Les outils de lutte contre la fraude aux ordonnances ne font pas l’unanimité… Un système de déclaration de fausses prescriptions pour les médicaments chers (dont le prix est supérieur à 300 euros) a été mis en place, mais il est vivement critiqué par la profession, car jugé trop laborieux. Même sentence pour le dispositif ASAFO, un mécanisme d’alerte aux fausses ordonnances, pour l’heure uniquement accessible en Île-de-France. « On veut donc encore nous rajouter un nouvel outil, une contrainte de plus… », avait réagi, Valérian Ponsinet, président de la commission Convention et système d'information de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), dans le « Quotidien ».
La solution absolue ?
L’ordonnance numérique serait-elle la solution à tous ces problèmes ? Réclamée depuis longtemps par les professionnels, elle vise plusieurs objectifs, dont lutter contre la fraude. Son fonctionnement est relativement simple. Le prescripteur remplit l’ordonnance à partir d’un logiciel référencé Ségur. Les données de prescription sont envoyées vers Mon Espace Santé si le patient le souhaite, puis vers une base de données sécurisée de l’assurance-maladie. Un QR code renfermant une clé d’identification unique exécutable une seule fois, est remis au patient. Le pharmacien scanne le QR code à l’aide de son logiciel référencé Ségur. « Si ce qui s’affiche à l’écran ne correspond pas à ce qui est imprimé sur la prescription alors c’est un faux », explique Xavier Vitry, membre de la Délégation au Numérique en Santé (DNS).
Simple, claire et efficace, la prescription électronique n’est pourtant pas exempte de tout reproche. Déjà, la sécurité se fait aussi parfois au détriment de l’efficience. « Pour l’instant, c’est encore trop chronophage. Par exemple, un médecin donne une prescription avec un médicament A et B. Mais si le pharmacien décide de remplacer B par un générique, il devra le justifier et le mécanisme doit encore gagner en souplesse », confie Pierre-Olivier Variot, Président de l’USPO.
Un déploiement encore incomplet
En outre, le déploiement, s’il progresse, est encore lent ou plutôt inégal. Pour rappel, les prescripteurs et ceux qui exécutent les prescriptions devront se conformer à l'obligation de dématérialisation des ordonnances au plus tard le 31 décembre 2024. Du côté des pharmacies, les choses vont bon train puisque 11 LGO sont validés Ségur et 20 000 officines sont équipées pour traiter des ordonnances numériques.
Mais force est de constater que du côté des médecins, le déploiement est plus lent. Une douzaine de logiciels médicaux ont terminé leur pré-série et sont autorisés au déploiement. Mais seulement 10 000 médecins sur 226 000 ont réalisé une ordonnance numérique. Alors que les pouvoirs publics visent 70 % de délivrances sur la base d’ordonnances numériques en 2024. « Nous avons bonnes chances d’être prêts en 2025 pour les médecins », assure toutefois Xavier Vitry.
Se pose cependant la question de savoir si les médecins se saisiront pleinement de l’outil et si les autres prescripteurs concernés, comme les dentistes ou les paramédicaux, seront en capacité d’émettre ou d’exécuter des ordonnances dans les temps. « Ces exigences seront intégrées à la vague 2 Ségur, mais dépasseront largement les échéances du 31 décembre 2024 », reconnaît Xavier Vitry. Idem pour les professionnels habilités à émettre des ordonnances numériques dans les hôpitaux. « C’est un peu dommage quand on sait que les prescriptions issues de ces établissements sont la principale source de fraude, notamment pour ce qui concerne les produits chers », regrette Pierre-Olivier Variot. Selon le président de l’USPO, il y a fort à parier que des arrêtés seront pris pour repousser certaines échéances.
S’inspirer des voisins
L’Estonie est le premier État membre de l’Union européenne à être passé à 100 % de prescription numériques. Si le petit pays Balte est souvent présenté comme un modèle à suivre en matière de santé numérique, Xavier Vitry nuance. « Il ne faut pas oublier que l’Estonie (1,3 million d’habitants) et la France (66 millions d’habitants) sont deux pays très différents sur bien des aspects. La DNS est en permanence en contact avec ses homologues européens, oui nous inspirons, et prenons acte du travail réalisé chez eux, mais nous ne sommes pas à la même échelle de moyen, et s’il était question de déployer l’ordonnance numérique sur un département français, ça serait déjà fait.»
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