DÉCIDÉMENT, la préparation des doses à administrer (PDA) peine à entrer dans les mœurs régulières de l’exercice officinal. En témoigne cette nouvelle affaire récemment jugée par le Conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France. Une titulaire des Yvelines était convoquée par ses pairs suite à la plainte déposée par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France. Une enquête menée dans l’officine de Mme K. par l’Inspection de la pharmacie, le 8 octobre 2009, y avait en effet mis en évidence un certain nombre d’infractions au code de la santé publique (CSP) : une pratique de la PDA en dépit de lourds travaux de réaménagement dans l’officine, l’absence de registre des préparations sous traitées, l’ouverture de l’officine jugée incompatible avec les exigences de qualité prévues par le CSP, une dotation en personnel insuffisante au regard de l’activité de l’officine… Au total, le rapporteur n’adressait pas moins de neuf reproches à la titulaire. Neuf, c’était aussi le nombre d’établissements (EHPAD et foyers de jeunes) que desservait jusqu’à il y a peu l’officine de Mme K.
Une défense de bonne foi.
Mais au-delà, le point le plus sensible de l’« accusation » tenait sans doute dans la création par Mme K. de la société Pharmadom - dont elle est cogérante -, censée promouvoir la mise sous pilulier hebdomadaire des traitements. Et surtout, la publicité qui en est faite sur un site internet dédié, notamment illustré par une photo de la préparatrice employée dans l’officine de Mme K. « Je ne savais pas que je n’avais pas le droit de gérer cette société en plus de mon officine. Cela dit, relativise la titulaire, je n’ai jamais réussi à vendre le service de Pharmadom à mes confrères. La société ne fait aucun bénéfice puisque son seul client est ma propre officine. Quant à la photo de ma préparatrice, elle n’était assortie d’aucune mention à mon officine. De même, qu’aucune mention du service Pharmadom n’est faite dans ma pharmacie. »
La pharmacienne se défend bien et n’aurait presque pas besoin d’avocat. Sur le fait que son officine est restée ouverte, malgré de lourds travaux de réagencement ? « Les conditions de préparation étaient certes plus délicates, mais je ne voulais pas sevrer mes patients du service que je leur accordais jusque-là. » Sur le nombre insuffisant de pharmaciens employés ? « Depuis l’inspection, j’ai embauché deux autres diplômés, chacun pour 30 heures par semaine. » Pourquoi remplir les étiquettes des préparations à la main ? « Parce que, j’en ai eu la preuve, l’impression informatisée est plus volontiers source d’erreurs », estime la titulaire. Quant à l’étonnante proportion évoquée dans le rapport d’inspection - 60 % du chiffre d’affaires de l’officine serait justifié par l’activité de fourniture aux EHPAD - c’est Me Lavillaine qui vient au secours de la pharmacienne : « Désormais, Mme K. ne sert plus que trois EHPAD, si réellement 60 % de son CA étaient liés à la seule activité de PDA, ma cliente serait aujourd’hui en train de déposer le bilan. »
Cherche convention désespérément.
Quant à la question très formelle de l’existence ou non d’une convention signée entre l’officine et les établissements, elle constitue le point le plus tangent de l’audience. « Pourquoi n’avez-vous signé qu’un seul contrat de collaboration parmi les 9 établissements que vous serviez ? », interrogent les conseillers ordinaux. « Parce que j’attendais, et j’attends toujours, la parution du décret fixant le modèle de la convention type pour la réalisation de la PDA », répond à juste titre Mme K. Et le président même du Conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France, Jean-Jacques Desmoutis, de reconnaître : « Cette convention type est en effet toujours en attente, et c’est bien ennuyeux. »
« Autrefois les pharmaciens offraient de la remise, moi j’ai voulu offrir du service, n’est-ce pas dans l’air du temps à l’heure de la loi HPST et des nouvelles missions ? » interroge enfin la titulaire.
Titulaire coupable de négligence, ou en avance sur son temps ? Dans ce débat tout en nuances, on ne s’étonne même pas lorsque le délibéré accouche d’un simple blâme.
Mais au-delà de ce cas particulier à bien des égards, cette affaire révèle surtout l’ambiguïté dont souffre encore l’activité de PDA dans les officines. Et la question se pose : en l’absence de texte définissant la convention type liant les officinaux aux EHPAD, peut-on encore reprocher aux acteurs de la PDA de ne pas marcher dans les clous ? Plus que jamais, il y a décidément urgence à disposer enfin d’un cadre légal à cette activité qui a clairement sa place à l’officine.
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