisième année, d’un numéro RPPS provisoire.
Cette extension de l’identification professionnelle au stade d’étudiant permettra ainsi une traçabilité tout au long de la carrière du pharmacien. « L’Ordre et la conférence des doyens travaillent de concert sur ce dossier qui nécessite encore des ajustements techniques », affirme le président de la section D, annonçant que le dispositif devrait être mis en œuvre prochainement.
En attentant, certaines facs communiquent déjà au fil de l’eau, la liste de leurs diplômés à l’Ordre. Car, en l’absence d’un recueil centralisé, ce flux d’informations est précieux pour sécuriser l’inscription des pharmaciens aux tableaux.
Grâce à ces deux initiatives, l’Ordre se positionne en précurseur dans la certification et le contrôle des diplômes. Il devance ainsi le ministère de l’Éducation nationale qui devrait mettre en place pour l’année scolaire 2016-2017 un système en ligne d’authentification nationale des diplômes. Une mesure indispensable quand on considère qu’un candidat sur deux déclare de fausses informations sur son CV, et qu’un sur trois s’attribue un faux diplôme**. Ce dispositif, unique en Europe, délivrera des attestations de diplômes certifiés pour l’ensemble des titres nationaux conférant un grade universitaire, soit 2,1 millions de diplômes par an.
**Résultats d’une étude réalisée en 2013 par le cabinet de recrutement Florian Mantione Institut.
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