Depuis des mois, syndicats et groupements ne cessent de réclamer la possibilité de substituer un médicament biologique par un biosimilaire de référence. Bien que la loi de financement pour la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014 prévoie bien cette substitution par le pharmacien en initiation de traitement, les confrères n’y sont toujours pas officiellement autorisés en l’absence d’un décret d’application. Après 5 ans et demi d’attente, l’UDGPO a décidé de passer à l’action.
Déjà en décembre 2018, avec les autres représentants des groupements, des syndicats de titulaires, des associations d’étudiants et de pharmacie rurale, l’UDGPO avait signé un communiqué commun et demandait à être reçu par la ministre de la Santé pour présenter leurs arguments en faveur de la substitution biosimilaire « pleine et entière ». Sans résultat, l’UDGPO a choisi de déposer un recours devant le Conseil d’État début juin. « Nous demandons simplement la parution du décret d’application exigé par la LFSS 2014 permettant la substitution biosimilaire par le pharmacien en initiation de traitement », explique Laurent Filoche, à la tête de l’UDGPO. Il aimerait aller plus loin. Les connaissances des biosimilaires ont évolué ces dernières années et les doutes qui ont conduit à une extrême prudence dans la rédaction de la loi en 2013 sont désormais levés. « J’entends ceux qui pensent que notre action est un coup d’épée dans l’eau parce que ce décret est lié à une loi déjà obsolète. Mais plutôt que de ne rien faire, l’UDGPO fait le choix de l’action. La parution du décret est une première étape », ajoute Laurent Filoche, qui se dit confiant dans la décision du Conseil d’État, espérée dans un an. « Les biosimilaires doivent être substitués de la même façon en ville et à l’hôpital ! »
Judiciarisation
Selon des « bruits de couloir » non confirmés, un second recours pourrait être déposé en Conseil d'État. À cela s'ajoute le recours formé par Biogaran en mars dernier, pour contester les explications fournies par la Direction générale de la santé (DGS) à une question du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. Le laboratoire estime que la substitution biosimilaire est déjà possible, même en l'absence de décret.
Sans se prononcer sur les chances de réussites de ces recours, l’avocat Alexandre Regniault, du cabinet Simmons & Simmons, spécialiste du monde de la santé et du médicament, note que des jurisprudences récentes ont montré que le Conseil d’État pouvait contraindre le gouvernement. Ainsi un décret d’application lié à la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a fait l’objet d’un recours par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens en septembre 2016 et a donné lieu à une obligation pour l’État de faire paraître ce décret manquant d’ici au 15 juillet 2018. Défi presque relevé : le décret a été signé le 3 octobre et a paru au Journal officiel deux jours plus tard. « Dans un autre arrêt de 2014, le Conseil d’État a également introduit la notion de droit à réparation en cas de préjudice causé par le non-respect d’un délai raisonnable dans la publication d’un décret d’application », ajoute Alexandre Regniault.
Au-delà de ces recours, Me Regniault craint une judiciarisation de la santé, constatant qu’aujourd’hui « tout accident avec un médicament est considéré comme un scandale sanitaire ». S’il y a eu peu de contentieux à l’encontre des génériques, les princeps ayant le plus souvent déjà essuyé les plâtres sur la période d’exclusivité de leurs brevets, cela pourrait changer avec des demandeurs et leurs défenseurs « beaucoup plus sophistiqués, organisés, avec de réelles connaissances sur ce qu’est une AMM, la balance bénéfice-risque… » Et selon Alexandre Regniault, il n’est pas exclu, lorsque le biosimilaire aura trouvé sa place, que des actions ciblent « l’acte de substitution ou d’interchangeabilité, la prescription et la délivrance, mais aussi la décision d’inscrire un biosimilaire au répertoire et bien sûr la notion de bioéquivalence ».
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