UN PHARMACIEN sicilien, Davide Gullotta, possède une parapharmacie à Catane mais, n’étant pas titulaire d’une véritable officine, n’a pas le droit de vendre des médicaments du monopole, bien qu’il soit dûment diplômé. Considérant que cette interdiction est incompatible avec plusieurs principes du droit européen, il a porté plainte au nom de ces derniers devant le tribunal administratif de sa région, lequel, s’estimant incompétent, a transmis l’affaire à la Cour de Justice européenne de Luxembourg. Celle-ci a rappelé une nouvelle fois sa jurisprudence, constante depuis 2009, selon laquelle chaque État reste seul compétent pour organiser son système de santé, dès lors qu’il concourt à protéger la santé de ses citoyens. En l’occurrence, le fait que l’Italie impose des quotas de pharmacies vise, et ceci est vrai dans tous les autres pays ayant des quotas et des monopoles, à garantir une bonne distribution des prestations de santé, et ne peut donc, pour cette raison, être remis en cause par l’Europe.
Mais la Cour est allée plus loin que ce simple rappel. Haussant le ton, elle a considéré que le dossier venu de Sicile, à l’image d’un nombre croissant d’affaires qui lui sont transmises, pêchait par son manque de précision et son impréparation sur le plan juridique. La requête a donc été jugée irrecevable, le pharmacien plaignant et le tribunal régional étant ainsi renvoyés dos à dos.
Dans un langage moins diplomatique, la Cour de Justice manifeste son agacement devant l’augmentation d’affaires mal préparées qui lui parviennent, en dépit des « filtres » rigoureux qui limitent considérablement le nombre de dossiers susceptibles de lui être transmis. Elle prend des mesures pour éviter le risque d’engorgement, qui paralyse déjà l’autre grande juridiction européenne, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, où les délais d’attente sont de plus en plus longs. Un certain nombre de professionnels, dont des pharmaciens ou des entreprises pharmaceutiques, confrontés à des litiges de type commercial, tentent d’ailleurs régulièrement d’accéder à cette juridiction, en arguant d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Ces requêtes, lorsqu’elles aboutissent jusqu’à la Cour de Strasbourg, ce qui exceptionnel, sont en général jugées irrecevables.
Toutefois, les affaires de pharmacies transmises à la justice européenne ne devraient pas se tarir de sitôt, notamment à cause des procès lancés, en Allemagne, par les pharmacies virtuelles qui luttent pour le droit de vendre moins cher des médicaments prescrits, comme elles le font déjà pour les OTC. Débouté à maintes reprises par la justice allemande dans des affaires de ce type, la pharmacie Doc Morris va maintenant déposer un dossier devant la justice européenne, au motif que si les médicaments qu’elle importe depuis les Pays-Bas sont moins chers qu’en Allemagne, où elle les revend, elle doit pouvoir répercuter cette différence de prix au profit de ses clients, en dépit du prix unique du médicament en vigueur en Allemagne. Il sera dès lors intéressant de voir si la jurisprudence avancée par la Cour sera la même, ou si elle bottera en touche pour des raisons procédurales, un arrêt « révolutionnaire », favorable à Doc Morris, semblant en revanche assez improbable.
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