Ce trafic-là ne date pas d'hier. À la Pharmacie de la Ravinière à Osny (Val-d'Oise), la délivrance de Subutex sur la foi d'ordonnances suspectes a malheureusement cours depuis plus d'un an. À l'automne 2015, son titulaire, Pierre Aufranc, remarque que la demande en Subutex est en train de flamber « Nous sommes passés de 10 par mois à plusieurs dizaines, puis centaines de boîtes délivrées », confie-t-il au « Quotidien ». Le titulaire prévient alors la Sécurité sociale, puis la police. « Problème, les prescriptions semblent authentiques. Deux médecins de la ville ont bien déclaré le vol de blocs d'ordonnance à leur cabinet. Mais, pour l'un d'entre eux au moins, je soupçonne qu'il continue de prescrire sous la pression des patients, ce qui rend le problème presque insoluble », explique-t-il. Inquiet, Pierre Aufranc alerte même l'inspection de la pharmacie qui lui confirme le caractère légal de ses délivrances. Son grossiste, que les grandes quantités commandées interpellent, tire de son côté le signal d'alarme.
21 boîtes de Subutex dans son véhicule
Durant des mois, 4 ou 5 personnes se fournissent ainsi à la Pharmacie de la Ravinière et dans d'autres officines d'Osny, de Montigny, d'Eaubonne et de Pontoise sur présentation d'ordonnances apparemment insoupçonnables. « Ils présentent des prescriptions régulièrement et justifient leur prise en charge sociale au titre de l'AME ou de la CMU. Pas de carte Vitale, pas de dossier pharmaceutique, seules des attestations " papier " sont présentées. »
Pendant ce temps, la buprénorphine haut dosage se négocie en ville à 100 euros le comprimé. La police demande à Pierre Aufranc de continuer à honorer les demandes de Subutex. L'objectif est d'interpeller les trafiquants en flagrant délit. Au début du mois, une traque est donc mise en place dans la Pharmacie de la Ravinière. « Un policier était en planque à l'intérieur même de l'officine. Il y a un regard qui permet d'observer la surface client à partir de l'arrière-boutique », raconte Pierre Aufranc. Lundi 10 octobre vers 18 heures, un suspect est repéré au comptoir de l'officine. Il sera interpellé au volant de sa voiture quelques instants plus tard. Placé en garde à vue, l'homme, un SDF de 29 ans, reconnaît acheter du Subutex pour le revendre. Dans son véhicule, 21 boîtes du produit sont retrouvées.
Pour la pharmacie de Pierre Aufranc, cette arrestation ne signe malheureusement pas la fin des problèmes. Car les « faux patients Subutex » continuent leurs visites intéressées. « Je suis excédé par ces demandes. Si je continue, c'est uniquement pour aider la police à les arrêter. Quoi qu'il en soit, à partir du mois prochain, je contingenterai mon stock de Subutex et commencerai à refuser les délivrances », prévient le titulaire.
Durant le mois de septembre, son officine a délivré 619 boîtes du produit de substitution.
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